Innovations dans le diagnostic du cancer du sein

Schwerpunkt
Édition
2023/06
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.21442
Bull Med Suisses. 2023;103(06):71-73

Publié le 08.02.2023

Diagnostic Les chances de guérison d’un cancer du sein dépendent en grande partie d’un diagnostic précoce. Grâce aux innovations dans l’imagerie du sein, le diagnostic sera à l’avenir plus fiable, plus efficace et moins gênant pour la patiente pendant l’examen.
Le cancer du sein est le plus fréquent chez la femme et environ une femme sur huit reçoit ce diagnostic au cours de sa vie. Dans le rapport sur le cancer en Suisse de 2021, l’incidence du cancer du sein s’élève à 11,6% et il est la cause de 1400 décès en Suisse chaque année [1]. Grâce à la détection précoce du cancer du sein, le dépistage par mammographie a lieu à un stade inférieur, ce qui réduit la mortalité de 20 à 30%, tout en permettant un traitement plus efficace et plus doux. Une preuve de l’efficacité du dépistage du cancer du sein est fournie par l’analyse statistique des cas de cancer du sein en Suisse, qui montre que le taux de mortalité est plus élevé en Suisse alémanique qu’en Suisse romande et au Tessin, où des programmes de dépistage sont établis depuis longtemps. La «densité mammaire» est un facteur important dans l’évaluation des seins. Elle indique la quantité de tissu glandulaire contenue dans le sein par rapport au tissu adipeux. Une densité mammaire élevée constitue une limite importante à la précision du diagnostic lors des mammographies, car le tissu glandulaire peut masquer un éventuel cancer du sein. La probabilité de détection d’un cancer du sein par le biais d’une mammographie passe ainsi de près de 100% en cas de faible densité mammaire à seulement 50% en cas de densité mammaire élevée [2]. La densité mammaire n’est pas seulement importante pour l’évaluation de la mammographie, elle représente également un facteur de risque important pour le développement d’un cancer du sein, car plus le tissu mammaire est dense, plus la probabilité de développer un cancer du sein au cours de sa vie est élevée [3]. C’est pourquoi, en cas de densité mammaire élevée, une radiographie supplémentaire est recommandée afin d’augmenter le taux de détection du cancer du sein. Outre sa faible sensibilité en cas de densité mammaire élevée, la mammographie conventionnelle présente toutefois d’autres limites qui rendent les innovations dans ce domaine utiles et nécessaires. Des effets de superposition peuvent donner lieu à des faux positifs lors de la mammographie et entraîner des investigations supplémentaires. Enfin, la compression nécessaire des seins de 80 à 150 newtons est souvent source de douleurs lors de l’examen, de sorte que de nombreuses patientes décident de ne plus effectuer ce type de dépistage.

L’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle fait partie des sujets brûlants de la recherche radiologique. Il s’agit de l’analyse de données d’images radiologiques au moyen d’algorithmes d’apprentissage automatique qui permettent d’obtenir une standardisation des résultats afin de réduire les variations individuelles entre les radiologues. Les algorithmes les plus utilisés sont des réseaux neuronaux profonds, deep neural networks en anglais, qui présentent des similitudes avec la structure neuronale du cerveau humain. Ces réseaux neuronaux profonds sont devenus les algorithmes les plus puissants de l’intelligence artificielle grâce à la grande puissance de calcul des ordinateurs, notamment des cartes graphiques et à la grande quantité de données qu’ils contiennent (IA) [4]. L’intelligence artificielle peut ainsi générer un deuxième avis et potentiellement éviter des faux négatifs. L’étalonnage précis des logiciels de détection du cancer du sein reste toutefois délicat, car les taux de détection ne sont souvent acceptables que si le logiciel est réglé de manière à générer beaucoup trop de faux positifs. Une autre application de l’IA en mammographie est la classification standardisée de la densité mammaire mammographique [5] ainsi que l’évaluation de la qualité des images. Ces algorithmes d’IA, qui visent davantage à optimiser le flux de travail, présentent un énorme potentiel d’amélioration de l’efficacité des processus lors des mammographies de dépistage.

Radiographies

La radiographie du sein est utilisée pour visualiser des observations cliniques telles qu’une palpation et comme méthode complémentaire à la mammographie conventionnelle en cas de sein dense. L’utilisation de la radiographie seule comme méthode de dépistage peut être envisagée chez les patientes jeunes, mais dans l’ensemble, les preuves de l’utilité de la radiographie de dépistage sont limitées, elle génère également un grand nombre de faux positifs. Pour réduire la forte dépendance de la radiographie du sein à l’examinateur, on peut utiliser des systèmes de radiographie 3D automatiques modernes (ABUS) qui génèrent un ensemble de données volumétriques standardisées du sein [6]. Dans le cas de l’imagerie du sein, on peut également s’attendre à ce que les algorithmes de l’IA permettent une standardisation du diagnostic dans un avenir proche [7].

Nouvelles méthodes basées sur la radiographie

La tomosynthèse est une évolution de la mammographie conventionnelle qui, tout en maintenant la compression du sein nécessaire pendant la radio, crée un ensemble de données volumétriques pseudo-tridimensionnel à partir de nombreux angles de prise de vue différents. La tomosynthèse offre un taux de détection plus élevé que la mammographie conventionnelle seule et présente moins d’effets de superposition [8]. Elle implique toutefois une dose de rayons plus élevée et requiert plus de temps pour l’évaluation du radiologue. Afin d’augmenter le contraste des rayons dans les tissus mammaires denses, la mammographie avec produit de contraste fait actuellement l’objet d’études approfondies. Cette procédure consiste à administrer à la patiente un produit de contraste iodé par voie intraveineuse avant la mammographie [9]. Les tumeurs du cancer du sein absorbent généralement ce produit de contraste plus tôt que le tissu glandulaire normal, ce qui permet de détecter des tumeurs supplémentaires qui pourraient être cachées dans le tissu glandulaire dense. Le bénéfice supplémentaire généré par l’ajout d’un produit de contraste iodé doit toutefois être mis en balance avec les risques, des réactions allergiques ou un impact sur la fonction thyroïdienne étant possibles. La tomographie du sein assistée par ordinateur constitue une nouvelle méthode innovante en mesure de générer de véritables images 3D du sein avec une haute résolution spatiale en utilisant un détecteur à comptage de photons très efficace [10]. La tomographie informatisée des seins ne nécessite aucune compression et est donc totalement indolore. Elle peut être utilisée sans produit de contraste dans le cadre du dépistage du cancer du sein, mais permet également d’utiliser un produit de contraste iodé pour des questions spécifiques. La mammographie à contraste de phase est une autre nouvelle technique qui sera bientôt testée cliniquement. Cette dernière utilise non seulement le caractère photonique des rayons, mais également leur caractère ondulatoire, pour produire des mammographies plus précises [11].
Mammographie MLO du côté droit d’une patiente présentant un carcinome mammaire moyennement différencié, reconnaissable à son opacité spiculée avec trouble architectural adjacent. La lésion suspecte est détectée lors de l’analyse avec un réseau neuronal profond et représentée par une superposition rouge (b-rayZ technology).

Synthèse

L’imagerie du sein est un domaine très innovant dans lequel on peut s’attendre à des améliorations significatives du diagnostic du cancer du sein dans les années à venir.
Prof. Dr Dr méd. Andreas Boss
est médecin-chef à l'Institut de radiologie diagnostique et interventionnelle. Il est membre du conseil d'administration du Comprehensive Cancer Center Clinical Program à Zurich.
1 Le cancer en Suisse, rapport 2021. Département fédéral de l’intérieur DFI. Office fédéral de la statistique BFS.
2 Kolb TM, Lichy J, Newhouse JH. Comparison of the performance of screening mammography, physical examination, and breast US and evaluation of factors that influence them: an analysis of 27,825 patient evaluations. Radiology. 2002;225(1):p.165-75.
3 Boyd NF. Mammographic density and risk of breast cancer. Am Soc Clin Oncol Educ Book, 2013.
4 Schonenberger C, et al. Classification of Mammographic Breast Microcalcifications Using a Deep Convolutional Neural Network: A BI-RADS-Based Approach. Invest Radiol, 2021;56(4):p.224-231.
5 Ciritsis A, et al. Determination of mammographic breast density using a deep convolutional neural network. Br J Radiol, 2019;92(1093):p.20180691.
6 Brem RF, Tabár L, Duffy SW, Inciardi MF, Guingrich JA, Hashimoto BE, Lander MR, et al. Assessing improvement in detection of breast cancer with three-dimensional automated breast US in women with dense breast tissue: the SomoInsight Study. Radiology. 2015 Mar;274(3):663-73.
7 Ciritsis A, et al. Automatic classification of ultrasound breast lesions using a deep convolutional neural network mimicking human decision-making. Eur Radiol, 2019;29(10):p. 5458-5468.
8 Johnson K, Lång K, Ikeda DM, Åkesson A, Andersson I, Zackrisson S. Interval Breast Cancer Rates and Tumor Characteristics in the Prospective Population-based Malmö Breast Tomosynthesis Screening Trial. Radiology. 2021 Jun;299(3):559-567.
9 Fallenberg EM. Contrast-enhanced mammography. Radiologe. 2021 Feb;61(2):177-182.
10 Berger N, Marcon M, Frauenfelder T, Boss A. Dedicated Spiral Breast Computed Tomography With a Single Photon-Counting Detector: Initial Results of the First 300 Women. Invest Radiol. 2020 Feb;55(2):68-72.
11 Arboleda C, Wang Z, Jefimovs K, Koehler T, Van Stevendaal U, Kuhn N, et al. Towards clinical grating-interferometry mammography. Eur Radiol. 2020 Mar;30(3):1419-1425.