Vers un diagnostic rapide de l'endométriose?

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Édition
2023/1415
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2023.21377
Bull Med Suisses. 2023;104(1415):36-37

Affiliations
a Dr méd., Hôpital cantonal de Schaffhouse; b Dr méd., Hôpital cantonal des Grisons; c PD Dr méd., Hôpital de l’Île, Berne; d Prof. Dr méd., Hôpital de l’Île, Berne; e Dr méd., Hôpital cantonal de Schaffhouse

Publié le 05.04.2023

Endotest Un test salivaire qui diagnostique rapidement les cas d’endométriose: c’est ce que vient de mettre au point une start-up française. Si les premiers résultats sont prometteurs, un certain nombre de questions restent néanmoins en suspens.
L’Endotest a été conçu par la start-up Ziwig™ en France et est distribué en Suisse par le laboratoire Labor Team W™ et en Allemagne par Eluthia™. En Suisse, le test est remboursé sous la forme d’une biopsie liquide et donc pris en charge par l’assurance-maladie de base. Il coûte actuellement 781.20 francs et peut être prélevé par des médecins à l’aide d’un kit salivaire spécial. Un conseil génétique préalable n’est pas exigé. La durée d’exécution au laboratoire est estimée à 20 jours.
Actuellement, un test salivaire ne permet pas encore de déterminer le phénotype et l’étendue de l’endométriose.
© PChernetskaya / Dreamstime

Un test salivaire basé sur les miARN

L’Endotest est un test salivaire basé sur l’analyse des microARN. Les microARN, ou miARN, sont des acides ribonucléiques (ARN) non codants, généralement courts de 22 à 24 nucléotides. Ils sont capables de réguler la synthèse des protéines en bloquant les ARN messagers (ARNm) par une liaison complémentaire ou en accélérant leur dégradation. De ce fait, ils sont considérés comme des régulateurs de gènes hautement spécifiques et persistants [1, 2]. On les trouve non seulement dans le cytoplasme, mais aussi dans les fluides corporels, ce qui leur permet d’assumer une fonction de médiateurs paracrines et endocrines [3].
Dans l’étude de Bendifallah et al., un modèle de 109 miARN a été saisi à l’aide de l’intelligence artificielle et utilisé pour diagnostiquer les cas d’endométriose [4]. Le recours à l’intelligence artificielle et la prise en compte des plus de 2600 miRNA rapportés jusqu’à présent ont permis, selon les auteurs, de s’imposer face aux tentatives précédentes de test d’endométriose non invasif basé sur les miARN [5, 6].

Conception de l’étude

L’étude a inclus 200 participantes âgées de 18 à 43 ans souffrant de douleurs chroniques pelviennes ou de dysménorrhée [4]. Parmi elles, 153 étaient atteintes d’endométriose. Le diagnostic a été posé dans 45,8% des cas par IRM et dans 54,2% des cas par voie laparoscopique. Chez les 47 femmes restantes, l’endométriose a été exclue par laparoscopie. Ce groupe a servi de groupe de contrôle. 51% de ces femmes présentaient un situs opératoire normal, 23% un tératome, 11% un cystadénome, 2% un léiomyome et 13% une autre pathologie gynécologique.
Dans la cohorte de patientes atteintes d’endométriose, 52% présentaient un stade ASRM I-II et 48% un ASRM III-IV. Cela se reflète également dans la proportion relativement importante de troubles graves associés à l’endométriose (56% avec des douleurs sciatiques, 21% avec des douleurs de l’épaule droite associées au cycle, 24% avec une hématochézie associée au cycle, 17% avec une hématurie associée au cycle). Il existe une incertitude quant à la manière dont les 45,8% de cas diagnostiqués uniquement par IRM ont été classés en stades ASRM.

Diagnostic à l’aide d’un algorithme

Un algorithme a pu être conçu à l’aide de signatures de miARN, permettant de détecter des cas d’endométriose avec une sensibilité de 96,7% et une spécificité de 100% dans la cohorte publiée de 200 femmes [4]. Une validation interne a été réalisée sur 10 jeux de données différents. Une validation externe sur un collectif de patientes indépendant n’a pas encore été rapportée. Un point critique souvent évoqué est le nombre relativement faible de 47 femmes dans le groupe de contrôle, ce qui pourrait avoir une influence directe sur la sensibilité et la spécificité du test.

De nombreuses questions en suspens

Actuellement, de nombreuses questions restent en suspens. Que signifie le test pour l’adénomyose? Que signifie un résultat négatif lorsque l’examen révèle des signes clairs d’endométriose? Que signifie un résultat positif lorsque des patientes asymptomatiques se font tester? La sensibilité est-elle la même pour les formes légères et avancées d’endométriose? Dans le groupe de test actuel, un nombre relativement important de cas d’endométriose sévère ont été inclus (48% de stades rASRM III-IV). Or, un tel test serait particulièrement intéressant pour les formes peu avancées, qui sont plus difficiles à diagnostiquer par imagerie.
Comment interpréter le test lorsqu’une patiente atteinte d’endométriose connue présente une récidive des symptômes après un traitement chirurgical? Le test évalue-t-il la prédisposition ou la présence de l’endométriose? Que signifie un test positif ou négatif chez les femmes de moins de 18 ans et de plus de 43 ans? Une hormonothérapie a-t-elle un effet sur le résultat? Le succès du traitement peut-il être reflété dans le test? Le résultat influencera-t-il les décisions quant à l’indication et à la technique de l’opération?
Ce test ne remplace en aucun cas une anamnèse précise et un examen minutieux des signes d’endométriose, en particulier parce qu’il ne permet pas encore de déterminer le phénotype et l’étendue de l’endométriose.

De nouveaux résultats à venir

Selon les auteurs de l’étude, une étude de validation prospective multicentrique à grande échelle avec 1000 participantes dans 10 cliniques françaises vient de se terminer et les résultats sont attendus d’ici peu. Il serait envisageable qu’un élargissement du collectif testé puisse aider l’intelligence artificielle à affiner davantage l’algorithme. Maintenant que le test a été approuvé pour une utilisation clinique, les résultats d’autres groupes d’étude pourraient bientôt suivre.

Attendre la validation externe

En résumé, le développement d’un test non invasif de l’endométriose suscite de grandes attentes. Un test salivaire comme l’Endotest serait une forme de test idéale. Pour l’instant, il est préférable d’attendre la validation externe avec un groupe de patientes plus important avant d’utiliser le test comme moyen de diagnostic. D’ici là, il convient d’expliquer aux patientes que le résultat du test ne permet pas encore de poser un diagnostic avec certitude et qu’il ne peut pas encore remplacer les moyens de diagnostic cliniques et d’imagerie actuels, ni la laparoscopie.
À l’heure actuelle, il ne faut pas conseiller aux patientes qui le souhaiteraient d’effectuer ce test, car les résultats ne peuvent pas encore être interprétés et les coûts sont considérables. Avec une incidence d’endométriose d’environ 10% de la population féminine, procéder à ce test chez toutes les femmes concernées entraînerait des coûts de plus de 300 millions de francs. En cas de suspicion d’endométriose, sans corrélation à l’imagerie, un test peut éventuellement être envisagé, après que la patiente a été préalablement informée des limites du test.

Avis des experts

Les experts du Groupe de Travail pour l’Endoscopie Gynécologique de Gynécologie Suisse déconseillent actuellement l’emploi de l’Endotest hors étude clinique.
1 Bartel DP. MicroRNAs: genomics, biogenesis, mechanism, and function. Cell. 2004;116(2):281-97.
2 Bartel DP. MicroRNAs: target recognition and regulatory functions. Cell. 2009;136(2):215-33.
3 Mori MA, Ludwig RG, Garcia-Martin R, Brandão BB, Kahn CR. Extracellular miRNAs: From Biomarkers to Mediators of Physiology and Disease. Cell Metab. 2019;30(4):656-73.
4 Bendifallah S, Suisse S, Puchar A, Delbos L, Poilblanc M, Descamps P, et al. Salivary MicroRNA Signature for Diagnosis of Endometriosis. J Clin Med. 2022;11(3).
5 Moustafa S, Burn M, Mamillapalli R, Nematian S, Flores V, Taylor HS. Accurate diagnosis of endometriosis using serum microRNAs. Am J Obstet Gynecol. 2020;223(4):557.e1-.e11.
6 Monnaka VU, Hernandes C, Heller D, Podgaec S. Overview of miRNAs for the non-invasive diagnosis of endometriosis: evidence, challenges and strategies. A systematic review. Einstein (Sao Paulo). 2021;19:eRW5704.