HommageLe psychiatre suédois Johan Cullberg est décédé le 14 juin 2022 à l’âge de 88 ans. Il a fait partie des pionniers qui ont prôné une approche plus centrée sur la relation humaine en psychiatrie. Malgré d’éminents travaux, il a parfois été mécompris par ses pairs.
Né le 6 janvier 1934 à Uppsala en Suède, Johan Cullberg a été marqué durant sa jeunesse par la prise en charge de son frère atteint d’une affection schizophrénique. Il a choisi d’étudier la médecine et de devenir psychiatre.
Une thèse de doctorat sur les différents symptômes chez la femme provoqués par la pilule contraceptive lui a valu une correspondance valorisante du Prof. Manfred Bleuler.
Quelques pionniers dont Johan Cullberg prônaient une approche plus centrée sur la relation humaine en psychiatrie. Appartenant à cette lignée, il est devenu psychanalyste, ce qui allait à l’encontre de l’approche dominante, biologique et pharmacologique de la psychiatrie en Suède. Le combat fut long.
Il a entrepris une recherche sur la sectorisation des services psychiatriques, qui a démontré des effets positifs indéniables. Une autre recherche visant la prise en charge initiale et interdisciplinaire des jeunes atteints de troubles psychotiques, devenue connue sous la dénomination du modèle scandinave, est sans doute l’approche qu’il aurait souhaité pour son frère.
La souffrance, déclencheur de la créativité
Mis à part ses publications de recherche et des livres sur les psychoses ainsi qu’un Traité de Psychiatrie Dynamique à tirage impressionnant car apprécié aussi par les professions dites paramédicales, Johan Cullberg a publié un livre-conseil destiné au grand public nommé «Kris och Utveckling» («Crise et développement») décrivant l’impact de la souffrance humaine comme facteur pouvant contribuer au développement de la créativité dans la vie de tout un chacun. Ce livre est devenu un best-seller.
Sur la base de ces idées, il a entrepris de décrire la vie et la créativité d’auteurs suédois renommés, entre autres Dagerman, Fröding et Strindberg. Son approche humaniste et sa compréhension profonde de la condition humaine ont touché non seulement les professionnels de la littérature mais aussi le grand public.
Les fonds recueillis grâce aux tirages importants de ses livres ont permis à la maison d’édition Natur & Kultur à Stockholm de créer une fondation au nom de Cullberg pourvoyant des bourses pour des études en psychiatrie à l’étranger.
Renommée internationale
Malgré ses travaux de recherche très innovatifs et ses publications importantes, il n’a jamais été nommé professeur par ses pairs – ce qui reflète les rivalités et les antagonismes liés aux dogmes institutionnels. C’est finalement le gouvernement qui lui a décerné le titre.
Avec les années, Johan Cullberg est devenu le nestor de la psychiatrie en Suède, jouissant d’une renommée internationale.
Pour celles et ceux d’entre nous qui avions le privilège de connaître Johan personnellement, il était, mis à part sa réflexion profonde assortie d’une modestie exemplaire, à considérer comme un grand spécialiste de l’amitié. Il s’en est allé le 14 juin dernier à Stockholm, laissant un vide immense.
Göran Kjellberg
Spécialiste en psychiatrie et psychothérapie des enfants et adolescents, Genève
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