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«La réglementation va bien trop loin»

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Édition
2022/46
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2022.21230
Bull Med Suisses. 2022;103(46):8-9

Publié le 16.11.2022

Soins coordonnésLe Conseil fédéral entend promouvoir les réseaux de soins coordonnés avec le 2e volet de mesures qu’il vient d’adopter. Mais dans les faits, ces nouveaux plans mettent en péril les travaux antérieurs et les réseaux existants.
Gabriela Lang, Iris Herzog-Zwitter, les bases légales de la LAMal doivent être adaptées en vue d’une prise en charge coordonnée des patientes et patients au sein de réseaux de médecins. Qu’en pense le service juridique de la FMH?
Sur le fond, tous les acteurs du système de santé tiennent à une bonne coordination des soins. Celle-ci n’exige en revanche pas de nouvelles bases légales. Ce n'est pas au législateur de concurrencer les réseaux innovants et efficaces qui existent déjà et disposent de la marge de manoeuvre requise pour fonctionner. La réglementation va en outre beaucoup trop loin. Le Conseil fédéral ne doit pas inscrire les directives concernant l’organisation des «réseaux de soins coordonnés» dans des lois et des ordonnances. La Dre Yvonne Gilli expliquait à ce sujet dans l’article «Démultiplication des volumes en politique de la santé» [1]: «Quand on parle de “soins coordonnés”, il s’agit aujourd’hui manifestement “d’administration étatique”. Le Conseil fédéral souhaite que les fournisseurs de prestations ambulatoires travaillent comme employés dans de nouveaux “réseaux” organisés et soutenus financièrement par l’État.»
Que signifient ces nouveaux plans pour les réseaux existants?
Nous nous posons aussi la question et n’avons pas de réponse pour l’instant. Le système de santé actuel, axé sur la qualité, attache une grande importance à des soins interdisciplinaires et interprofessionnels. Le projet de loi ne précise pas les conditions que devra remplir un réseau pour être agréé. Cela laisse une marge de manœuvre qui ne devrait pas être restreinte ultérieurement par des directives du Conseil fédéral.
La fiche d’information [2] stipule: «Les conditions nécessaires à l’admission d’un réseau de soins coordonnés, énoncées à l’art. 37a, al. 1, P-LAMal, ne sont pas trop détaillées afin de laisser la plus grande liberté possible lors de la création de tels réseaux.» Qu’est-ce que cela signifie exactement?
Comme le projet de loi autorise le Conseil fédéral à fixer par voie d’ordonnance d’autres exigences pour l’admission des fournisseurs de prestations, ainsi que les exigences minimales applicables aux conventions entre les réseaux de soins coordonnés et d’autres prestataires, il est probable que la marge de manœuvre évoquée sera en réalité très restreinte. Au bout du compte, cela signifie que c’est le Conseil fédéral qui va définir les exigences et les normes pour la mise en œuvre. Il faut rejeter sans équivoque un micromanagement de l’État sous la forme d’une intervention du Conseil fédéral dans le règlement des contrats.
Comment se répartiront les responsabilités dans les systèmes de soins intégrés?
Le problème est que, en ce qui concerne les assureurs, le réseau de soins coordonnés doit fournir toutes ses prestations en tant que prestataire unique. Sous l’angle d’une évaluation de la responsabilité civile, on peut partir du principe que le médecin qui assume la direction médicale devra aussi assumer la responsabilité vis-à-vis de l’extérieur.
Quels sont les aspects à prendre en compte pour le remboursement?
Actuellement, la LAMal et les ordonnances correspondantes ne prévoient pas de réglementation générale, applicable à tous les prestataires, pour le remboursement de prestations de coordination, dont la rémunération serait pourtant un point important pour promouvoir les soins intégrés et coordonnés tout au long de la chaîne de prise en charge. C’est là qu’il faut intervenir. Le message précise qu’il est fondamentalement possible de rémunérer ces prestations en tant que telles. Le 2e volet de mesures visant à freiner la hausse des coûts reconnaît donc la nécessité et l’importance de ces prestations de coordination. Elles devraient toutefois pouvoir être prises en charge par l’AOS indépendamment de la manière dont elles sont réalisées. Il n’est pas nécessaire pour cela d'ajouter un type de fournisseurs de prestations supplémentaire à la liste de la LAMal.
Le système de financement EFAS est en outre nécessaire pour promouvoir les soins intégrés. En effet, en l’absence de financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires, des incitations erronées persistent dans le système de santé.
Gabriela Lang, licenciée en droit
Avocate et responsable du service juridique de la FMH
Iris Herzog-Zwitter, docteure en droit
Juriste du service juridique de la FMH
Le service juridique de la FMH se montre critique à l’égard de l’adaptation des bases légales de la LAMal.
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1 Yvonne Gilli «Démultiplication des volumes en politique de la santé» dans: BMS 2022; 103(41): 26-27.