Écart salarial: un salaire inégal à travail égal

DDQ
Édition
2022/43
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2022.21148
Bull Med Suisses. 2022;103(43):31-35

Affiliations
a Dre sc., ETH Zurich, division DDQ; b lic. rer. oec., cheffe de la division DDQ; c Dr méd., vice-président de la FMH, responsable du département DDQ/ASQM

Publié le 25.10.2022

Inégalité Les femmes médecins gagnent moins que leurs confrères pour le même travail. La FMH a analysé les raisons de cet écart, qu’elle présente dans un document de base. Elle en profite pour prendre position et proposer des pistes pour y remédier.
À qualification et expérience équivalentes, les femmes médecins gagnent moins que leurs confrères pour le même travail – même après correction des facteurs ayant une incidence sur le revenu et le salaire. Les facteurs influençant les salaires et les revenus sont multiples et les causes des différences inexpliquées de salaire ou de revenu en fonction du sexe ne sont pas totalement élucidées. De nombreuses études indiquent que les femmes médecins peuvent être désavantagées à ce niveau. Par exemple, elles ne bénéficient pas du même accès aux ressources (différences dans les heures d’opérations, la patientèle qui leur est référée, l’éventail des cas traités [case mix], etc.) et aux opportunités de carrière (à productivité égale, les femmes sont promues moins souvent et moins rapidement). D’autres études font état de différences dans le mode d’exercice de la profession (temps consacré à chaque patiente et patient, choix du traitement, etc.) ou dans la facturation.
La proportion de femmes parmi les médecins en activité en Suisse est de 45% et elle poursuivra sa progression dans les années à venir. Comment lutter contre les inégalités de revenu et de salaire entre les femmes et les hommes médecins? Ce document de base offre une vue d’ensemble sur le sujet. Outre l’analyse des causes possibles, des mesures concrètes sont proposées pour promouvoir l’égalité des revenus et des salaires.

Écart salarial entre femmes et hommes

Dans tous les pays de l’OCDE – les principales nations économiques –, les femmes gagnent moins que les hommes. La différence varie entre 4 et 30% (cf. figure 1). À l’échelle de l’OCDE, ce chiffre atteint près de 11,6% (rapport «Pay Transparency Tools to Close the Gender Wage Gap»). En Suisse, en 2018, les femmes gagnaient 13% de moins que les hommes (salaire médian), et le salaire moyen des femmes était inférieur de 19% au salaire moyen des hommes. La part de l’écart salarial inexpliqué s’élève à 8,1% [1] (OFS: «Analyse des différences salariales entre femmes et hommes sur la base de l’enquête suisse sur la structure des salaires [ESS] 2018, rapport final»). L’écart de salaire inexpliqué (part inexpliquée) renseigne sur les écarts de salaire subsistant lorsque l’on compare les salaires de femmes et d’hommes présentant en moyenne les mêmes facteurs explicatifs observables comme la formation, la profession, le secteur d’activité, etc. On parle d’écart salarial inexpliqué lorsque les femmes et les hommes reçoivent en moyenne des salaires différents à caractéristiques observables égales. Si la figure 2 montre que l’écart salarial diminue au fil du temps en Suisse et aussi au niveau international, la différence de salaire entre les femmes et les hommes aux niveaux hiérarchiques supérieurs et au même niveau de responsabilité était encore de 17% en 2020 [2].
Figure 1: Différence de salaire entre les sexes pour les personnes employées à plein temps en 2019 ou pour la dernière année disponible, par pays.
Source: OCDE (2021), Écart de revenus entre les hommes et les femmes: https://data.oecd.org/fr/earnwage/ecart-de-revenus-entre-les-hommes-et-les-femmes.htm .
Les médecins femmes gagnent nettement moins que les médecins hommes [3–6]. Les différences de salaire et de revenu peuvent être en partie expliquées par la spécialité choisie et le nombre d’heures travaillées [7]. Des études menées dans différents pays montrent cependant que les femmes médecins salariées – après correction des facteurs ayant une incidence sur le salaire tels que le taux d’occupation, la spécialité médicale, etc. – touchent un salaire inférieur à celui de leurs confrères pour la même prestation [4, 6, 7].
Figure 2: Différence de salaire entre les sexes pour les personnes employées à plein temps sur une période donnée.
Source: OCDE (2021), Écart de revenus entre les hommes et les femmes: https://data.oecd.org/fr/earnwage/ecart-de-revenus-entre-les-hommes-et-les-femmes.htm .
Les différences de revenu peuvent également être importantes chez les femmes médecins indépendantes. Le rapport de l’Office fédéral de la statistique «Les revenus des médecins indépendants dans les cabinets médicaux en 2019, Statistique des cabinets médicaux et des centres ambulatoires (MAS)» [8] montre que la différence de revenu inexpliquée s’élève à 25%, à conditions égales (spécialité, taux d’occupation, âge, etc.).
Pour parvenir à l’égalité des salaires et des revenus entre les sexes, il faut identifier les raisons des différences et les replacer dans leur contexte. Ce document de base offre une vue d’ensemble sur le thème de l’écart salarial entre femmes et hommes au sein du corps médical. Outre une analyse des causes possibles, il propose aussi des mesures visant à promouvoir l’égalité des salaires et des revenus. L’objectif est de susciter le débat et de fournir des pistes pour la pratique.

L’écart salarial en médecine

Une inégalité salariale peut être justifiée, par exemple si le travail effectué n’est pas le même ou s’il existe des différences de qualification. On parle d’une différence de salaire injustifiée lorsque des femmes et des hommes, à qualification et expérience égales, ne reçoivent pas la même somme d’argent pour le même travail (requérant des compétences et des responsabilités similaires et effectué dans des conditions similaires) [9].
Bien que les raisons de cet écart salarial dans le domaine de la médecine ne soient pas clairement identifiées [4, 10], plusieurs études ont constaté des facteurs liés au sexe pouvant le favoriser [11–16]. Par exemple, les femmes et les hommes ne bénéficient pas du même accès aux ressources (différences dans les heures d’opérations, la patientèle qui leur est référée, l’éventail des cas traités [case mix], etc.) et aux opportunités de carrière [4, 17]. Les tâches administratives et organisationnelles chronophages, considérées comme du «housekeeping institutionnel» et ne favorisant pas la promotion, sont plutôt attribuées aux femmes [18]. À productivité égale, les femmes sont promues moins souvent et moins rapidement et reçoivent de moins bonnes évaluations de la part de leurs supérieurs [17, 19–22]. Dès la procédure de recrutement, il existe des différences liées au sexe qui peuvent entraîner une discrimination [4, 17]. Les femmes disposant des mêmes qualifications en matière de direction que les hommes, telles que la capacité à prendre des décisions, à s’imposer, etc., sont évaluées plus négativement et jugées par exemple comme antipathiques ou revêches [23]. De même, lors de la procédure de recrutement, les femmes sont davantage évaluées en fonction de leurs réalisations passées, alors que le potentiel pèse davantage dans la balance chez les hommes [24].
Dans les hôpitaux et cliniques suisses, on note un déséquilibre au niveau du pourcentage de femmes et d’hommes occupant des postes à haut niveau de responsabilité (cf. figure 3). Les femmes sont sous-représentées dans les postes de direction; les chiffres sont inférieurs à ce qu’on pourrait attendre compte tenu de leur représentation dans la tranche d’âge concernée [22, 25].
Figure 3: Nombre de femmes médecins en exercice en Suisse, par fonction (en %).
Source: Statistique médicale 2021 de la FMH.
D’autres études font état de différences entre les femmes et les hommes dans l’exercice de la profession de médecin [26], différences qui ont principalement une incidence sur le revenu des femmes indépendantes. Une étude américaine menée auprès de médecins de premier recours [27] montre que les femmes consacrent en moyenne davantage de temps (16% ou 2,4 minutes) aux patientes et aux patients. Elles documentent davantage leurs diagnostics, établissent plus d’ordonnances que leurs confrères et manquent plus souvent l’occasion de facturer ce temps en conséquence [27]. De ce fait, elles totalisent dans l’ensemble moins de consultations par jour et par an que les hommes. D’après d’autres études menées dans différents pays, les femmes médecins consacreraient plus de temps que leurs confrères aux examens médicaux, aux dépistages, à l’information des patientes et des patients et à la prise de décision partagée (Shared Decision Making), etc. [28–32]. L’enquête représentative auprès du corps médical en Suisse réalisée par gfs.bern sur mandat de la FMH fait également état de différences liées au sexe dans la pratique de l’activité médicale. À la question «Si vous pensez à votre dernière journée de travail normale, combien de temps avez-vous consacré aux tâches suivantes?», les médecins hospitaliers interrogés ont répondu comme suit: en 2021, les femmes ont consacré en moyenne 22,9% de leur temps au travail de documentation / au dossier médical / à la rédaction de rapports, contre 17,4% pour les hommes [33]. En ce qui concerne le choix de la méthode de traitement, des études menées pour différentes spécialités et dans différents pays montrent également que les femmes choisissent et facturent des procédures moins coûteuses que leurs confrères [20, 26, 34].

Les conséquences de l’écart salarial

L’égalité salariale entre les femmes et les hommes est indispensable non seulement d’un point de vue éthique et moral, mais aussi financier, pour la prévoyance-vieillesse. Les femmes peuvent en effet générer jusqu’à 30% de fortune en moins au cours de leur carrière professionnelle [35]. Environ deux tiers des femmes apportent le revenu principal du ménage ou contribuent à ce dernier et doivent assurer leur subsistance et celle de leur famille, payer des frais de formation et épargner pour leur prévoyance-vieillesse. Le salaire inférieur des femmes a également une incidence négative sur la croissance économique: l’Institute for Women’s Policy Research américain a calculé en 2016 que le revenu national aurait été supérieur de 512,6 milliards de dollars si les femmes avaient reçu le même salaire que les hommes pour le même travail [35].
Enfin, une inégalité salariale injustifiée liée au sexe a un impact négatif sur la motivation, les relations de travail, la fluctuation du personnel et, par conséquent, sur le travail fourni et la réussite économique [36–38]. Le fait d’être confrontée à une charge de travail élevée et de recevoir un revenu plus faible peut nuire au bien-être et augmenter le risque de burn-out [39–42].

Documents de base de la FMH

En se fondant sur la littérature scientifique, la division Données, démographie et qualité (DDQ) de la FMH rédige des documents de base sur différents thèmes. Publiés dans le Bulletin des médecins suisses, ils servent de référence à la FMH pour se prononcer officiellement dans un document intitulé «Prise de position du Comité central de la FMH». Nous vous présentons ici le document de base et la prise de position du Comité central de la FMH consacrés à l’écart salarial entre femmes et hommes.

La persistance de l’écart salarial

Le manque de transparence et une culture d’entreprise défavorable sont des facteurs déterminants pour la persistance de l’écart salarial. Les cadres sont peu incités à s’attaquer volontairement à l’inégalité salariale entre les sexes. Modifier la structure salariale existante peut impliquer des efforts et engendrer de la résistance. La crainte de litiges et de supposés favoritismes, ainsi que le souhait de ne pas compromettre la satisfaction de ceux qui ne sont pas concernés par l’inégalité salariale, réduisent la volonté de se pencher sur la question des salaires [9, 36].
Pendant leur formation et au début de leur activité professionnelle, les femmes et les hommes estiment que leurs chances de faire carrière sont équivalentes. En revanche, la réalité montre qu’après avoir fondé une famille, il devient plus difficile de concilier vie familiale et vie professionnelle [43]. En Suisse, le système social continue d’inciter les femmes à assumer plus de travail de «care» et, pour cette raison, à travailler davantage à temps partiel que les hommes. Les entreprises qui exigent obligatoirement un taux d’occupation de 100% pour les postes supérieurs excluent ainsi systématiquement davantage de femmes. Encore présents chez les employeurs, les préjugés selon lesquels les femmes sont moins orientées vers la performance, se sentent moins attachées à leur travail que les hommes [17, 44, 45], et l’idée selon laquelle les femmes sont plus disposées à assumer des tâches moins exigeantes (administratives / organisationnelles) [9, 18], peuvent avoir un effet négatif sur les possibilités de carrière et l’égalité salariale.

Mesures contre l’écart salarial

Comment parvenir à l’égalité salariale entre les sexes? Selon des études menées par l’OCDE (rapport de l’OCDE «Pay Transparency Tools to Close the Gender Wage Gap», 2021) [46], le lancement d’initiatives pour une plus grande transparence des salaires est un instrument relativement simple et intuitif pour constater les différences de salaires et prendre des mesures pour y remédier. La divulgation des salaires fournit au personnel, aux employeurs et au public un outil important pour lutter contre l’inégalité des revenus, car elle rend visible l’existence et l’ampleur du problème. Il faut veiller à ce que le plus grand nombre possible de parties – notamment les syndicats ou les comités d’entreprise – soient impliquées dans le processus et que les résultats soient publiés de manière bien visible. Les entreprises doivent savoir clairement quelles données doivent être rapportées. Les analyses doivent en outre montrer quelle partie de la différence ne peut pas être expliquée par des facteurs objectifs et pertinents et reposer sur une base de données ainsi qu’une méthodologie solides et fiables. Les calculateurs de salaires mis à disposition sont utiles aux entreprises pour évaluer et présenter les données. Il convient également de contrôler le respect des directives et de sanctionner les écarts.
En Suisse, depuis 2020, les entreprises employant plus de cent personnes ont l’obligation d’effectuer tous les quatre ans une analyse interne de l’égalité salariale (loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes) et d’informer le personnel et les actionnaires des résultats. Cette exigence a pour objectif de faire respecter le droit constitutionnel à un salaire égal pour un travail égal et de valeur égale.
Woodhams et al. [45] ont publié en 2021 des recommandations indépendantes de la discipline pour réduire l’écart salarial entre les femmes et les hommes médecins (cf. tableau 1). S’inspirer des exemples de bonnes pratiques (stratégies, concept, etc.), proposer des mentorats interinstitutionnels, des cours de promotion des compétences de négociation et d’évaluation des femmes et des hommes, etc., sont autant de mesures qui contribuent à l’égalité salariale [47]. Dans ce contexte, il est nécessaire que les dirigeantes et dirigeants s’engagent activement en sa faveur [48, 49]. Cela peut signifier communiquer l’égalité salariale en tant qu’objectif stratégique, définir un travail comparable / une valeur comparable du travail, répartir les ressources de manière appropriée, créer des possibilités de promotion égalitaires et rendre public le mode de calcul du salaire, etc.
Tableau 1: Recommandations pour lutter contre l’écart salarial entre les femmes et les hommes dans le domaine médical (Woodhams et al. 2021) [45]
1.Aborder les obstacles structurels aux possibilités de carrière et de progression salariale des femmes en médecine.
2.Rendre les postes supérieurs plus accessibles à davantage de femmes.
3.Apporter davantage de transparence sur l’écart salarial entre les femmes et les hommes.
4.Rendre obligatoire la mise en œuvre de stratégies pour remédier à l’écart salarial entre les femmes et les hommes.
5.Promouvoir un changement de comportement et de culture.
6.Examiner et, le cas échéant, modifier la reconnaissance de l’excellence et la rémunération basée sur la performance.
7.Mettre en œuvre un programme d’analyse en continu des écarts salariaux entre les femmes et les hommes.
(texte original en anglais)
Un exemple qui a fait ses preuves depuis 40 ans est le modèle salarial de la Mayo Clinic (Rochester, Minnesota, USA). Celui-ci attribue le même salaire à ses médecins au sein d’une même spécialité et indépendamment de leur niveau de performance clinique ou académique. Il n’existe pas d’incitations financières individuelles, de marge de négociation ou de versement de bonus, mais ce système salarial transparent et équitable encourage un traitement centré sur la patientèle et se basant sur l’équipe [50]. Depuis 2013, la Fédération des médecins suisses (FMH) s’oppose également publiquement aux bonus liés aux objectifs inclus dans les contrats des médecins hospitaliers (Prise de position de la FMH sur les bonus dans les contrats des médecins hospitaliers, 2013) [51].
Sur le plan individuel, il est notamment central que les femmes acquièrent une plus grande visibilité, créent des réseaux informels et s’engagent à plusieurs contre l’inégalité salariale. Il est important que les femmes jouissent d’une forte représentation dans la politique et l’économie et qu’elles s’engagent pour la place des femmes et la valeur de leur travail ainsi que pour une législation en conséquence en matière de politique familiale. Les hommes peuvent contribuer à une société équitable en intégrant les femmes dans leurs réseaux, en les conseillant et en leur faisant bénéficier d’une promotion active [39].

Cultures comportementale et de travail

Les cultures comportementale et de travail en médecine sont orientées sur la performance et la carrière [52]. Le travail à temps partiel constitue un frein à la carrière. Cependant, les activités extra-professionnelles qui sont en majorité exercées par les femmes telles que la gestion du ménage, de la vie familiale, la prise en charge des proches, le volontariat, etc., impliquent une multitude d’interactions personnelles, sociales et méthodiques. Or de bonnes aptitudes à la communication, des méthodes de travail structurées et orientées sur les objectifs, des capacités de résistance, une responsabilité individuelle, un esprit d’équipe, de la résistance au stress sont autant de compétences importantes lorsqu’on est en contact avec les patientes et patients. Si davantage d’hommes travaillaient à temps partiel et assumaient du travail de «care», cela entraînerait notamment une meilleure répartition du travail non rémunéré / rémunéré entre les sexes (et des perspectives de carrière), ce qui pourrait avoir des répercussions positives sur différents domaines et pour les différentes personnes concernées.
Les patientes et les patients ainsi que les fournisseurs de prestations profiteraient également de ce changement. Dans une culture comportementale et de travail où la performance (en termes de quantité) n’est pas au premier plan, les médecins sont moins pressés par le temps et des consultations plus longues peuvent être envisagées. De nombreuses études montrent qu’un temps de consultation plus long conduit à une meilleure prise en charge (conseil plus approfondi, meilleurs résultats, plus grande satisfaction de la patientèle et des médecins, etc.) [9, 27, 53–58]. Des modèles de rémunération qui indemnisent de manière appropriée le temps passé (et non la quantité), qui tiennent compte de la complexité des cas traités et qui n’incitent pas à réaliser des traitements plus lucratifs, pourraient contribuer à réduire l’inégalité salariale [27, 59–62].

Questions à approfondir

L’inégalité des salaires et des revenus liée au sexe peut être influencée par différents facteurs et se déclarer de manière indirecte ou inconsciente, par exemple par des habitudes dont il est difficile de se défaire. Pour mieux comprendre les causes d’une inégalité de salaire et de revenu existante, il faut disposer de davantage de données récoltées en Suisse, pertinentes pour la détermination du salaire et du revenu, concernant l’ensemble de la carrière professionnelle des médecins (y compris le travail à temps partiel ou les périodes sans activité lucrative).
De combien de temps les médecins indépendants ont-ils besoin par consultation ou pour des activités qui ne se déroulent pas directement auprès de la patiente ou du patient, comme la documentation, les clarifications, les messages électroniques, les appels téléphoniques, etc.? Et combien de temps sera facturé? Il est également important de prendre en compte le case-mix car les patientes et patients qui ont davantage besoin de s’exprimer consultent plutôt une médecin femme [63–65]. Les patientes et patients qui prennent beaucoup de temps sont plutôt adressés à des femmes, car on attend d’elles qu’elles leur consacrent le temps nécessaire, même si celui-ci n’est pas rémunéré [39]. Ou bien existe-t-il des différences liées au sexe dans le choix de la variante de traitement la moins chère ou dans la déclaration du nombre d’heures de travail?
On constate de grandes différences de salaires et de revenus entre les disciplines / spécialités médicales, l’inégalité salariale entre les femmes et les hommes étant constatée dans toutes les disciplines [59, 66, 67]. Les femmes sont surreprésentées dans les spécialités qui offrent des possibilités de rémunération inférieures (par exemple la pédiatrie, la psychiatrie et psychothérapie). Dans les disciplines chirurgicales, où les revenus sont comparativement élevés, la proportion de femmes n’est que de 5 à 20% [67, 68]. Il est important de connaître les raisons pour lesquelles les femmes et les hommes choisissent des spécialités différentes et de savoir si les inégalités salariales entre les femmes et les hommes diffèrent entre les spécialités afin de lutter contre un éventuel désavantage lié au sexe. La conciliation entre vie professionnelle et vie familiale (par exemple la possibilité de travailler à temps partiel, une répartition du travail planifiable) est un facteur non négligeable. Mais la socialisation ou des facteurs psycho-comportementaux peuvent également jouer un rôle. Par exemple, on peut se demander si les femmes évitent les domaines à prédominance masculine pour des raisons d’anticipation (crainte du rejet et de l’opposition, etc.). Ou dans quelle mesure une éventuelle préférence pour des spécialités centrées sur les patientes et patients peut par exemple influencer le choix de la spécialité?

Un salaire égal pour un travail égal

L’accès à des possibilités de revenus et aux opportunités de carrière ne doit pas dépendre du sexe, de l’âge, de la nationalité, etc. Reconnaître les inégalités et les combattre par des contre-mesures est payant à tous points de vue. Une société plurielle et équilibrée favorise la créativité et l’innovation grâce à la diversité des perspectives, des compétences et des approches.
Il est temps d’éliminer les différences de salaire.
© Ammentorp / Dreamstime
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