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La médecine de famille, la solution à la hausse des coûts?

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Édition
2022/41
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2022.21136
Bull Med Suisses. 2022;103(41):8-9

Publié le 11.10.2022

Soins de basePopulation vieillissante, explosion des coûts, pénurie de main-d’œuvre: les défis du système de santé sont nombreux. Pour y faire face, la médecine de famille a un rôle important à jouer, estime l’association mfe. Elle a récemment tenu un symposium sur ce thème.
«Vous avez senti le choc des primes?», a lancé Philippe Luchsinger, président de l’association Médecins de famille et de l’enfance Suisse (mfe), à l’ouverture de son symposium le 29 septembre à Berne. La hausse des primes maladie, un symptôme criant de l’état actuel du système de santé. Un état «de crise», comme l’ont illustré les différents intervenants et intervenantes, souvent inquiets pour la prise en charge de la population: coûts de la santé en constante augmentation, financement des hôpitaux, tarifs obsolètes, pénurie de généralistes. Ce symposium était aussi, et surtout, l’occasion de souligner l’importance de la médecine de famille dans ce «contexte d’insécurité grandissante», selon les mots du président de mfe. «Les médecins de famille ont un rôle clé: ils peuvent contribuer à stabiliser les coûts grâce à la prévention auprès des patients.»
Des propos partagés par Pierre-Alain Schnegg, directeur de la santé du canton de Berne, qui voit les médecins de famille comme des «gardiens du système de santé». «Grâce à leur travail, ils permettent une gestion ciblée et judicieuse des flux de patients». Fournissant les soins de base, les médecins de famille sont les professionnels de la santé qui connaissent le mieux les patients et qui peuvent ainsi les diriger vers le traitement le plus approprié.

Former plus de généralistes

Or il manque de plus en plus de médecins de famille. Dans certaines régions, la situation est urgente, à l’image du canton de Berne qui va déployer des moyens de soutien supplémentaires pour former davantage de relève. «Actuellement, le canton finance 35 places d’assistanat dans des cabinets de médecins de famille, dix places de plus seront créées en 2023», a annoncé Pierre-Alain Schnegg. Il s’agit de montrer par la pratique aux médecins assistants les diverses facettes du métier de généraliste et, in fine, de leur donner envie d’exercer dans ces cabinets après leur assistanat. Une promotion qui doit commencer dès la formation prégraduée, poursuit-il, évoquant la décision en 2018 d’augmenter le nombre de places en médecine humaine à l’Université de Berne. «D’ici 2024, la faculté comptera plus 2000 places, ce qui en fera la plus grande de Suisse.» Ce qui a suscité une réaction parmi le public: augmenter le nombre de places dans les facultés est une chose, mais comment éviter que la majorité des jeunes médecins ne se spécialisent? Pour Pierre-Alain Schnegg, cela passe par un renforcement de l’image de la médecine de famille auprès du grand public. Il voit un potentiel de «marketing innovant» chez les grandes associations professionnelles. Jeunes médecins de famille suisses (JHaS) et mfe ont d’ailleurs lancé une campagne vidéo, qui circulera sur les réseaux sociaux pour montrer ce que font les généralistes et où sont leurs forces.

«Un métier a la valeur qu’il reçoit»

Pour rendre les conditions-cadres plus attrayantes, il s’agit aussi pour les médecins de famille de s’entourer d’autres professions soignantes. «L’interprofessionnalité aide à optimiser le travail au cabinet», a souligné Sébastien Jotterand, vice-président de mfe. D’après lui, les nouveaux métiers des soins, comme les nurse practitioners et les infirmières praticiennes spécialisées (IPS), peuvent grandement soulager le généraliste dans la prise en charge des maladies chroniques, soit «80% de nos patients».
D’un côté, l’image et la réputation, de l’autre la rémunération. «Un métier a la valeur qu’il reçoit», a dit Pierre-Alain Schnegg, évoquant le fait que les prestations des soins de base ne sont pas aussi bien rémunérées que celles d’autres spécialités. «Ce n’est donc pas étonnant que l’ensemble du système de santé se spécialise et devienne plus cher», a lancé le conseiller d’État bernois. Il a pris l’exemple des hôpitaux régionaux, qui sont obligés de proposer des spécialités, car les soins de base ne leur permettent pas de «survivre». Résultat: suroffre, interventions superflues et hausse des coûts de la santé. La solution? «Les tarifs doivent être adaptés aux prestations effectives et doivent tenir compte de l’évolution de la médecine», selon Pierre-Alain Schnegg.
Interpellé sur le fait de revaloriser la médecine de famille, Martin Landolt, conseiller national et président de la faitière des assurances maladie santésuisse, a répondu que plus que le fait d’augmenter les rémunérations, il s’agit surtout d’améliorer les conditions de travail du généraliste, notamment en périphérie, «qui n’a plus besoin d’être joignable 24 heures sur 24, 7 jours sur 7». Un médecin parmi l’assistance a tenu à souligner: «Pour nous, médecins de famille et pédiatres, ce n’est pas qu’une question d’argent. Notre souci est avant tout de mieux prendre en charge nos patients.»
Les médecins de famille sont des «gardiens du système de santé», pour Pierre-Alain Schnegg, directeur de la santé du canton de Berne.
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