AutodéterminationLa FMH propose une version révisée de ses directives anticipées. Elles seront disponibles en ligne et sur papier dès le mois d’octobre. N’hésitez pas à en parler à vos patientes et patients.
Illustration d’une vision holistique de la santé en 6 dimensions.
En tant que médecins, nous sommes régulièrement confrontés à des situations critiques qui impliquent de prendre des décisions rapides en manquant souvent d’informations. Plus la situation est critique et plus la décision doit être prise rapidement. Or il arrive malheureusement souvent que la personne concernée ne soit plus en mesure de faire clairement part de ses souhaits ou de sa volonté. D’un point de vue juridique, elle devient donc incapable de discernement et nous, médecins, devons décider à sa place conformément à sa volonté présumée.
Aide en situation d’urgence
Je me souviens par exemple de Monsieur P., que j’ai rencontré il y a quelques années lorsque je travaillais aux soins intensifs de l’Hôpital universitaire de Zurich et qui souffrait d’une grave maladie pulmonaire au stade terminal. Transplanté, il se trouvait en détresse respiratoire sévère et était placé sous respirateur. Péniblement, j’ai essayé de lui demander s’il souhaitait ou non être intubé si son état devait se détériorer. Au bout d’un certain temps, j’ai bien dû me rendre à l’évidence que cette tentative était vaine. Il luttait pour respirer et ne me comprenait plus. Il n’avait pas rédigé de directives anticipées, ce que j’ai vivement regretté car cela nous aurait déchargés d’une décision difficile. Dans de tels cas, l’équipe médicale contacte évidemment les proches ou le médecin traitant, mais parfois le temps presse ou c’est le week-end et personne n’est atteignable.
Faites usage des directives anticipées
Dans ce type de situation, les directives anticipées offrent un soutien inestimable. En Suisse, elles sont mises à disposition par de nombreuses organisations, mais les directives anticipées de la FMH demeurent les plus populaires depuis de nombreuses années. Elles viennent d’être révisées au cours des deux dernières années avec le soutien d’un groupe de travail composé d’expertes et d’experts issus de la médecine intensive et palliative, des soins intensifs et palliatifs, de la médecine de famille, de la psychiatrie, de l’anesthésiologie, de la médecine d’urgence, du Service juridique de la FMH et du domaine de la planification anticipée concernant la santé (Advance Care Planning). Le groupe de travail a non seulement pris en compte les dernières connaissances scientifiques en la matière, mais a aussi veillé à ce que la nouvelle version corresponde aux efforts de planification anticipée concernant la santé au niveau national. N’hésitez pas à consulter les nouvelles directives anticipées et, plus important encore: à les remplir! Pensez également à les remettre à vos proches et à votre patientèle, car en tant que médecins, il est important que nous en discutions avec nos patientes et patients. Pour la FMH, il est crucial que les citoyennes et les citoyens puissent rédiger leurs directives anticipées de manière autonome, tout en sachant qu’ils peuvent compter sur nos conseils pour prendre une décision éclairée et la confirmer en cochant les bonnes cases. Car une fois que l’on a rempli, signé et daté ses directives anticipées, cela a des conséquences: elles deviennent juridiquement contraignantes et obligent les médecins à agir selon les volontés de la personne en cas d’urgence.
Affirmation de ses valeurs
Dans une société plurielle, les valeurs personnelles prennent de plus en plus d’importance. C’est la raison pour laquelle tant la version courte que la version détaillée des directives anticipées de la FMH accordent une grande importance au respect de celles-ci. Chaque personne peut affirmer ses valeurs et c’est aidant pour le personnel de santé, car cela nous permet de mieux connaître nos patientes et nos patients, d’être informés de leurs volontés et de les traduire en mesures médicales concrètes. Hormis la pluralité sociétale, on dispose aussi d’un nombre croissant de mesures et d’actes thérapeutiques, même lorsqu’il s’agit d’instaurer ou de renoncer à des mesures visant à prolonger la vie. Les directives anticipées révisées de la FMH tiennent compte de cette réalité, notamment la version détaillée qui explique chaque mesure médicale de manière compréhensible et détaillée. Pour des personnes sans connaissances médicales, il est difficile de comprendre comment se déroule une réanimation – car cela ne se passe pas comme dans les films –, de connaître ses chances de survie ou les séquelles possibles après une urgence critique ou d’imaginer à quoi ressemble une unité de soins intensifs et quels traitements y sont prodigués. Le fait que la personne détermine de manière différenciée un objectif thérapeutique dans ses directives anticipées permet de faire respecter ses volontés et d’appliquer les mesures médicales souhaitées.
Désir d’autodétermination
Les citoyennes et les citoyens appellent de plus en plus clairement au respect de leur droit à l’autodétermination et à l’autogestion en tant que valeurs suprêmes, y compris dans le domaine médical. Ils veulent assumer leurs responsabilités en ce qui concerne leur propre santé et pouvoir en discuter d’égal à égal avec le personnel de santé. Je les comprends, car c’est aussi mon cas. Il va de soi que dans certaines situations, nous avons toutes et tous besoin d’être conseillés par des spécialistes, mais il nous revient de décider de la direction à prendre, et les nouvelles directives anticipées de la FMH en tiennent compte. En tant que médecin, je vois de plus en plus ce désir d’autodétermination émerger lors des visites médicales et des rencontres avec les patientes et patients, et cela me réjouis. Ce n’est qu’avec des personnes favorables à l’autodétermination et à l’autogestion que nous pourrons déterminer des formes thérapeutiques et des traitements appropriés et durables.
Santé holistique
Les Pays-Bas sont déjà très avancés dans une vision de la santé scientifiquement fondée et centrée sur les valeurs des patientes et des patients. Après trente ans de recherche, l’équipe de la Dre Machteld Huber de l’Institute For Positive Health a élaboré une définition globale de la santé centrée sur les patientes et patients au moyen d’un diagramme en étoile comprenant 6 aspects essentiels: les fonctions physiques, le bien-être mental, le sens, la qualité de vie, la participation et le fonctionnement quotidien. Ce diagramme nous permet de comprendre comment nous nous voyons et appréhendons notre santé dans ces différentes dimensions et dans quels domaines nous souhaiterions apporter des améliorations. Il ne s’agit pas de déterminer comment les patientes et patients devraient se comporter du point de vue du corps médical, des économistes de la santé, des assureurs ou du monde politique, mais bien de comprendre ce que chaque personne souhaite. Cette représentation visuelle de la santé en tant qu’approche holistique permet au personnel de santé d’avoir rapidement une vue d’ensemble des préférences, des difficultés et des ressources de la personne et de savoir comment les aborder selon le point de vue de celle-ci. Cet outil sert à comprendre la volonté présumée de nos patientes et patients dans un cadre ouvert, à les conseiller et à les accompagner au mieux. Dans un tel contexte, je vois les nouvelles directives anticipées de la FMH comme un outil qui, en cas d’incapacité de discernement, permet aux patientes et aux patients de faire connaître leur volonté pour que nous, médecins, puissions agir dans leur intérêt.
Jana Siroka
Dre méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Médecine et tarifs hospitaliers¨
