L''équipe de cabinet – quo vadis?

Kommentar
Édition
2022/37
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2022.21054
Bull Med Suisses. 2022;103(37):24-25

Publié le 13.09.2022

Renforcer le cabinet C’est la meilleure manière de garantir des soins médicaux de qualité à un coût supportable. Vous découvrirez ci-après une liste des opportunités et risques liés à l’atteinte de cet objectif.
Si de mauvais jalons sont posés, il faudra dix à douze ans pour que les mesures correctrices produisent leurs effets.
© Zbynek Pospisil / Dreamstime
À l’heure actuelle, nous sommes face à une pénurie de formatrices et formateurs pour les assistants et les assistantes médicales CFC (AM CFC). Cette situation varie en fonction de la discipline et du nombre de médecins en cabinet. Lorsque dans un système complexe, on entend mettre en place un pilotage qui ne tient pas ses promesses, cela provoque des fluctuations entre pénurie et offre excédentaire. C’est en particulier le cas lorsque les données utilisées sont inadéquates et que leur interprétation est erronée faute de connaissances pratiques du système et de ce qui se passe sur le terrain. La réglementation mise en place à Berne pour l’admission des médecins est comparable à un médicament dont l’efficacité suscite de grands espoirs, mais pour lequel il apparaît cinq à dix ans plus tard que les effets secondaires contrebalancent les bienfaits. Même si des mesures correctrices sont prises, elles ne produiront leurs effets qu’avec un décalage de dix à douze ans compte tenu de la durée de la formation pré- et postgraduée. Il est donc probable qu’il faille attendre cinq à sept ans avant que les premières fluctuations n’atteignent la prise en charge médicale et ne se répercutent sur la formation des assistantes médicales. Si la médecine doit s’adapter à des lois qui ne savent pas tenir compte de la réalité du terrain, ce n’est pas sans conséquences: le patient et ses besoins ne sont plus au centre et la prise en charge médicale perd en efficacité.
Carlos Beat Quinto
Dr méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Santé publique et professions de la santé

Risque: surcharge administrative

Comme le montre une étude réalisée en Allemagne par le Marburger Bund, la régulation excessive entraîne une surcharge administrative, ce qui rend le travail fastidieux, le vide de son sens et conduit finalement à une pénurie de personnel de la santé. En réduisant la charge administrative inutile, on pourrait économiser des millions, voire des milliards, et en même temps soulager les équipes de cabinet, les médecins et le personnel soignant. On pourrait alors consacrer davantage de temps aux patients, ce qui permettrait aussi d’améliorer la sécurité des soins.

Risque: la sécurité des soins est menacée

La pénurie persistante et croissante de médicaments et vaccins complique le travail quotidien des assistantes médicales et des médecins, et met en péril la sécurité des patients. Outre le problème général des ruptures de stocks, la Suisse souffre aussi d’un problème de mise sur le marché qui est la conséquence directe de certains choix politiques, ce qui se traduit par une augmentation des coûts et une perte d’efficacité du système de santé. Parmi les conséquences de ces décisions politiques figure aussi le problème de la disponibilité réduite des dispositifs médicaux dans un contexte d’augmentation des prix. Les hôpitaux seront les premiers à en subir les conséquences, mais les cabinets aussi. Le budget global et les objectifs de coûts visés par le Conseil fédéral se répercuteront au final sur le salaire du personnel. Les effectifs du personnel de la santé continueront donc de baisser, malgré un besoin croissant pour répondre à l’évolution démographique. Même si la décision du Conseil fédéral de mettre en place un groupe de travail pour se pencher sur ce problème est pertinente, elle ne permettra pas de corriger l’impact négatif des décisions politiques.

Une opportunité saisie: Swiss Skills

L’apprentissage choisi et le métier appris doivent être attractifs. Lors des Swiss Skills, de nombreuses professions sont en concurrence pour attirer les personnes à la recherche d’une formation. La FMH y participe avec l’Association suisse alémanique des assistantes médicales (SVA) et, cette année, également avec le concours de l’Associazione Ticinese Assistenti di studio Medico (ATAM). Pour les personnes en formation, les conditions d’apprentissage sont un facteur déterminant lors du choix de leur profession. De plus, leur décision de rester dans la profession dépend largement de l’attractivité de l’activité exercée. Le CFC d’assistante médicale est un apprentissage exigeant et varié. De plus, le profil de coordinatrice ou coordinateur en médecine ambulatoire (CMA) a permis d’établir une perspective de perfectionnement pour les plus qualifiées.

Une opportunité manquée: le TARDOC

L’introduction du TARDOC est retardée à cause des innombrables objections qui ne cessent d’être formulées. Pour des raisons parfois obscures ou par simple méconnaissance du dossier, on s’accommode de toute évidence d’un affaiblissement des soins primaires, des soins psychiatriques et de la médecine palliative ainsi que d’une détérioration des conditions salariales de certaines disciplines et professions dans lesquelles travaillent en premier lieu des femmes. De plus, la stratégie Prévention des maladies non transmissibles (MNT) est torpillée de façon substantielle. Le TARDOC comprend pourtant des améliorations structurelles qui permettraient d’assurer une médecine adaptée aux besoins des patients. Il ne s’agit pas d’accroître les revenus, mais de pouvoir aménager la consultation selon la situation des patients. D’ici l’introduction du TARDOC, certaines prestations ne pourront pas être fournies de manière ambulatoire, ce qui entraînera une augmentation du nombre d’hospitalisations et des coûts. Quant aux forfaits, ils peuvent compléter le TARDOC dans le secteur hospitalier, même s’ils n’ont de loin pas atteint le degré de maturité nécessaire. En retardant l’introduction du TARDOC, le Conseil fédéral met en péril la sécurité des soins et occasionne des coûts supplémentaires dans le domaine de la santé.

Risque: la médecine étatique

La pandémie de COVID-19 a prouvé une chose: le système de santé suisse est performant. Comparativement à d’autres pays, il est parvenu à mieux compenser certaines défaillances dans le domaine de la santé publique que bien des systèmes de santé étatiques. La question est de savoir combien de temps cela sera encore possible. À l’heure actuelle, faute de personnel, nous avons 10% de lits de soins intensifs certifiés de moins qu’avant la pandémie. De plus, certains hôpitaux ne sont apparemment pas en mesure d’exploiter jusqu’à 20% des lits dans les services normaux. Pendant la pandémie, les Pays-Bas ont dû transférer des patients en Allemagne parce que la prise en charge n’était plus garantie. Ce qui interpelle, c’est qu’un grand nombre des propositions reprises dans les volets de mesures visant à freiner la hausse des coûts proviennent des Pays-Bas. Les expériences du canton de Vaud et une étude réalisée par BSS ont montré que les objectifs de coûts et le budget global ne fonctionnent pas. Le seul effet à long terme de ces mesures est que toutes les structures privées de notre système de santé disparaîtront tôt ou tard ou ne survivront que grâce aux subventions de l’État.

Une opportunité: la charte sur la santé

La bonne santé des médecins impacte positivement la qualité de la prise en charge des patients. Un groupe de travail élargi a donc élaboré une charte visant à préserver la santé des médecins. Celle-ci renforce aussi les cabinets. La socialisation des médecins a un effet direct sur leur future activité en cabinet. Les contenus qui sont enseignés aux étudiantes et étudiants dans les facultés de médecine sont en grande partie remis en cause pendant la formation postgraduée. En dehors du fait qu’il s’agit d’un gaspillage de ressources, cela a aussi des conséquences négatives sur la sécurité de l’approvisionnement. Nous espérons donc que les hôpitaux souscriront à la charte, car elle pourrait devenir un critère d’évaluation pour eux.

Promouvoir les points communs

Avec le soutien de la fondation Promotion Santé Suisse, la FMH encourage la prévention et la formation continue au sein des équipes médicales. Les cours de formation continue sur la prévention au cabinet médical fondée sur les preuves (PEPra) sont destinés aux médecins et à leurs équipes (AM/CMA). Le personnel infirmier actif dans le domaine de l’Advanced Nursing Practice (ANP) ou les spécialistes de l’addiction issus des professions de la psychologie ou du travail social des services cantonaux ont également déjà participé à des modules de formation. Ces derniers offrent un espace de discussion fructueux et suscitent les échanges dans un cadre interprofessionnel.