Nouveau concept de prise en charge en Suisse orientale

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Affiliations
a Dre méd. (AT), pédopsychiatre, MBA, cabinet Aufwind, Altstätten; b Dre méd., pédopsychiatre, médecin-chef KJPD St-Gall; c Dr méd., pédiatre, St-Gall; d Dre méd., pédopsychiatre, cabinet privé, Fribourg

Publié le 01.11.2022

TDAH Malgré l’engagement actuel pour la prise en charge des enfants souffrant de TDAH, le pronostic pour le développement psychique, professionnel et social des personnes concernées reste souvent défavorable. Le projet «Concept de soins TDAH des cantons SG AR AI» vise à identifier les lacunes en matière de soins et à formuler un concept novateur pour la prise en charge interdisciplinaire du TDAH.
En Suisse, différentes professions sont impliquées dans le diagnostic et le traitement du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) chez les enfants et les adolescents. Le terme «TDAH» désigne ici tous les termes et sous-formes de diagnostic usuels, y compris le «TDA» (trouble de l’attention sans hyperactivité). Les patients peuvent s’adresser à des spécialistes en pédiatrie, en psychiatrie infantile ou en psychologie. Les critères diagnostiques et thérapeutiques établis (CIM 10/11, DSM-5, lignes directrices S3) constituent certes une base commune pour tous les soignants, mais la pratique montre que l’approche concrète peut être très différente, notamment dans le suivi à long terme des personnes concernées. Les raisons en sont, entre autres, les différentes valeurs et les orientations scolaires parfois divergentes de la communauté professionnelle concernée. De plus, tous les professionnels de la santé ne disposent pas du temps nécessaire pour le traitement ou sont limités par le manque de possibilités de facturation, en particulier dans le cadre du suivi à long terme. Des accords sont certes conclus entre les professionnels impliqués, mais des compétences claires et des procédures contraignantes ne sont ni garanties ni réglées de manière uniforme. Tout cela réduit la continuité et la qualité du traitement et a un impact négatif sur le pronostic.
Le diagnostic de TDAH est dimensionnel, les personnes touchées ont différents symptômes d’intensité variable.
© Katarzyna Bialasiewicz / Dreamstime

La problématique complexe du TDAH

Avec une prévalence de 5%, le TDAH est un trouble fréquent, d’origine constitutionnelle et multifactorielle, parfois complexe et chronique, qui se manifeste tout au long du développement d’un jeune, persiste à l’âge adulte et peut avoir des répercussions dans tous les domaines de la vie.
Le diagnostic de TDAH est dimensionnel, il ne s’agit donc pas d’avoir ou non un TDAH, les personnes concernées présentent différents symptômes d’intensité variable, qui peuvent être classés dans un continuum entre la zone normale et le comportement hautement pathologique.
Bien que le TDAH repose sur une prédisposition génétique ou constitutionnelle, les symptômes nécessitant un traitement ne se manifestent généralement qu’au cours du développement, en fonction des contraintes et des ressources individuelles. Le traitement doit donc toujours être individualisé et prendre en compte les ressources de l’environnement.
Figure 1: Soins multimodaux et rôle du case management.

Déroulement du projet

Le projet a débuté en 2013 avec la constitution d’un groupe de travail interdisciplinaire, mandaté par les groupes professionnels respectifs, dans lequel étaient représentés tous les services spécialisés actifs dans le domaine diagnostique et thérapeutique du TDAH dans les cantons de Saint-Gall et des deux Appenzell (AR, AI) (fig. 2). Partant de leur pratique, tous les groupes spécialisés ont apporté leur point de vue et leurs normes afin d’élaborer un concept de base commun qui puisse offrir aux personnes souffrant de TDAH un diagnostic complet et une continuité de traitement. Ce concept devrait constituer une base pour développer une offre de soin de proximité dans tous les cantons.
Le guide allemand S3 [1] a été pris comme référence scientifique (à partir de 2018). Le nouveau concept de soins doit formuler les critères de triage obligatoires et les voies décisionnelles, régler les compétences et rendre le type et l’étendue des soins plus clairs et plus simples. Ce travail a ensuite fait l’objet d’une consultation d’orientation auprès des groupes professionnels.
Le discours pluridisciplinaire sur les fondements épistémologiques et les questions fondamentales d’attitude a permis de trouver un consensus sur toutes les questions essentielles sans conférer à une profession la souveraineté en matière de définition.
Jusqu’à présent, il existait peu de connaissances explicites sur le travail diagnostique et thérapeutique quotidien dans la prise en charge du TDAH dans les cabinets de pédiatrie et de pédopsychiatrie. Afin de formuler le concept sur mesure pour les futurs utilisateurs et de pouvoir quantifier ultérieurement l’efficacité du concept, une étude a permis de déterminer la situation actuelle de prise en charge avant la mise en œuvre du concept. Cela s’est fait par le biais d’une enquête par questionnaire, dans un premier temps auprès des 54 pédiatres établis dans les trois cantons. Près des deux tiers (61%) des questionnaires ont pu être évalués [2].
Les principaux résultats ont montré que, dans trois quarts des cabinets pédiatriques, la prise en charge du TDAH constitue une partie importante des prestations médicales et que la plupart (85%) proposent également un suivi à long terme.
Un diagnostic détaillé est réalisé dans les cabinets dans à peine la moitié des cas. Dans les autres cas, ce travail est délégué à des institutions spécialisées, en premier lieu à la pédiatrie du développement de l’Hôpital pédiatrique de Suisse orientale, un peu plus rarement au Service de psychiatrie pour enfants de Saint-Gall, mais aussi à des spécialistes en pédopsychiatrie exerçant en libéral ou à des cabinets spécialisés en pédiatrie. En revanche, le suivi de la médication ou même la prescription des médicaments (85% des pédiatres prenant en charge le TDAH) est une tâche importante au cabinet.
Une constatation quelque peu inquiétante résulte du fait que la prise en charge du TDAH est de plus en plus entre les mains de l’ancienne génération de pédiatres masculins. Chez les jeunes générations, ce sont les pédiatres femmes qui prédominent. Pour diverses raisons, elles ne sont guère formées à la prise en charge du TDAH et ne s’accordent que peu de compétences en la matière. Cela laisse craindre une pénurie de soins pour les personnes atteintes de TDAH dans un avenir proche.
Des inventaires similaires sont déjà en cours auprès des autres associations professionnelles mentionnées.

Concept de prise en charge

Les résultats du groupe de projet ont abouti à un «concept de soins commun TDAH chez les enfants et les adolescents», publié en 2021 [3].
La compréhension du trouble élaborée dans le cadre d’un consensus interdisciplinaire et les attitudes correspondantes concernant la procédure diagnostique et thérapeutique constituent la base des recommandations de traitement. Une compréhension dimensionnelle et syndromique du TDAH, l’approche globale, l’importance d’une clarification critique du mandat et l’établissement d’une alliance thérapeutique avec les personnes concernées sont ici centraux.
Outre les recommandations en vigueur en matière de diagnostic, des approches efficaces de traitement sont présentées et discutées de manière pratique, comme la promotion de la mentalisation, la psychoéducation et surtout l’approche multimodale.
L’un des points clés du concept de soins, surtout pour les formes complexes de TDAH, est l’accompagnement du développement sur plusieurs années. Il se focalise sur les domaines de vie concernés, tels que les relations interfamiliales, l’école, le travail et les loisirs. Le concept prévoit pour cet accompagnement à long terme le recours à un case management (fig. 1), en particulier en présence de risques tels que comorbidité, maladie somatique ou charges psychosociales. Ces situations constituent un risque pour le développement global de l’enfant. Une bonne coordination des mesures est alors nécessaire. Le case management est décrit en termes d’indications, de tâches et de méthodes de travail interdisciplinaires. Il doit garantir un accompagnement à long terme et flexible des personnes concernées, et coordonner les tâches et les responsabilités des intervenants. Les parents sont impliqués, ainsi que, selon les besoins des enfants, les responsables des institutions.
En tant que personnes de confiance, les pédiatres en cabinet ou les psychothérapeutes d’enfants et d’adolescents en exercice sont particulièrement prédestinés à être responsables du case management: ils sont disponibles à long terme et apportent également l’autorité nécessaire vis-à-vis des institutions médicales et des assurances.
Les voies de traitement possibles en fonction de la sévérité du TDAH sont illustrées sous forme graphique comme des recommandations de traitement en 4 phases (fig. 3 à 6, voir code QR).
Le concept met en lumière les défis liés aux différentes tranches d’âge, enseigne le maniement pratique des thérapies médicamenteuses et explique les questions techniques d’assurance en rapport avec l’AI.

Mise en œuvre du concept

Le concept est actuellement dans une phase de diffusion et d’adoption par les différents acteurs, par le biais de présentations lors de congrès et d’un travail de réseau régional. Une offre permanente de formation continue avec des modules thématiques et l’initiation de cercles de qualité interdisciplinaires seront des éléments essentiels de la mise en œuvre pratique du concept. La première formation continue interdisciplinaire, qui a réuni trente participants, a confirmé le grand intérêt pour une démarche commune et a posé une première pierre pour l’engagement de ce cercle plus large de collègues.
La mise en œuvre étant accompagnée d’un contrôle de qualité et d’efficacité, le groupe de travail TDAH a publié le concept sur la plateforme en ligne Initiatives Qualité (Académie suisse pour la qualité en médecine SAQM) [4].
Ce projet nécessite un travail à long terme: d’autres évaluations et collectes de données seront nécessaires pour contrôler la qualité. Les structures de réseau mises en place doivent être maintenues activement. Des thèmes tels que la transition vers la médecine adulte ou la collaboration avec la psychiatrie adulte et les institutions cliniques sont d’autres champs de travail. Enfin, le concept doit être actualisé au fil du temps.
Les associations professionnelles régionales se sont à nouveau engagées en tant que mandants pour la poursuite du travail sur le concept et soutiennent le groupe de travail dans sa recherche de membres intéressés et appropriés. Le travail sur le concept TDAH doit continuer à se faire dans un cadre volontaire mais néanmoins soutenu par un organisme responsable, doté d’une structure organisationnelle appropriée, qui en constitue la colonne vertébrale.
Guide sur le concept de prise en charge du TDAH pour les cantons SG, AR et AI.
1 Version longue de la ligne directrice interdisciplinaire basée sur les preuves et le consensus (S3) Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte (2018), numéro d’enregistrement AWMF 028-045, publiée en ligne
2 Alex Bubenhofer et ADHS-Arbeitsgruppe SG AR AI; Die ADHS-Betreuung in der pädiatrischen Praxis in der Ostschweiz (2020); disponible auprès du comité VOK: info@v-o-k.ch
3 Groupe de travail TDAH St-Gall-Appenzell ; concept de soins commun TDAH chez les enfants et les adolescents pour les cantons de St-Gall et Appenzell AR/AI (2021); disponible en librairie, ISBN 978-3-033-09235-8