Le feed-back multisource dans la formation médicale postgraduée

SIWF
Édition
2022/36
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2022.20989
Bull Med Suisses. 2022;103(36):33-35

Publié le 06.09.2022

EvaluationCet article de la série thématique sur la formation médicale basée sur les compétences traite d’un format particulier d’évaluation en milieu de travail: le feed-back multisource (MSF). Les explications et recommandations suivantes se basent sur la littérature scientifique internationale et nos propres études dans le contexte de la formation postgraduée en Suisse.
Group of doctors talking sitting at a table in the office of the hospital
Les personnes avec lesquelles les médecins en formation travaillent étroitement doivent être celles qui fournissent le feed-back.
© Thomas Reimer / Dreamstime
Group of doctors talking sitting at a table in the office of the hospital
Les personnes avec lesquelles les médecins en formation travaillent étroitement doivent être celles qui fournissent le feed-back.
© Thomas Reimer / Dreamstime
La formation médicale basée sur les compétences (Competency-based medical education, CBME) met l’accent sur les compétences dont les médecins en formation ont besoin dans leur quotidien professionnel. Elle a pour objectif l’acquisition des connaissances, des aptitudes et des attitudes qui leur permettent, à la fin de la formation postgraduée, d’exercer la médecine de manière autonome et sûre [1]. Afin de leur fournir un feed-back ciblé et utile, il est nécessaire de réaliser des évaluations de qualité en milieu de travail.
Figure: Déroulement du feed-back multisource (MSF).

Utilité du feed-back multisource

La Réglementation pour la formation postgraduée de l’Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM) recommande actuellement d’effectuer chaqueannée quatre évaluations en milieu de travail [2]. Ces évaluations ont généralement lieu sous forme de MiniCEX (Mini clinical evaluation exercise) ou de DOPS (Direct observation of procedural skills). Désigné aussi par «feed-back à 360°» ou «évaluation à 360°», le feed-back multisource constitue un autre format susceptible de fournir des informations supplémentaires.
Deux caractéristiques essentielles le distinguent des autres évaluations en milieu de travail. Premièrement, ce n’est pas une seule situation qui est observée, mais une plus longue période. Deuxièmement, diverses personnes de l’environnement professionnel procèdent à l’évaluation. Cela permet d’évaluer des situations et des comportements qui ne peuvent pas être clairement appréhendés par une observation unique. En offrant cette perspective supplémentaire, le feed-back multisource peut améliorer la communication avec les patientes et patients et leurs familles, la communication avec les autres professionnels de la santé et l’attitude professionnelle adoptée [3,12].

Comment fonctionne le MSF?

Le feed-back multisource regroupe le feed-back donné à intervalles réguliers par des collaboratrices et collaborateurs de différents domaines d’activité [4-6]. Cela comprend les personnes avec lesquelles les médecins en formation sont en contact en fonction de leur spécialité: p. ex. le personnel infirmier et thérapeutique, les médecins de leur propre spécialité ou d’autres spécialités, les collègues également en formation et les responsables de la formation postgraduée. Ces personnes utilisent un questionnaire (en ligne) qui décrit différents critères de compétence médicale. Lors de l’entretien de feed-back, une personne chargée de la supervision résume les différents retours recueillis par écrit et de manière anonyme. Sur la base de ces indications et de l’autoévaluation des médecins en formation, des objectifs de développement sont alors formulés en commun (figure).

Recommandations d’utilisation

Formation des personnes concernées

Il est essentiel que toutes les personnes qui participent au MSF soient formées dans le cadre de sa mise en œuvre: médecins en formation, médecins qui supervisent et qui fournissent le feed-back [6]. Cette formation devrait aborder l’objectif visé par le feed-back multisource dans la clinique ou l’institution concernée, ainsi que le contenu concret et l’utilisation du questionnaire avec son échelle d’évaluation. Il convient en outre de discuter des règles générales concernant la formulation notamment écrite du feed-back et de sa réception par la personne évaluée. Une information écrite (supplémentaire) semble appropriée, en raison des changements réguliers de personnel dans les hôpitaux. Les responsables de la supervision devraient en outre recevoir une formation concernant leurs tâches spécifiques dans l’entretien de feed-back, y compris la formulation d’objectifs de formation. Les auteurs du présent article disposent d’informations concrètes à partager, sur demande, au sujet d’une telle formation (y c. documentation).

Intégration au sein des structures

La culture du feed-back et la capacité à donner un feed-back efficace dans la formation médicale postgraduée doivent être développées activement, notamment par des formations et en prévoyant du temps pour un feed-back régulier [7,8]. Il est plus facile de mettre en œuvre le MSF lorsqu’une bonne culture du feed-back existe déjà dans un service.

Communication claire de l’objectif

La littérature scientifique présente différents aspects de l’objectif du MSF. L’aspect formatif consiste à encourager le développement et l’aspect sommatif à évaluer une performance au même titre qu’un «examen» ou une «vérification» [9]. Les décisions des personnes qui fournissent le feed-back, la sincérité des évaluations ainsi que l’acceptation du MSF dépendent de l’objectif formatif, de l’objectif sommatif, ou encore du manque de clarté en termes d’objectif. Il est donc important de communiquer l’objectif du MSF de manière transparente à toutes les parties prenantes (médecins en formation, médecins qui supervisent et qui fournissent le feed-back).

Contenu et utilisation du questionnaire

Dans la mesure du possible, il convient d’utiliser un questionnaire déjà existant, en raison du travail considérable qu’exigerait la création d’un nouveau formulaire. Il est cependant nécessaire de vérifier la pertinence du questionnaire sur le site concerné, par exemple lors d’une phase pilote. Disponible gratuitement, le questionnaire de MSF que nous avons élaboré (en allemand) s’aligne sur les rôles CanMEDS [10].
La plupart des questionnaires publiés prévoient la possibilité d’une évaluation par échelle de niveau combinée à des commentaires en texte libre, ce qui est pertinent. Les évaluations par échelle de niveau permettent d’identifier les champs à développer, et les commentaires en texte libre de définir les objectifs de développement concrets. Une partie de la formation devrait donc se concentrer sur la formulation écrite de ces commentaires pour qu’ils soient utiles et constructifs. L’utilisation de questionnaires électroniques et la présentation visuelle des évaluations collectées facilitent l’entretien de supervision et permettent un gain de temps.

Sélection des sources de feed-back

Ce sont les personnes avec lesquelles les médecins en formation travaillent étroitement, en fonction de la spécialité, qui doivent être choisies pour fournir le feed-back [6]. Par ailleurs, afin d’étoffer les observations et les retours d’information, il nous semble particulièrement important que cette sélection des sources reflète une grande diversité de perspectives.

Entretien de feed-back

L’autoévaluation des médecins en formation constitue un élément essentiel de l’entretien de feed-back pour accentuer l’effet d’apprentissage [11]. Elle représente cependant un défi pour de nombreux médecins en formation, de même que le fait de recevoir un feed-back. C’est pourquoi il convient que la personne chargée de la supervision facilite l’entretien, notamment en prenant les devants et en instaurant un climat de dialogue, en résumant de manière compréhensible les indications recueillies et en aidant à formuler les objectifs de développement [8,11,13].

Intégration dans le cursus

Le MSF peut être mieux utilisé s’il est intégré dans le cursus de formation et dans une structure favorable à la formation postgraduée [8]. Afin de garantir une mise en œuvre régulière et de bonne qualité (dans l’idéal, tous les six mois), il convient d’allouer suffisamment de ressources. Celles-ci comprennent la formation de toutes les personnes qui participent au MSF, la valorisation du feed-back et de l’entretien qui lui est destiné. L’accompagnement continu des médecins en formation par une personne chargée de la supervision (p. ex. responsable de la formation postgraduée) est expressément recommandé.

Perspectives

Le MSF peut soutenir efficacement le développement des médecins au cours de leur formation postgraduée, en intégrant les perspectives précieuses de différentes personnes issues de leur environnement professionnel. Les recommandations décrites ci-dessus visent à exploiter pleinement son potentiel. Nous nous tenons à votre disposition afin de répondre à vos questions, si la mise en œuvre du MSF dans un établissement de formation postgraduée vous intéresse de plus près. Nous pouvons également vous mettre en relation avec des sites en Suisse qui utilisent déjà le MSF.
Dre méd. Eva Hennel, PhD, MME
Mène des recherches sur le feed-back dans la formation médicale postgraduée..
Andrea Lörwald, PhD
A rédigé une thèse sur la manière dont les Mini‑CEX et les DOPS peuvent être utilisés pour soutenir au mieux l’apprentissage en milieu de travail.
Prof. méd. Sören Huwendiek, MME
Spécialiste en pédiatrie et chef d’unité à l’IML de l’Université de Berne.
1 Brodmann Maeder, M., L’ISFM et la formation médicale postgraduée basée sur les compétences. Bulletin des médecins suisses, 2022. 103(06): p. 169-169.
2 SIWF, Weiterbildungsordnung (WBO). Vol. 2017. 2016, https://www.fmh.ch/files/pdf19/wbo_d.pdf: SIWF.
3 Hennel, E.K., et al., How does multisource feedback influence residency training? A qualitative case study. Med Educ, 2022. 56(6): p. 660–669.
4 Lockyer, J., Multisource feedback in the assessment of physician competencies. J Contin Educ Health Prof, 2003. 23(1): p. 4–12.
5 Donnon, T., et al., The reliability, validity, and feasibility of multisource feedback physician assessment: a systematic review. Acad Med, 2014. 89(3): p. 511-6.
6 Wood, L., et al., A literature review of multi-source feedback systems within and without health services, leading to 10 tips for their successful design. Med Teach, 2006. 28(7): p. e185-91.
7 Sargeant, J., Future research in feedback: how to use feedback and coaching conversations in a way that supports development of the individual as a self-directed learner and resilient professional. Academic Medicine, 2019. 94(11S): p. S9–S10.
8 Ramani, S., et al., Meaningful feedback through a sociocultural lens. Med Teach, 2019. 41(12): p. 1342–1352.
9 Kogan, J.R., E.S. Holmboe, and K.E. Hauer, Tools for direct observation and assessment of clinical skills of medical trainees: a systematic review. Jama, 2009. 302(12): p. 1316–1326.
10 Hennel, E.K., et al., A german-language competency-based multisource feedback instrument for residents: development and validity evidence. BMC medical education, 2020. 20(1): p. 1–13.
11 Sargeant, J., et al., Providing feedback: Exploring a model (emotion, content, outcomes) for facilitating multisource feedback. Medical Teacher, 2011. 33(9): p. 744–749.
12 Ferguson, J., J. Wakeling, and P. Bowie, Factors influencing the effectiveness of multisource feedback in improving the professional practice of medical doctors: a systematic review. BMC Medical Education, 2014. 14(1): p. 76.
13 Overeem, K., et al., Doctors’ perceptions of why 360°degree feedback does (not) work: a qualitative study. Medical education, 2009. 43(9): p. 874–882.