La recherche en leadership permet aussi de sauver des vies

Zu guter Letzt
Édition
2022/2728
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2022.20884
Bull Med Suisses. 2022;103(2728):922

Affiliations
Prof., Dr en oec., membre de la rédaction

Publié le 05.07.2022

Le stress au travail est l’une des causes qui mènent à une pénurie de personnel qualifié dans le domaine de la santé. Une vaste étude nationale sur ce sujet intitulée STRAIN a été conduite de 2017 à 2021 sous l’égide de la Haute école spécialisée bernoise. Ce projet visait à ­recenser les facteurs de stress sur le lieu de travail et à identifier leurs effets sur la santé et la satisfaction des professionnels de santé au niveau national afin de ­pouvoir les réduire à long terme grâce à une action ­ciblée [1]. Hormis les conditions générales de travail, la question du «leadership» a été identifiée comme un ­facteur important de satisfaction des collaboratrices et collaborateurs. Autrement dit, la manière de ­diriger joue un rôle significatif dans la pénurie de personnel qualifié.
D’après moi, il ne suffit pas d’imputer le manque de personnel qualifié à la seule responsabilité du personnel dirigeant. Nous devons mieux comprendre ce qu’une bonne direction signifie au vu de la situation particulière d’une institution de santé et quelles conditions devraient être mises en place pour l’améliorer. L’étude STRAIN et d’autres études sont certes un bon ­début, mais il n’y a pas encore assez de recherche et de publications consacrées au leadership dans le domaine de la santé, alors que les besoins sont importants.
De nombreuses études cliniques sont menées sur les traitements fournis dans le but de les optimiser et d’en étudier les effets et les effets secondaires. Le leadership et les mesures relatives à l’organisation devraient aussi être comprises comme des interventions dans le système de santé et faire systématiquement l’objet d’études.
La question du leadership n’a pas seulement un impact sur le manque de personnel qualifié, mais aussi sur la qualité et l’économicité des traitements ainsi que sur la sécurité des patients. Créer un esprit d’équipe et un bon climat de travail joue également un rôle central. Dans la théorie des organisations, le concept de sécurité psychologique est primordial, car plus les collaboratrices et collaborateurs se sentent en sécurité, plus ils sont prêts à s’engager, à coopérer et à exprimer leurs opinions. Lorsque les personnes peuvent s’exprimer en toute sincérité, elles sont plus enclines à proposer des améliorations et la question des erreurs peut être abordée, ce qui a un effet positif sur l’efficacité, la qualité des traitements et la sécurité des patients.
L’étude STRAIN a justement montré que la recherche dans ce domaine représente un vrai défi et que les relations de cause à effet sont difficiles à identifier et à évaluer. Or c’est justement ce à quoi il faudrait s’atteler. Ces recherches pourraient notamment être menées par des organisations qui promeuvent des projets non commerciaux tels le Fonds national pour la recherche scientifique ou Innosuisse. C’est pourquoi je postule que la recherche sur le leadership peut sauver des vies au même titre que la recherche clinique.
Hormis la recherche, il est nécessaire de proposer formations prégraduées, postgraduées et continues ciblées à toutes les personnes dirigeantes et à tous les échelons hiérarchiques. Il existe d’ailleurs déjà de nombreuses offres qui nécessiteraient d’être optimisées pour mieux répondre aux besoins spécifiques des organi­sations de santé et de leurs cadres. A moyen terme, il serait ainsi possible d’y insuffler plus d’éléments de l’Evidence-Based-Leadership in Health Care.
Mais au final, c’est la prise de conscience et la volonté de prendre la question du leadership au sérieux qui compte. Cette réflexion doit être menée à la tête des ­organisations concernées. Il ne suffit pas d’envoyer les futurs dirigeants et dirigeantes dans des séminaires dédiés; il s’agit plus d’une question de culture qui concerne l’ensemble de l’entreprise. Tous les cadres ont des supérieurs qui dépendent des conditions-cadres de l’entreprise et le bien-être de toutes ces personnes doit être pris en compte. L’étude STRAIN a en effet montré que des personnes dirigeantes stressées et insatisfaites ne sont pas en mesure de mettre en place de bonnes conditions de travail pour le personnel qui leur est ­subordonné.
Le leadership n’est certes pas la panacée pour répondre à la pénurie de personnel qualifié, mais joue un rôle ­important pour répondre aux problèmes que cela pose.
1 STRAIN – Work-related stress among health professionals in Switzerland: www.bfh.ch/de/forschung/referenzprojekte/strain/