Nous sommes des modèles, que nous le voulions ou non

Zu guter Letzt
Édition
2022/24
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2022.20831
Bull Med Suisses. 2022;103(24):834

Affiliations
Dr méd., ancien président de l’Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM)

Publié le 14.06.2022

«Je ne veux pas devenir comme ça.» Ce n’est qu’en y ­regardant de plus près que vous verrez le lien entre cette remarque et mes réflexions sur l’importance des modèles dans la formation médicale.
Lors des visites d’établissements de formation postgraduée, le rôle des modèles revient parfois sur le tapis. Que ce soit parmi les médecins occupant une fonction dirigeante, qui se sentent investis par ce rôle ou espèrent en être, ou parmi les médecins en formation, qui souhaitent être épaulés dans leur parcours professionnel par des formatrices et formateurs inspirants.
Je suis quand même un peu étonné que des discussions approfondies et des recherches soient menées sur de nombreux aspects de la formation médicale, comme les méthodes didactiques, l’actualisation des objectifs de formation, le feed-back et les évaluations en milieu de travail, mais aussi les formations numériques visant l’implémentation de la formation postgraduée basée sur les compétences, et que si peu d’attention soit ­accordée à l’importance du rôle de modèle des supérieurs hiérarchiques. Une explication plausible: les réponses quant aux caractéristiques des modèles et à leur importance restent floues.
Dans la littérature, il existe néanmoins une série d’articles qui relèvent l’importance d’être en contact avec des personnalités marquantes au cours des études de médecine et de la formation postgraduée. Il est par exemple fait mention de l’étude de Scott M. Wright [1] qui a évalué les critères rendant une ou un supérieur hiérarchique exemplaire: «They found that the most important qualities in role models were a positive attitude to junior colleagues, compassion for patients and integrity. Clinical competence, enthusiasm for their subject, and teach­ing ability were also important, but research achieve­ment and academic status were much less so. Compared with colleagues, physicians who were identified as excellent role models spent more time teaching and conduct­ing rounds and were more likely to stress the importance of the doctor–patient relationship.»
Dans une thèse rédigée à l’Université de Göttingen, Jenny Katharina Bücken [2] constate que l’impact des modèles sur les étudiantes et étudiants est évident. Or, de nombreuses personnes exerçant principalement dans le domaine hospitalier n’ont pas conscience d’être des modèles et de participer à la socialisation professionnelle des jeunes médecins. Dans l’idéal, ces personnes disposent de compétences professionnelles élevées, incarnent des valeurs et servent de guides. Les modèles qui assument ce rôle de manière convaincante et enthousiaste semblent avoir le plus d’impact sur les étudiants quant au choix de la discipline. De plus, ils contribuent activement à transmettre les objectifs généraux de formation, encore insuffisamment considérés dans le quotidien clinique hospitalier: communication, éthique, attitude envers les patients et les membres de l’équipe soignante.
Je reviens à ma remarque initiale: «Je ne veux pas devenir comme ça.» Jusqu’à un certain point, les contre-modèles peuvent aussi avoir un impact constructif, dans la mesure où ce que ces personnes disent, font ou incarnent n’est pas vu comme exemplaire. Cela signifie néanmoins que toutes les personnes qui assument des fonctions dirigeantes ou de formation doivent être au clair avec le fait qu’elles sont observées dans leur rôle: cela peut être utile et précieux si elles sont jugées positivement, comme cela peut avoir un impact sur la formation si elles sont jugées négativement. Je me souviens très bien de mes premiers médecins-chefs. Ils avaient de nombreuses qualités propres aux personnalités marquantes, mais aussi des traits de caractère que je ne voulais pas imiter. Ils ont marqué mon rapport à la profession, c’est évident. ­Enthousiasme pour la médecine, sens du devoir et envie de se former en permanence étaient les caractéristiques ­inspirantes de mon premier formateur, mais sa manière sèche de communiquer me rappelait aussi que je ne voulais pas lui ressembler.
Il me paraît donc essentiel que les médecins dans des fonctions dirigeantes et de formation soient conscients de leur rôle de modèles pour leurs équipes, qu’ils le veuillent ou non. Ils ne transmettent pas que des objectifs de formation, mais aussi une attitude professionnelle et une passion pour un des plus beaux métiers du monde. Le cercle des modèles ne se limite pas aux médecins cadres, il inclut les autres collègues, l’équipe soignante et les patients, qui peuvent nous inspirer et nous faire évoluer pour «devenir comme ça» ou pas.
werner.bauer[at]hin.ch
1 Paice E, Heard S, Moss F. How important are role models in making good doctors? BMJ (Clinical research ed.). 2002;325:707–10. 10.1136/bmj.325.7366.707.
2 Bücken J. Vorbilder und prägende Personen im Medizinstudium. Dissertation an der Georg-August-Universität zu Göttingen. Göttingen: 2016.