Ensemble vers un avenir meilleur et plus sain

FMH
Édition
2022/20
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2022.20784
Bull Med Suisses. 2022;103(20):662

Affiliations
Dr méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Santé publique et professions de la santé

Publié le 17.05.2022

Des journées de travail à rallonge, de hautes respon­sabilités, un engagement indéfectible et une bureaucratie excessive. Voici les défis auxquels le système de santé a été confronté lors de la pandémie de coronavirus. Pas étonnant que les absences se soient multipliées chez les médecins cantonaux ainsi que chez les médecins à l’hôpital et au cabinet. Le stress chronique conduit à des troubles psychiques et physiques, peut rendre malade et mener à des abandons de la profession, voire d’activité professionnelle. Cela n’a rien de nouveau: en 1996 déjà, Lindeman et al. [1] rapportaient des taux de suicide plus élevés chez les médecins. En Suisse, les taux de dépression et de surmenage dans le corps médical sont en constante augmentation [2]. La pandémie de coronavirus nous a ouvert les yeux de manière criante sur le fait que nous ne pouvions pas nous permettre un corps médical surchargé de travail et épuisé ainsi qu’un système de santé saturé. Afin de garantir l’accès aux soins et pouvoir faire fonctionner correctement et à long terme le système de santé, nous avons besoin de médecins en bonne santé.
L’éthique professionnelle, les craintes du manque d’acceptabilité sociale ou d’impacts négatifs sur la carrière sont les raisons pour lesquelles seule une poignée des médecins concernés se décident à consulter. Les causes de cette anxiété sont profondément ancrées dans la culture médicale. Une hiérarchie et une culture de l’erreur rigides ainsi que des idéaux irréalistes sont les catalyseurs de ces peurs. Les patientes et patients, mais également les assureurs et la politique, attendent qu’à tout moment le meilleur traitement possible soit disponible, et ce au prix le plus bas. Les médecins 
devraient travailler sans commettre d’erreurs et ­remuer ciel et terre pour assurer la santé de leurs patientes et patients. Cela est compréhensible, mais à long terme, seuls des médecins en bonne santé peuvent fournir une prestation médicale optimale. Il n’y a guère d’autres professions qui soient soumises à une telle pression. Si l’on considère qu’à cette charge s’ajoute l’exigence de fournir des prestations académiques de haut niveau, d’être actif dans la recherche et d’entretenir en parallèle une vie sociale normale et de fonder une famille, on comprend mieux pourquoi les médecins souffrent plus souvent de maladies psychiques que la population générale. Les jeunes médecins de famille et ceux en devenir subissent aussi cette charge mentale: 49% des personnes interrogées font état de niveaux de stress élevés, 17% ont déjà fait un burn-out ou une dépression [3]. Les journées de travail des médecins, déjà interminables, sont encore rallongées par des charges administratives importantes et parfois inutiles. Les formations postgraduées et continues sont délibérément placées pendant les temps de pause et les week-ends afin de ne pas perdre de temps de traitement auprès des patientes et patients. Il est presque impossible d’atteindre ainsi un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Autant de raisons pour justifier l’élaboration de la «Charte sur la santé des médecins», qui a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée des délégués. Ensemble, nous nous 
engageons pour un système de santé durable et favorable à la santé en Suisse, tant pour les patientes et les patients que pour les médecins. Lisez-en davantage sur la charte et la nécessité d’agir en page 663.
1 S. Lindeman et al., «A Systematic Review on Gender-Specific ­Suicide Mortality in Medical Doctors», The British Journal of Psychiatry: The Journal of Mental Science 168, Nr. 3 (mars 1996): 274–9, ­https://doi.org/10.1192/bjp.168.3.274.
2F Arigoni, P A Bovier, und A P Sappino, «Trend of burnout among Swiss doctors», 2010.
3Fanny Lindemann et al., «Assessing the Mental Wellbeing of next Generation General Practitioners: A Cross-Sectional Survey», BJGP Open 3, Nr. 4 (1er décembre 2019), https://doi.org/10.3399/bjgpopen19X101671.