Et encore …
Compléments alimentaires et crèmes chauffantes
Rédactrice junior au Bulletin des médecins suisses
Dans la gare de la ville où j’habite, une grande affiche vante actuellement les vertus énergisantes d’un complément vitaminé. C’est tentant, surtout lorsqu’on est fatigué et qu’on attend le train. De plus, c’est facile à obtenir, pas besoin d’aller chez le médecin, ni d’avoir une ordonnance, il suffit de se rendre dans la droguerie ou la pharmacie la plus proche.
Durant certaines périodes de gros stress, j’ai consommé ce type de produits pendant plusieurs mois. Le matin, j’avalais des comprimés de rhodiole censés atténuer les effets du stress et, le soir, un somnifère à base de valériane. Quand j’en parlais à mes proches, je ne manquais jamais de souligner qu’il s’agissait de «produits entièrement naturels» pour ne pas qu’ils s’inquiètent. Je me disais que si j’achète un produit vendu sans ordonnance en pharmacie, je ne suis pas malade. Il en va de même de mes blessures sportives lorsque je me masse vigoureusement avec de la pommade au magnésium après l’entraînement ou que je prends des compléments alimentaires à base d’acides aminés au goût amer pour tonifier mes muscles affaiblis.
Malheureusement, mais fort à propos, je me suis à nouveau blessée en faisant du sport au moment de rédiger ce texte. Cette fois-ci, c’est mon épaule encore en bon état qui a pris un coup. Je consulte donc les produits naturels à ma disposition tout en me demandant si les crèmes chauffantes, les bains chauds et l’arrêt temporaire de l’entraînement suffiront, ou s’il ne vaudrait pas mieux consulter un médecin.
En utilisant ces produits, j’espère pouvoir résoudre rapidement et simplement mon souci de santé. Filer à la pharmacie pour que tout rentre dans l’ordre. Pas besoin de prendre rendez-vous, de patienter en salle d’attente ou d’envoyer le justificatif de remboursement à l’assurance-maladie.
Mais avec le temps, je prends gentiment conscience que ma stratégie n’est pas idéale. Un sentiment d’insécurité latent me gagne, car je ne sais pas vraiment de quoi je souffre. En même temps, je suis libre de me faire mes propres réflexions et interprétations. Lorsque j’explique avec assurance à mon entourage que j’ai une entorse, personne ne le met en doute alors que chez le médecin, c’est différent. Il me posera des questions, fera des examens, consultera mon dossier, et il est fort probable que le diagnostic soit différent.
Et mon second constat est qu’à vouloir résoudre moi-même mon problème de santé, je reste seule à m’y confronter, sans aide et sans soutien. Une stratégie qui ne s’est pas révélée gagnante jusqu’à présent, vu que j’ai finalement quand même dû consulter un médecin. Le traitement a été initié un peu trop tardivement, le dommage a été par conséquent plus important et la guérison a pris plus de temps que nécessaire.
Les produits vendus sans ordonnance en pharmacie n’y sont pour rien. Ils ont leur utilité et leur place. Mais je réalise que dans l’idéal, il vaut mieux y recourir lorsque je connais toutes les options thérapeutiques et que je suis certaine de choisir le traitement le plus adapté ou du moins le plus complémentaire. Cette semaine, vous risquez donc bien de me croiser simultanément à la pharmacie et au cabinet médical.
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