Oser plus de considérations philosophiques

Briefe / Mitteilungen
Édition
2021/44
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.20277
Bull Med Suisses. 2021;102(44):1447

Publié le 03.11.2021

Oser plus de considérations ­philosophiques

Comme l’un de nos confrères le proposait dans un numéro récent de ce bulletin, il faudrait davantage permettre à la médecine de se plonger aussi dans des considérations de type philosophiques. Ce qui semblait d’ailleurs une attitude envisagée par Hippocrate lui-même. Par ailleurs, en ces temps de mathématisation croissante de la science médicale et des phénomènes de société, les courbes, les statistiques et les modélisations, auxquelles je m’intéresse avec enthousiasme en compagnie d’un jeune mathématicien depuis un an, pourraient de plus en plus remplacer l’observation et la description. Cela n’est cependant pas forcément souhaitable.
Tentons donc de nous réinterroger sur la dé­finition de maladie. Historiquement définie comme une perturbation de l’état d’équilibre qu’est la santé, cela nous enjoint à nous demander ce qu’est la santé. Ainsi, proposai-je comme piste de distinguer la santé perçue et la santé vérifiée. Une anecdote personnelle me conduit à cette distinction: si l’appendicite peut exiger une intervention chirurgicale immédiate, elle peut n’être perçue que comme une légère gêne – comme ce fut mon cas il y a de cela de nombreuses années. Ainsi, le médecin vérifie un état de mauvaise santé sur un patient qui ne le perçoit pas. De même, à l’heure du dépistage massif du SARS-Cov-2, notons que le résultat positif d’un test ne distingue pas un patient asymptomatique d’un patient atteint d’une forme lourde de la maladie Covid-19. Plus généralement, les améliorations technologiques creusent cette distinction entre maladie perçue (par le patient) et maladie vérifiée (par le médecin).
Puisque nous évoquons la santé, attardons-­nous sur son antagoniste: la mort. Il est intéressant de noter l’opposition entre la destruction d’un virus et la mort de son hôte. En effet, les successives variances d’un virus peuvent être vues comme une succession d’auto-modi­fi­cations qui se succèdent par rapport à la forme originale de ce même virus. Comprenons cela en analogie à l’attitude décrite dans le cadre cellulaire comme apoptose, c’est-à-dire comme une tentative intrinsèque au virus de s’auto-­modifier, voire de s’auto-éliminer. Ainsi, chaque vague successive de variants annulerait la force de frappe du variant précédent.
Philosophiquement, je perçois une attitude de «sympathie» envers les prises de position de la pensée «existentialiste» préconisant l’idée maîtresse que les humains seraient eux-mêmes à gérer par leur présence dans le temps et l’espace, au lieu de le subir, étant en tout cas obligés de voir leur propre mort en tant que «finalité» première, comme l’inévitable résultat de leur destinée intrinsèque, ou comme celle de devoir subir le normal passage du temps.