«Health in all policies» but not «All policies in health»

FMH
Édition
2021/26
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.19993
Bull Med Suisses. 2021;102(26):868

Affiliations
Dre méd., présidente de la FMH

Publié le 29.06.2021

Les grèves pour le climat, le succès des partis verts et les récentes votations sur diverses initiatives et lois environnementales le montrent: d’épiphénomène ­politique, l’environnement s’est désormais solidement ancré parmi nos thématiques sociétales clés. Au sein du corps médical aussi, l’intérêt porté à la politique ­environnementale s’est renforcé. De plus en plus souvent, des membres ou des organisations affiliées invitent leur association faîtière à prendre position sur des thèmes liés à l’environnement. Si je me réjouis de cette prise de conscience, je me dois de plaider, en ma qualité de présidente de la FMH, pour que l’organisation se concentre résolument sur les thèmes de la politique professionnelle. Pourquoi cette conviction?
Loin de moi l’idée de balayer d’un revers de main les ­arguments de ceux qui souhaitent voir la FMH se positionner sur les questions environnementales: il va de soi que notre santé dépend de notre accès à de l’eau ­potable non polluée, de notre exposition aux ­pes­ticides ou de notre capacité à préserver le climat. Mais suivons ce raisonnement jusqu’au bout. ­Devrions-nous nous mêler de toutes les initiatives ­politiques touchant de près ou de loin à l’environnement? Ne faudrait-il pas, dès lors, que nous nous mêlions également de tout ce qui a trait à l’économie, à la justice sociale et à l’éducation? Après tout, notre état de santé dépend étroitement de notre bien-être économique et social, et de notre niveau de formation.
Une grande variété de facteurs influent sur notre santé. C’est d’ailleurs le message que veut faire passer l’OMS avec son slogan «La santé dans toutes les politiques». Mais si l’aspect de la santé intervient partout, cela ne veut pas dire, et de loin, que la FMH doive forcément se mêler de tout. Nous n’aurions pas les ressources nécessaires pour ce faire, et l’évaluation de toutes les initiatives politiques dépasse largement les limites de notre expertise. Si nos compétences spécifiques en médecine nous permettent d’évaluer les effets du bruit, des poussières fines ou du stress sur la santé, diffuser nos connaissances en la matière ne revient pas à donner notre avis sur tous les projets de routes ou les révisions du droit du travail. L’expertise médicale ne permet pas, à elle seule, de prendre valablement position sur ce type de questions, car elles englobent une variété ­d’éléments contextuels relevant d’autres domaines de ­spécialité. Notre crédibilité, en politique, souffrirait d’ailleurs d’une telle dispersion.
Cela nous mène à la principale raison pour laquelle la FMH ne s’engage pas dans les questions de politique environnementale. Cela ne répondrait pas au mandat que nous confient nos membres. Si nous pouvons partir du principe que tous nos membres sont favorables à des conditions de vie saines, il est fort probable que leurs avis divergent autant que ceux de tous les autres citoyens sur la gravité des différents problèmes environnementaux, les solutions à adopter ou sur le bilan coût-utilité des diverses mesures envisageables. Nos membres attendent de la FMH non pas qu’elle joue le rôle d’une ­organisation environnementale, mais qu’elle œuvre à la mise en place de conditions-cadres optimales, dans un système de santé efficace et axé sur les besoins des patients, pour leur permettre de travailler sereinement. C’est là la compétence clé de la FMH, c’est sur ce point que s’accordent nos membres et c’est là notre mission.
Il sera très important que nous nous concentrions sur cette mission dans les mois et les années à venir car les défis qui nous attendent mettront fortement à contribution notre organisation. Les mesures en cours de planification dans le domaine de la santé pourraient gravement nuire à la prise en charge des patients et fortement restreindre la pratique de la médecine pour tous nos membres. Il est du devoir de la FMH de mettre toute son expertise et sa réputation dans la balance ­politique pour que nous puissions continuer demain de compter sur un système de soins accessible et de grande qualité.