Le certificat médical – 3e partie

Organisationen der Ärzteschaft
Édition
2021/2930
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.19982
Bull Med Suisses. 2021;102(2930):952-955

Affiliations
a Dr méd. MSc, p.-d., responsable du secteur de la médecine AEH AG, responsable de la formation en appréciation de la capacité de travail (ACT) de la Swiss Insurance Medicine (SIM); b Dre iur., Service juridique de la FMH, chargée de formation de la SIM; c Dr méd., MAS en médecine d’assurance, président de la Commission de formation postgraduée et continue de la SIM, médecin-chef Association Suisse d’Assurances; d Dr méd. M.H.A., président de la SIM, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, cabinet à Zurich

Publié le 20.07.2021

Cet article est le troisième et dernier article d’une courte série consacrée aux multiples facettes des certificats médicaux. Cette série vise à donner des pistes pour aider les médecins à les établir correctement, en particulier compte tenu de nouveaux aspects comme la télémédecine. Dans cette troisième partie, certains aspects pratiques de l’établissement du certificat sont examinés sous un angle essentiellement médical.
Lors d’un arrêt de travail pour maladie, il incombe au médecin traitant de confirmer la corrélation entre l’absence au travail (ou, le cas échéant, la diminution des performances) et le trouble de la santé (maladie ou acci­dent) en vue de délivrer un certificat d’incapacité de travail. Le médecin évalue si le patient est capable de travailler ou non, et détermine le degré de capacité de travail possible.
En cas de problèmes de santé aigus et de courte durée, l’évaluation ne pose généralement pas de problème. Elle peut cependant s’avérer difficile lorsque les absen­ces sont répétées ou de longue durée, si des problèmes de santé surviennent de manière concomitante ou en cas de conflits importants sur le lieu de travail. C’est particulièrement le cas lorsqu’une dégradation de l’état de santé entraîne une incapacité totale de travail de plus en plus longue.
Dans certains cas, décider des bonnes mesures au bon moment peut avoir un impact non négligeable sur l’évolution de la santé.
La capacité de travail estimée par le médecin se situe souvent soit à 0% soit à 100%. Mais il y a des nuances entre les deux qui doivent être prises en compte.

Le rôle de la CIF

La CIF, Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé, constitue un cadre de référence dont découlent un système de codage et divers outils auxquels il est notamment fait recours en recherche comparative, en médecine de réadaptation, dans l’évaluation des effets complexes dus aux problèmes de santé médicaux (AVC, traumatisme crânio-cérébral et autres) et dans la planification de l’aide aux jeunes handicapés [1].
En 2015, un arrêt de principe du Tribunal fédéral (ATF 141 V 281 [2]) a explicitement instauré la CIF comme référence pour l’évaluation de la capacité de travail dans les troubles somatoformes douloureux persistants. Par la suite, son statut de référence a été étendu à l’ensemble des évaluations de troubles psychiques [3, 4]. Ces dispositions n’ont pas de caractère obligatoire mais rien ne s’oppose à ce que la CIF soit également appliquée aux troubles (essentiellement) somatiques [5].
Le cadre de référence CIF intègre trois niveaux essentiels pour évaluer l’incapacité de travail:
– l’activité (quelles sont les ressources personnelles en termes de performances et de charge de travail?);
– les facteurs environnementaux (quelles sont les exigences du poste de travail?);
– la participation (comparaison entre exigences et les ressources personnelles: qu’est-ce qui est faisable, qu’est-ce qui ne l’est pas?).
Ces éléments sont influencés par les troubles, la capacité fonctionnelle (structures et fonctions) et par les facteurs personnels. Cela semble simple en principe. Quelques difficultés sont toutefois à prendre en compte.

Les écueils de l’évaluation de la capacité de travail

Les critères suivants se sont avérés être des obstacles à la réadaptation professionnelle et à la certification de la capacité de travail:
– conflits de rôles;
– connaissance ou évaluation insuffisantes des exigences du poste;
– incertitudes dans l’évaluation des ressources personnelles;
– «certificat de fin de consultation» (une prolongation du certificat d’incapacité de travail est demandée après la fin effective de la consultation);
– communication peu claire, absence de concertation avec le patient ou d’objectifs fixés;
– évolution médicale / clarifications sur le tard/focalisation sur les seuls diagnostics;
– rater le moment opportun pour la réintégration.
Parmi les critères énumérés, trois font l’objet d’une analyse approfondie ci-après:

1. Conflits de rôles

La relation médecin-patient est fondée sur une relation de confiance. Si le médecin traitant procède à une évaluation de la capacité de travail sur la base d’une appréciation purement subjective en raison d’informations insuffisantes ou unilatérales de la part de son patient, il existe un conflit de rôles classique. A cet égard, une prise de conscience de son rôle dans la relation médecin-patient tout comme des accords clairs avec le patient (coopération, aide à l’obtention d’informations, délai) sont des instruments importants.

2. Connaissance ou évaluation insuffisantes des exigences du poste

La capacité de travail estimée par le médecin se situe souvent soit à 0% soit à 100%.
Or, ce sont les exigences exactes du poste et les conditions cadre du travail qui sont déterminantes pour l’évaluation de la capacité de travail du patient. Pour une réintégration réussie, une approche nuancée qui tienne compte de ces éléments est indispensable.
Le profil d’intégration axé sur les ressources PIR (rep.compasso.ch/fr) permet une évaluation médicale des ressources de patients qui ont un poste de travail mais qui ont une capacité de travail limitée depuis un certain temps [6].
Le PIR suit une procédure clairement définie: l’employeur (qui est intéressé par le retour de l’employé) saisit le PIR en ligne (rep.compasso.ch) pour créer un profil d’exigences professionnelles que le patient présentera ensuite au médecin traitant. Ce dernier remplit le document en indiquant, pour chaque exigence mentionnée, si elle est réalisable compte tenu de l’atteinte à la santé («possible»), uniquement réalisable sous certaines conditions («partiellement possible», les conditions peuvent ensuite être définies) ou non réalisable («pas possible»). Le profil est signé par le médecin et retransmis à l’employeur, qui vérifie alors comment et dans quelle mesure il peut confier des tâches au patient. Il est important de noter que le PIR ne remplace pas un certificat médical. L’objectif du PIR est de favoriser la capacité de travail partielle et d’encourager l’insertion professionnelle adaptée au poste de travail, ainsi que la communication entre l’employeur, l’employé et le médecin. La demande de renseignement via le PIR, adressée au médecin, est formulée par l’employeur. Si le médecin remplit entièrement le PIR, il est indemnisé par l’employeur à hauteur de 100 francs.
Si aucun PIR (ou profil d’exigences de l’employeur) n’est disponible, il convient de demander au patient de décrire brièvement sa qualification professionnelle et quatre tâches professionnelles qu’il estime essentielles. Sur cette base, une brève anamnèse professionnelle peut être établie contenant au minimum les informations suivantes:
– poste à plein temps ou à temps partiel (nombre d’heures par semaine, répartition sur la semaine);
– emploi fixe ou rétribué à l’heure;
– les tâches ou circonstances que le patient juge les plus difficiles compte tenu de son problème de santé.
Pour des cas particuliers, le médecin dispose de WOCADO, un outil de renseignement plus élaboré (Work Capacity estimation support for Doctors; www.wocado.ch/) [7].

3. Incertitudes dans l’évaluation des ressources personnelles

L’évaluation des capacités physiques et psychologiques constitue un défi, en particulier dans le cas de tableaux cliniques imprécis, de multimorbidité et de maladies chroniques.
Les cas de problèmes de santé précis (par exemple, restriction sévère de la mobilité et douleur terminale du genou dues à une fibrose capsulaire) sont les seuls qui permettent d’établir une corrélation directe entre la capacité fonctionnelle (flexion du genou affecté limitée à 60°) et l’activité (impossibilité de travailler en position accroupie ou à genoux, restreintes sévères pour monter les escaliers et marcher).
Dans la plupart des autres cas, les possibilités personnelles doivent être évaluées par comparaison avec les activités quotidiennes (description de la routine quotidienne, tableau des douleurs liées au travail, description des interactions sociales, observation dans la salle d’attente, etc.) et au moyen de constatations objectives («degré de sévérité»). Si l’évaluation demeure insatisfaisante, des clarifications supplémentaires au moyen d’une ECF (évaluation des capacités fonctionnelles liée au travail) ou de tests neuropsychologiques sont à envisager.
Alors que les évaluations neuropsychologiques sont prévues dans la LAMal et la LAA, les ECF doivent être demandées ou recommandées à d’autres assureurs (assu­reur indemnités journalières, AI ou assureur-accidents) selon un tarif fixe.
L’exemple de la lombalgie chronique a révélé des divergences considérables entre l’évaluation dans l’ECF de la capacité à manipuler des charges, l’évaluation empirique par le médecin et l’auto-évaluation [8]. L’évaluation de la performance fonctionnelle liée au travail permet d’estimer, outre la performance personnelle, la cohérence et la volonté de performance [9]. Les clarifications neuropsychologiques permettent notamment d’évaluer la qualité de l’évaluation.

Nouveau certificat de capacité de travail de la SIM

En 2019, la Swiss Insurance Medicine a publié un certificat de capacité de travail qui tient spécifiquement compte de l’insertion professionnelle et de la capacité de travail partielle.
Un certificat de capacité de travail est délivré à la suite d’une maladie ou d’un accident. Outre une appréciation davantage basée sur les ressources (capacité de travail versus incapacité de travail), une description plus précise de la situation professionnelle (notamment du temps partiel) et la mention du type de description de poste (PIR, autres sources), il établit une distinction claire entre le temps de présence et la performance (liée, en règle générale, à l’activité habituelle).
Le certificat de capacité de travail de la SIM [10] est disponible sur le site web de la SIM et également sur le site www.compasso.ch [11].

Exemple de cas

Le patient est un ouvrier d’entrepôt non qualifié de 52 ans (gestion d’entrepôt, contrôle des marchandises, conduite de chariot élévateur) employé à plein temps depuis 20 ans. Après de courtes absences antérieures dues à des douleurs lombaires, il souffrait depuis six semaines d’une douleur lombaire aiguë avec radiation unilatérale au-delà du genou. Le traitement a été initié par le médecin de premier recours (physiothérapie, analgésiques). Une tentative de travail a échoué après une demi-journée (travail normal). Les examens ont révélé uniquement des changements dégénératifs non spécifiques des segments inférieurs de la colonne lombaire. Le patient s’est rendu chez le médecin avec un PIR de l’employeur qui voulait garder son employé. Cependant, il n’était pas certain que l’employé puisse reprendre son activité. D’après le PIR, le travail consistait pour moitié en la mise à disposition manuelle de matériaux, exécutée en position debout ou en marchant, et en la saisie de données effectuée en position debout, et pour moitié en la conduite de chariots élévateurs. Il déplaçait régulièrement des charges d’environ 15 kg, rarement plus lourdes, et manipulait par moments des caisses dans une position tordue. Le patient était partiellement au contact des clients et devait parfois exécuter les commandes très rapidement. Le médecin a vu le patient en consultation (unique et réservée à cet effet) pour compléter le PIR avec lui et y préciser les restrictions à respecter pour chaque activité. Cela lui a pris environ dix minutes.
Le médecin de premier recours a par ailleurs rempli le certificat de capacité de travail de la SIM. Il a attesté une capacité de travail de 0% jusqu’à ce moment précis, puis une présence de quatre heures à performance réduite sur deux semaines dans le PIR (capacité de travail de 25%), puis de six heures pendant deux semaines (capacité de travail de 37,5%) et ensuite une reprise rapide de l’activité habituelle à condition que la guérison évolue normalement. En même temps que le PIR et le certificat médical, le médecin a envoyé une facture de 100 francs à l’employeur.
Après l’expiration de l’attestation, l’employeur a recontacté le médecin: son employé était présent à plein temps sur le lieu de travail mais faisait encore de fréquentes pauses lorsqu’il déplaçait à la main des caisses de poids moyen à une cadence soutenue. Une capacité de travail de 70% a été convenue temporairement pour trois semaines supplémentaires, suivie ensuite d’une capacité de travail totale.

Situations particulières

1. Incapacité de travail limitée à la place de ­travail

Il est question «d’incapacité de travail limitée à la place de travail» lorsque, par exemple, le retour au poste de travail occupé jusque-là n’est pas justifiable en raison d’un conflit sur le lieu du travail mais que la capacité de travail est cependant possible à toute autre place de travail. Il est à noter que dans le cas d’un problème purement lié à la place de travail, le salarié ne peut prétendre à aucune indemnité journalière.

2. Incapacité de travail pendant la grossesse

La grossesse, qui n’est pas une maladie, donne droit à un congé maternité et à l’exercice du devoir de diligence par l’employeur, conformément à l’ordonnance sur la protection de la maternité. La FMH a publié une directive sur la mise en œuvre de l’ordonnance sur la protection de la maternité dans les cabinets médicaux [12]. Si une maladie survient, une incapacité de travail peut en résulter qui peut être attestée.
Il convient toutefois de faire preuve de prudence en cas d’affections non spécifiques, telles que les douleurs dorsales.

L’essentiel en bref

• Prendre les bonnes mesures peut concrètement avoir un impact important sur l’évolution de la santé du patient.
• L’évaluation de la capacité de travail se heurte à des obstacles tels que le manque de connaissances ou l’appréciation insuffisante des exigences du poste.
• En 2019, la Swiss Insurance Medicine a publié un certificat de capacité de travail qui tient spécifiquement compte de l’insertion professionnelle et de la capacité de travail partielle.

Approfondissement

Outre les liens mentionnés ci-dessous, la Swiss Insurance Medicine (SIM) propose diverses options d’approfondissement dans le cadre de modules de formation et a publié de nombreuses publications et outils de travail sur ce thème [13].

Congrès EUMASS

En septembre 2021, la SIM organise, en collaboration avec l’EUMASS (European Union of Medicine in Assurance and Social Security, membre de l’Association européenne des médecins EACCME), le congrès biennal de l’EUMASS (qui se tiendra en ligne les 16 et 17 septembre 2021 en raison du Covid). Le congrès EUMASS aura comme principal thème la mise en pratique et la présentation de résul­tats de la recherche appliquée d’une large gamme de thèmes issus de la médecine d’assurances. Informations et inscriptions: 
eumass-2021.eu
 1 ICF WHO (2001). www.who.int/classifications/icf/en/ (état: 15.6.2021).
 3 ATF 141 V 281 (2015) www.bger.ch (état: 15.6.2021).
 4 Herzog-Zwitter I. Die präzisierende Rechtsprechung des BGE 141 V 281 und die ICF. 2018 (www.svv.ch).
 5 Jeger J. Die Verwendung der International Classification of Functioning, Disability and Health (ICF) in der somatischen Begut­achtung. Medinfo 2017/2 (Teil 1) / Medinfo 2018/1 (Teil 2).
 6 Kaiser M, et al. Ressourcenorientierte Wiedereingliederung in den Arbeitsmarkt. 2019. doi.org/10.4414/ saez.2019.17942 (état: 15.6.2021).
 8 Oesch P, et al. Functional capacity evaluation: performance of patients with chronic non-specific low back pain without waddell signs. J Occup Rehabil. 2015;26:257–66.
 9 Meyer K, et al. Development and validation of a pain behavior assessment in patients with chronic low back pain. J Occup Rehabil. 2016;26:103–13.
13 Klipstein A. Die Beurteilung der Arbeitsfähigkeit in der Praxis. Dans: Leading Opinions: Innere Medizin 5/2019; 6–10; www.swiss-insurance-medicine.ch/fr/connaissances-speciales-et-­outils/exigences-du-poste-de-travail (état: 15.6.2021).