Comment y répondre?

Demandes d’information de l’autorité cantonale de surveillance

FMH
Édition
2021/24
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.19945
Bull Med Suisses. 2021;102(24):799-800

Affiliations
a lic. iur., Service juridique de la FMH, b lic. iur., Service juridique de la FMH

Publié le 15.06.2021

Le secret médical ne s’applique pas dans tous les cas. Dans certains cas, les médecins sont tenus de fournir des informations à l’autorité cantonale de surveillance.
Dans son article «Demandes d’information du Minis­tère public: comment y répondre?», paru dans le BMS du 28 avril dernier (2021;102(17)), Christian Peter (Dr iur.) abordait le thème de la divulgation de données de patients aux autorités pénales. Suite à cet article et à un récent arrêt du Tribunal fédéral [1], nous aimerions saisir l’occasion pour examiner encore un autre aspect du secret professionnel, et plus précisément le nécessaire arbitrage entre celui-ci et la nécessité de répondre aux demandes d’information des autorités cantonales chargées de la surveillance des institutions de santé.

Contexte

Le canton du Tessin a procédé en 2017 à la révision ­partielle de sa loi sur la promotion de la santé et la coordination des institutions de santé (LSan). Il a pour ce faire introduit dans l’art. 20, al. 4, de cette loi une nouvelle disposition prévoyant que les médecins ne puissent plus se prévaloir du secret médical lorsque l’autorité cantonale chargée du contrôle et de la surveillance des institutions de santé exige certaines informations ou un accès à la documentation médicale. La nouvelle loi élargit par ailleurs considérablement les obligations de dénoncer des médecins.
Quatre médecins tessinois se sont opposés à cette ­modification de la loi, qui étend à leur sens exagérément les devoirs de dénonciation. Concernant la trans­mission d’informations à l’autorité de surveillance, le Tribunal fédéral a en revanche estimé que le secret ­médical ne constituait pas un motif suffisant pour se soustraire à cette obligation. Nous prenons position sur ce point dans les paragraphes qui suivent.
Sur le fond, les deux situations examinées – demandes de renseignements du Ministère public pour le précédent article et demandes de renseignements des auto­rités cantonales de surveillance dans le présent arti­cle – sont semblables. Il s’agit dans les deux cas de la transmission d’informations concernant des patients à une autorité étatique. Sur la question du droit ou de l’obligation des médecins concernés d’invoquer le secret professionnel dans une situation ou dans l’autre, le ­Tribunal fédéral a retenu dans son arrêt qu’il convient de distinguer entre les deux situations.

Transmission d’informations 
à l’autorité de surveillance

La loi sur les professions médicales (LPMéd) prévoit que chaque canton désigne une autorité chargée de surveiller l’activité des personnes exerçant une profession médicale [2].
En règle générale, il s’agit de la direction cantonale de la santé publique, agissant au travers du service du médecin cantonal. Cette surveillance ­relève d’une fonction administrative, raison pour laquelle le droit de procédure pénale ne s’applique pas en l’espèce [3].
Le Tribunal fédéral définit trois situations dans lesquelles les médecins ne peuvent pas se prévaloir du ­secret professionnel et dans lesquelles l’autorité de surveillance peut accéder au dossier et autres documents ayant trait au patient:
1. dans le cadre de sa fonction de contrôle périodique, prescrite par la loi (contrôle de la qualité des prestations tous les 3 ou 4 ans);
2. à titre réactif, soit sur dénonciation par un patient, ou encore
3. sur dénonciation par le Ministère public. Aux ter­mes de l’art. 302 du Code de procédure pénale (CPP), ce dernier est tenu de dénoncer aux autorités compétentes toutes les infractions qu’il a constatées dans l’exercice de ses fonctions ou qui lui ont été annoncées s’il n’est pas lui-même compétent pour les poursuivre.
Dans le cas d’une dénonciation, le Tribunal fédéral part du principe qu’en dénonçant les faits, le patient donne son consentement à ce que l’autorité accède à son ­dossier.
Dans les deux autres types de situations, le Tribunal ­fédéral considère que l’autorité de surveillance peut ou doit avoir accès aux documents pertinents même sans le consentement du patient, et donc éventuellement aussi à son dossier médical. Le secret du patient reste néanmoins préservé puisque l’autorité de surveillance est elle-même liée par le secret professionnel et qu’elle est à ce titre tenue de traiter les données du patient de manière confidentielle et de les protéger de tout accès non autorisé. L’autorité de surveillance ne bénéficie pas, par ailleurs, d’un droit de consultation général, mais ne peut accéder qu’aux données nécessaires à la réalisation de la tâche qui lui est confiée.

Conclusion: les médecins ont le devoir de divulguer des informations à l’autorité de surveillance

Les médecins font face dans le cadre de leur pratique quotidienne non seulement aux demandes de renseignements du Ministère public ou de l’autorité de surveillance, mais également à celles adressées par les assureurs-maladie, accidents ou perte de gains. Nous prévoyons d’aborder ce type de situations dans un prochain article.
ciro.papini[at]fmh.ch
nils.graf[at]fmh.ch
1 Arrêt du Tribunal fédéral 2C_658/2018 du 18 mars 2021.
2 Art. 41, al. 1, LPMéd.
3 Arrêt 2C_658/2018, consid. 9.4.