ReMed – Réseau de soutien pour médecins

La pandémie est-elle une source de stress pour les médecins ?

FMH
Édition
2021/23
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.19901
Bull Med Suisses. 2021;102(23):760-761

Affiliations
Dre, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, Comité de direction de ReMed

Publié le 08.06.2021

Le présent article vise à susciter la réflexion et la discussion, sans proposer de compte rendu d’expérience. Et pour cause: en 2020, le réseau ReMed pour médecins en difficultés n’a pas été contacté une seule fois en raison de la pandémie de COVID-19. Au vu de la charge qui a pesé et pèse encore sur les médecins, nous en sommes étonnés et inquiets car en tant que conseillères et conseillers ReMed, nous nous attendions à être assaillis d’appels. Ce silence cache-t-il quelque chose?
Quand à la mi-mars 2020, nous, médecins, avons vécu le premier confinement en raison du coronavirus en Suisse, ce fut un immense défi. Nous nous sommes conformés aux recommandations de la Confédération, avons restreint nos consultations aux urgences et repoussé les autres, ce qui a impliqué une réduction de la charge de travail de nombreux cabinets médicaux et divisions hospitalières. Cette situation a causé de l’inquiétude et de la colère, mais aussi des pertes financières. De plus, il a fallu longtemps pour que nous recevions des directives claires quant à l’application des plans de protection.

Incertitude, taux de contamination élevé, isolement

L’équipe de conseillers ReMed a assisté en direct aux tensions et conflits vécus par les médecins qui, pendant des mois, ont manqué de matériel et vêtements de protection, et de désinfectant. Ils attendaient avec inquiétude la première vague de patients atteints de COVID-19, appréhendaient un manque de capacités d’accueil dans les unités de soins intensifs et s’inquiétaient pour leurs patients vulnérables et leurs proches.
Finalement, force a été de constater avec émoi et compassion que plus de soignants et de médecins sont morts durant la première vague que parmi d’autres groupes professionnels. La pandémie nous a montré de manière très claire à quels risques sanitaires nous étions confrontés dans l’exercice de notre profession. Un constat confirmé par de nouvelles études démontrant que les soignants étaient plus à risque d’attraper le virus [1]. Nous avons aussi ressenti les conséquences des mesures de protection, dont l’isolement qui s’en est suivi. Les discussions et les échanges ont manqué, que ce soit durant un repas ou à la suite d’une session de formation.

Une demande de soutien plus faible qu’attendue

Dans ce contexte, nous nous attendions à être contactés par un grand nombre d’urgentistes et d’autres spécialistes épuisés par la crise. Nous nous sommes préparés en engageant plus de personnel et en étoffant notre offre par des groupes de coaching pour les médecins les plus sollicités. Nous sommes partis du principe qu’on avait encore plus besoin de nous qu’à l’accou­tumée. Or, au cours de l’année écoulée, les demandes de soutien n’ont augmenté que de 5% et, contre toute attente, nous n’avons pas croulé sous les appels. Parmi les causes évoquées pour une prise de contact, le corona­virus ne faisait pas office de motif explicite de consultation mais de révélateur de problèmes existants. Cela a suscité de nombreuses questions et nous a donné matière à réflexion.

ReMed est là pour vous

Avez-vous ou quelqu’un de votre entourage a-t-il besoin d’un soutien professionnel? Dans ce cas, n’hésitez pas à contacter ReMed: le réseau de soutien pour les médecins vous conseillera de manière compétente dans le respect du secret médical. ReMed peut également intervenir dans d’autres situations de crise professionnelles ou personnelles. Cette offre s’adresse aussi aux personnes de l’entourage de médecins, 24 heures sur 24. Un des médecins conseillers se manifeste dans les 72 heures: www.swiss-remed.ch, help[at]swissremed.ch, tél. 0800 07 36 33.

L’action, une réponse saine à la pandémie

Que se passe-t-il avec les médecins? La pandémie stresse-t-elle tout le monde sauf eux? Quel doit-être leur niveau de stress pour qu’ils le communiquent et cherchent du soutien? Nul doute que mes collègues, urgen­tistes ou autres, ont dû se dépasser, fournir un travail immense à chaque nouvelle vague. Au cours de l’année passée, ils sont devenus des héros bien malgré eux, dont le travail a été fortement médiatisé. Il est donc fort probable que le plus grand défi à relever n’ait pas été d’éviter un burn-out, mais à l’instar de leurs collègues d’autres disciplines, de réagir de manière proactive et solidaire à cette pandémie.
ReMed propose notamment des groupes de coaching en ligne en allemand pour échanger de manière collégiale sur les problèmes rencontrés et les défis liés à la profession. Inscription par courriel à dr.s.werner[at]hin.ch

Et comment fait-on quand on ne peut pas agir?

Et comment se sentaient les médecins qui n’étaient pas au front? Celles et ceux que la pandémie a réduits à la passivité et qui se sont momentanément retrouvés dans une impasse? En écrivant cela, je pense aux médecins installés, mais aussi aux médecins hospitaliers dont les unités de soins ont soudain été désertées. Hormis la pression financière, qu’est-ce que cela signifie pour un-e médecin de ne plus pouvoir «se donner à fond» dans son métier? Notre dévouement et notre engagement envers les patients ne sont-ils pas les valeurs clé qui donnent du sens à notre profession? Que ressentons-nous lorsque nous ne pouvons plus agir ou que notre travail devient superflu?

Continuer à ne rien dire ou contacter ReMed avant qu’il ne soit trop tard

Le coronavirus ne nous lâchera pas de sitôt. Les effets du stress lié à la pandémie sur la santé physique et psychique de la population sont régulièrement relayés dans les médias. Mais qu’en est-il de la santé physique et psychique des médecins? Combien de pression faut-il pour qu’ils ou elles demandent de l’aide? Est-ce que la pandémie nous pèse, mais nous ne nous auto­risons tout simplement pas à dire ce qui nous préoccupe, à évoquer notre surcharge de travail, nos colères, nos peurs, notre stress? Sommes-nous prêts à nous confronter à nos peurs, notamment celles d’être infectés ou de subir des pertes financières [2, 3]. Pouvons-­nous admettre notre déception lorsque notre travail n’est plus valorisé de la même manière ou avons-nous peur d’être vus comme narcissiques?
Il est probable que le fait de ne pas pouvoir publier de compte rendu d’expériences soit le signe d’un silence bien plus profond, que nous ne connaissons que trop bien. En cas de difficultés personnelles, il est fréquent que les médecins nous contactent après plutôt qu’avant de prendre une décision qui peut s’avérer radicale. Le réseau de soutien ReMed fait tout pour que chaque médecin puisse s’adresser à lui sans gêne, même en cas de «petit» problème et avant qu’il ne soit trop tard. Nous connaissons l’isolement et la solitude des médecins et mettons tout en œuvre pour que personne ne se sente abandonné.

Intervisions ReMed pour les premiers répondants et les membres du réseau

En plus du soutien apporté aux médecins qui demandent conseil, ReMed organise des intervisions régionales pour que les médecins ayant des collègues pour patients puissent échanger leurs expériences. Ces intervisions permettent la mise en réseau et la constitution de groupes de pairs (6 à 8 participants, 2 ou 3 rencontres par année) qui abordent ensemble des questions concrètes liées au mentorat, au coaching, au conseil, à la thérapie ou à d’autres aspects (droit, assurances, etc.). N’hésitez pas à nous contacter et à participer à une de nos réunions pour vous faire une idée de notre travail. Contact et inscription: Dre méd. Sabine Werner, membre du Comité de direction de ReMed, dr.s.werner[at]hin.ch
Prochaines dates en 2021: 17.6.2021, de 16h30 à 18h00, par vidéo­conférence et 16.9., 4.11., 11.11.2021, de 14h00 à 18h00, à l’Hôtel Plaza à Zurich (si possible en présentiel).
Sabine Werner et Pascale Kübler
ReMed
Case postale 300
CH-3000 Berne 15
Tél. 031 359 12 00
info[at]swiss-remed.ch
1 Kramer et al. Subjective burden and perspectives of German healthcare workers during the COVID-19 pandemic. European
Archives of Psychiatry and Clinical Neuroscience; 2/2021.
2 Spiller TR et al. Development of health care workers’ mental health during the SARS-CoV-2 pandemic in Switzerland: two cross-sec­tional studies. Psychological Medicine. 2020 Aug 13;1–4.
3 Weilenmann S et al. Health Care Workers’ Mental Health During the First Weeks of the SARS-CoV-2 Pandemic in Switzerland. A Cross Sectional Study. Front. Psychiatry. 2021 (18 March).