Il faut aller de l’avant

Formation médicale postgraduée et continue en période de COVID

FMH
Édition
2021/18
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.19777
Bull Med Suisses. 2021;102(18):602-604

Affiliations
a Dres et Dr méd., Association suisse des médecins-assistant(e)s et chef(fe)s de clinique (asmac); b directeur de l’asmac;
c Dre méd., p.-d., présidente de l’Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM)

Publié le 05.05.2021

Hormis les crédits offerts pour 2020 et 2021 à l’ensemble des médecins tenus de suivre une formation continue, l’ISFM a instauré durant la pandémie des mesures non bureaucratiques pour soulager les personnes en formation, les établissements de formation postgraduée et les sociétés de discipline médicale [1]. Afin de déterminer l’impact de la pandémie sur la formation postgraduée des médecins, l’enquête annuelle sur la qualité de la formation postgraduée intègrera le point «Formation postgraduée pendant la pandémie». Rédigé par des membres de l’asmac, le présent article donne la parole directement aux personnes concernées.

Le coronavirus bouleverse le fonctionnement des hôpitaux

La pandémie du coronavirus a frappé de plein fouet et pratiquement par surprise le système de santé suisse en mars 2020. Beaucoup de choses ont été bouleversées du jour au lendemain, comme la formation médicale postgraduée et continue. Pour les hôpitaux, le ­personnel et les patients, c’était tout d’abord – et littéralement – une question de survie. Tandis qu’une partie des cliniques et services hospitaliers fermaient sur ordre du Conseil fédéral et renvoyaient leur personnel à la maison, d’autres étaient transformés en unités ­COVID ou leur personnel était réparti vers d’autres ­services. Les unités de soins intensifs et d’urgence ne parvenaient pas à gérer la charge de travail inhérente à la prise en charge des patientes et des patients atteints du COVID-19. Il est donc naturel, dans une telle période, que la formation postgraduée et continue des médecins ait dû passer au second plan. Après une première phase agitée, les hôpitaux sont ensuite passés «en mode Corona» pendant plusieurs mois. Il était alors impensable d’organiser des sessions de formation postgraduée ou continue. L’ISFM n’a ménagé aucun ­effort pour instaurer des réglementations d’exception avec toutes les personnes impliquées afin de tenir compte de la situation extraordinaire des médecins-­assistant-e-s et des chef-fe-s de clinique (www.siwf.ch → Thèmes → COVID-19).

Formation postgraduée restreinte

Au début de l’été, les services fermés ont pu reprendre leurs activités. Malheureusement, la politique a ignoré à cette époque les préoccupations répétées des hôpitaux envers les conséquences financières de la pandémie, pourtant prévisibles. Certains services restaient surchargés en raison de la pandémie, d’autres devaient «rattraper» le plus possible d’interventions différées en plus de la reprise de leur activité. Et les cliniques n’ont malheureusement bien souvent pas exploité cette liberté d’action retrouvée pour amorcer une reprise de la formation postgraduée. L’asmac a connaissance de plusieurs exemples de cliniques qui ont rattrapé le samedi des interventions programmées sans disposer pour cela de plus de personnel. Avec une telle charge de travail, il n’y a guère de place pour la formation postgraduée et continue. Comme souvent, les priorités étaient clairement économiques, au détriment de la formation postgraduée et continue.
Toutes les personnes impliquées avaient parfaitement conscience que la pandémie du coronavirus allait obligatoirement restreindre massivement la formation postgraduée et continue pendant un certain temps. Or, la formation n’est pas quelque chose de secondaire, un nice to have, mais une obligation légale. Les établissements de formation postgraduée sont tenus de ­pro­poser la formation postgraduée promise à leurs médecins-assistant-e-s. De leur côté, les médecins-­assistant-e-s et les chef-fe-s de clinique ont l’obli­gation de suivre leur formation postgraduée et continue. Cela signifie que «dès que la pandémie le permettra», les sessions de formation postgraduée et continue devront également reprendre.
Aucune date officielle n’a été fixée pour la reprise facultative ou obligatoire de la formation postgraduée et continue, les conditions au sein des différents hôpitaux et cliniques étant trop disparates. L’asmac connaît plusieurs exemples de cliniques ayant trouvé très rapidement des solutions pour relancer la formation postgraduée. Dans d’autres cas, la pandémie a servi de prétexte pour reporter cette reprise le plus longtemps possible.
La formation postgraduée est un droit, également en période de pandémie.

Possibilités pour maintenir la formation postgraduée et continue

Après plus d’une année de pandémie, cette situation doit être acceptée comme une sorte de «nouvelle normalité». Le coronavirus est toujours là et continuera à circuler. Les hôpitaux et leur personnel s’y sont préparés le mieux possible et il est désormais impératif de reprendre la formation postgraduée (et continue). Il semblerait entre-temps que cette reprise soit davantage une question de motivation, d’innovation et d’ouverture d’esprit des médecins en formation et des responsables d’établissements de formation postgraduée. Les vidéoconférences sont devenues partie intégrante du quotidien professionnel, de la formation initiale, postgraduée et continue à travers toutes les professions et même des écoles (primaires). Il existe suffisamment d’exemples sur la manière de dispenser la formation postgraduée médicale par transmission vidéo, en incluant parfois même des exemples pratiques ou des discussions de cas en direct. Certaines sessions de formation et conférences sont enregistrées afin que les médecins puissent les télécharger sous forme de podcast et les visionner ultérieurement. Cette méthode permet non seulement aux médecins travaillant à temps partiel ou en équipes de visionner les vidéos à n’importe quel moment. Mais elle offre également la possibilité de créer une sorte de bibliothèque des différents séminaires et exposés et de la mettre à disposition du plus grand nombre au sein d’un réseau hospitalier cantonal, voire national. Il est également possible d’organiser des formations et des ateliers hybrides, avec une petite partie des participant-e-s en présentiel dans le respect des mesures de distanciation et une autre par transmission vidéo. L’autoapprentissage et les sessions (virtuelles) de questions peuvent être combinés dans l’esprit du Blended Learning. Cette liste d’exemples est loin d’être exhaustive.

Pas d’apologie de la transmission vidéo

Pour éviter tout malentendu, il ne s’agit pas ici de faire l’apologie de la formation postgraduée par diffusion ­vidéo ou podcast. Nous souhaitons toutes et tous le retour du dialogue direct et de l’enseignement pratique sur place. Mais la situation actuelle exige d’une part la recherche d’alternatives, d’autre part les mois passés – au cours desquels ces alternatives ont été recherchées et utilisées – ont révélé un fort potentiel dans le développe­ment de la formation médicale postgraduée et continue, par exemple par une meilleure mise en réseau des participant-e-s. Quand les médecins-assistant-e-s de petits hôpitaux peuvent bénéficier de cette manière des offres de formation postgraduée de grands hôpitaux, c’est un atout. Quand des médecins travaillant en équipes ou à temps partiel peuvent différer le visionnement d’une formation, c’est un atout. Quand une personne peut participer à un séminaire parce qu’un déplacement n’est plus nécessaire, c’est un atout.

Redémarrage indispensable – 
la formation postgraduée et continue est un droit et un devoir

Dans plusieurs cliniques et hôpitaux, les responsables (formatrices, formateurs et médecins en formation) sont parvenus à relancer les offres de formation post­graduée grâce à leur engagement et motivation. Le nombre des établissements de formation postgraduée n’ayant pris aucune mesure demeure malheureusement trop élevé. Une enquête de la section bernoise de l’asmac a confirmé l’ampleur des sessions annulées en raison de la pandémie. Mais elle révèle également que la reprise de la formation postgraduée est loin d’être généralisée. Selon 40% des personnes ayant participé à l’enquête, les sessions de formation annulées n’ont pas été remplacées, et selon un pourcentage presque équivalent, elles n’ont été remplacées que partiellement, par des sessions virtuelles. L’enquête a été menée en janvier et février de cette année. Cette situation au bout d’une année de pandémie menace de détériorer durablement la qualité de la formation postgraduée et continue des médecins.
Une bonne formation postgraduée est essentielle et les médecins-assistant-e-s y ont droit. Ces derniers peuvent et doivent donc revendiquer leur droit à la formation postgraduée, tout en faisant leur part pour y parvenir. Cela vaut également pour la formation continue. Les crédits exigés sont une chose, mais le principal consiste à maintenir et à étendre les compétences médicales, soit à garantir la qualité. Les discussions menées au sein du Comité directeur de l’asmac et avec les représentantes et représentants des sections aboutissent au même constat dans toute la Suisse. Comme souvent, ce sont la volonté, l’intérêt et l’engagement qui permettent de faire bouger les choses. A défaut de trouver elle-même une solution adéquate, une clinique pourra trouver de nombreux exemples de ce qui fonctionne et est possible dans l’échange avec d’autres établissements. La formation postgraduée et continue est un devoir et une condition fondamentale à un système de santé de haute qualité.
Institut suisse pour la ­formation médicale post­graduée et continue (ISFM)
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1 Hänggeli C. Droit d’urgence dans la formation postgraduée? ­Comment l’ISFM a affronté les défis liés au coronavirus.
Bull Med Suisses. 2020;101(31/32):924. https://doi.org/10.4414/saez.2020.19104