Nouvelles problématiques

Le certificat médical – 2ème partie

Organisationen der Ärzteschaft
Édition
2021/21
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.19630
Bull Med Suisses. 2021;102(21):692-694

Affiliations
a Dre iur., Service juridique de la FMH, chargée de formation de la SIM; b Dr méd., MAS médecine d’assurance, président de la commission de formation postgraduée et continue de la SIM, médecin-chef Association Suisse d’Assurances; c PD Dr méd. MSc, Andreas Klipstein, responsable du secteur de la médecine AEH AG, responsable de la formation en Appréciation de la Capacité de Travail (ACT) de la SIM; d Dr méd. M.H.A, président de la Swiss Insurance Medicine, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, cabinet à Zurich

Publié le 26.05.2021

Cet article est le deuxième d’une courte série consacrée aux multiples facettes des certificats médicaux, situés à la frontière de la médecine et du droit. Cette série vise à donner des pistes pour aider les médecins à les établir correctement, en particulier compte tenu de nouveaux aspects comme la télémédecine.
Quelle est la valeur probante d’un certificat médical basé sur une consultation de télémédecine?

Certificat médical et Code de déontologie de la FMH

Un certificat médical qui n’est pas délivré dans les règles peut avoir des conséquences au regard de la déontologie médicale. L’article 34 du Code de déonto­logie de la FMH définit les exigences relatives au certificat médical en ces termes:
«Les certificats médicaux, rapports et expertises sont des documents officiels. Le médecin les établit au plus près de sa conscience professionnelle et avec toute la diligence requise. Le but visé, la date et le nom du destinataire doivent figurer sur le ­document. Les certificats de complaisance sont ­interdits».
Le certificat médical doit clairement faire état de l’évaluation médicale. Le Tribunal fédéral définit les exigences auxquelles doit satisfaire le médecin comme suit: «Pour apprécier la véracité du rapport médical, il convient de tenir compte du fait qu’il est fondé sur un exposé des faits interprété par le médecin et qu’il comporte donc nécessairement une composante subjective» [1].
Le certificat médical se limite aux informations utiles pour le destinataire; les informations supplémentaires, telles qu’un diagnostic ou des traitements, ne peuvent être divulguées à l’employeur qu’avec le consentement du patient. Dans un certificat d’incapacité de travail, l’évaluation différenciée de la capacité de travail doit être exposée, justifiée et exprimée par le degré d’incapacité de travail. Il appartient à l’administration de l’assureur ou aux juges de décider s’il s’agit d’une maladie, d’un accident, d’une maladie professionnelle ou d’une lésion corporelle assimilée à un ­accident.

Certificat médical suite à une téléconsultation

Avec la pandémie de Covid-19, la télémédecine a non seulement gagné en importance dans le quotidien des médecins, mais elle a également été inscrite dans la ­législation dans le cadre du 2e volet de mesures visant à maîtriser les coûts [2]. Le législateur prévoit notamment la création de centres de consultation de premier recours de type télémédical [3].
La possibilité de délivrer un certificat médical par téléconsultation n’est pas contestée. Mais la question se pose de savoir quelle est la valeur probante d’un tel certificat. En tout état de cause, on peut supposer que la valeur probante de ce document sera moindre que celle du certificat médical traditionnel, puisque ce ­dernier est basé sur un «examen minutieux et expert du médecin» en contact personnel avec le patient [4].
Medgate, un prestataire de services de télémédecine, souligne dans ses lignes directrices qu’une incapacité partielle de travail ne peut pas être évaluée au téléphone ou par vidéo. Par conséquent, Medgate ne certifie une incapacité de travail qu’à hauteur de 100% et précise que le médecin de Medgate ne délivre que des certificats médicaux simples [5].
Le projet pilote de télémédecine actuellement en cours au Tessin pour les patients atteints de ­Covid-19 est intéressant à ce titre [6]. Les tribunaux ­auront de plus en plus à répondre à la question de la ­valeur probante des certificats télémédicaux d’incapacité de travail.

Certificat médical et signature ­électronique

En principe, le certificat médical doit être signé par le médecin en personne ou requiert une signature électronique qualifiée au sens de la SCSE (Loi sur la signature électronique) [7]. Cette dernière doit donc être présente sur les certificats médicaux transmis par voie électronique. 
Une signature scannée ou la mention du médecin attestant que le document a été signé électroniquement ne suffisent pas pour en faire un titre juridiquement contraignant. Un e-mail ou une photocopie ne suffisent pas non plus.

Le médecin-conseil est soumis au secret professionnel vis-à-vis de l’employeur

Dans un arrêt de principe ATF 143 IV 209, le Tribunal ­fédéral a précisé dans quelle mesure le médecin-­conseil est soumis au secret professionnel vis-à-vis de l’employeur [8]. Le Tribunal fédéral confirme que le médecin-conseil ne peut fournir des informations à l’employeur que dans la mesure où il est libéré de l’obligation du secret médical. Le terme de «médecin-­conseil» utilisé dans cet arrêt doit cependant être distingué du médecin-conseil mentionné à l’art. 57 LAMal. Ce dernier est défini par le législateur comme une autorité indépendante chargée de veiller à l’efficacité et au contrôle de la qualité.
Selon le Tribunal fédéral, «Autant le médecin que les patients ont directement consulté que le médecin-conseil engagé par un employeur sont sollicités en raison de leurs connaissances professionnelles spécifiques et de leurs compétences. Le médecin-conseil de l’employeur doit également disposer d’informations détaillées sur l’état de santé de l’expertisé afin de pouvoir effectuer correctement la mission qui lui a été confiée. L’employé qui est convoqué à une expertise auprès d’un médecin-conseil doit pouvoir compter sur le fait que ces informations ne seront pas sans autre transmises à l’employeur» [9].
La question de savoir si et dans quelle mesure le médecin-conseil peut faire rapport à l’employeur dépend de la levée du secret par l’employé. Sans autre autorisation de l’employé, le médecin-conseil ne peut faire à l’employeur que des observations sur l’existence, la durée et le degré d’une incapacité de travail et sur la question de savoir s’il s’agit d’une maladie ou d’un ­accident. Si le patient autorise le médecin à effectuer une évaluation de la capacité de travail pour l’employeur, le mé­decin est en droit, sur la base de cette ­autorisation, d’obtenir de l’employeur les informations nécessaires à l’évaluation de l’incapacité ou de la capacité de travail.
Une personne qui divulgue un secret avec le consentement de l’ayant droit n’est pas passible de poursuites en vertu de l’art 322, al. 2 CP. En outre, selon l’art. 328b CO, l’employeur ne peut demander au médecin-conseil que les informations portant sur les aptitudes de l’employé à remplir son travail ou celles qui sont nécessaires à l’exécution du contrat de travail. Un diagnostic ne peut être demandé.

Aspects de droit pénal en matière de délivrance de certificat médical

Si un médecin délivre un faux certificat intention­nellement ou par négligence, l’infraction pénale consistant à délivrer un faux certificat médical est constituée. L’article 34 du Code de déontologie de la FMH prévoit que la délivrance d’un certificat de complaisance est interdite.
«Un certificat est considéré comme une faveur si un médecin certifie qu’un patient est incapable de tra­vailler alors qu’il sait que cette incapacité de travail n’existe pas ou ne correspond pas à l’ampleur certifiée» [10]. En 2008, le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation d’un médecin pour un certificat médical délivré à tort.
Le Tribunal fédéral a précisé: «Le certificat est faux s’il reflète de manière inexacte l’état de santé de la personne, ce qui est également le cas si des circonstances essentielles sont dissimulées» [11].
La disposition de droit pénal qui s’applique est la suivante:
Art. 318 CP Faux certificat médical
– Les médecins, les dentistes, les vétérinaires et les sages-femmes qui auront intentionnellement dressé un certificat contraire à la vérité, alors que ce certificat était destiné à être produit à l’autorité ou à procurer un avantage illicite, ou qu’il était de nature à léser les intérêts légitimes et importants de tierces personnes, seront punis d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
La peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire si le délinquant avait sollicité, reçu ou s’était fait promettre une ­rémunération spéciale pour dresser ce certificat.
– La peine sera l’amende si l’auteur a agi par négligence.

L’essentiel en bref

• La possibilité de délivrer un certificat médical par téléconsultation n’est pas contestée, mais la question se pose de savoir quelle est la valeur probante d’un tel certificat.
• Une signature scannée ou la mention du médecin attestant que le document a été signé électroniquement ne suffisent pas pour en faire un titre juridiquement contraignant.
• Le médecin qui est mandaté pour évaluer la capacité de travail d’un employé est soumis au secret professionnel garanti par l’art. 321 ch. 1 CP. Le médecin ne peut pas transmettre à l’employeur des informations qui dépassent le cadre de l’art. 328b CO, même avec l’accord de l’employé. Ainsi, l’employeur a uniquement le droit de traiter des données sur l’employé dans la mesure où cela concerne la relation de travail ou est nécessaire pour l’exécution du contrat de travail.
Dre iur. Iris Herzog-Zwitter
Service juridique de la FMH
Nussbaumstrasse 29
Case postale 300
CH-3000 Berne 15
iris.herzog[at]fmh.ch
 1 Arrêt du Tribunal fédéral 6B_99/2008 du 18.3.2008 consid. 2.4.1.
 2 Office fédéral de la santé publique OFSP → Assurances → Assurance-maladie → Projets de révision en cours → Modification de la LAMal: 2e volet de mesures visant à maîtriser les coûts
 3 Rapport explicatif de la modification (Mesures visant à freiner la hausse des coûts, 2e volet). Office fédéral de la santé publique OFSP → Assurances → Assurance-maladie → Projets de révision en cours → Modification de la LAMal: 2e volet de mesures visant à maîtriser les coûts
 7 Selon l’art. 14, al. 2bis CO, la signature électronique qualifiée au sens de la loi sur la signature électronique (SCSE) est assimilée à la signature manuscrite.
 8 ATF 143 IV 209
 9 ATF 143 IV 209 consid. 1.2; Le médecin-conseil désigné par l’employeur est donc soumis au secret professionnel selon l’art. 321 CP.
11 Arrêt du Tribunal fédéral 6B_99/2008 du 18.03.2008 consid. 3.1.