En 2021, le 7 mars

A l'occasion de la Journée des Malades: vulnérable mais combatif

FMH
Édition
2021/09
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.19602
Bull Med Suisses. 2021;102(09):317-318

Affiliations
Dr méd., vice-président de la Journée des malades

Publié le 03.03.2021

Le pissenlit: souvent un symbole de force, malgré des circonstances défavorables.
Le thème de la Journée des malades de cette année s’inscrit dans la lignée de ceux des années précédentes. Ayant à cœur de mettre en lumière les souffrances des malades et le fardeau de leurs familles, le comité porte davantage le regard sur la reconnaissance de leurs points forts et de leurs atouts. Comment mettre en avant les ressources d’une personne et ce qui concourt à la guérison. La question de savoir comment nous pouvons faire preuve de résistance et rester en bonne santé s’avère particulièrement importante, surtout en cette période de pandémie et des restrictions qui y sont associées.
Pourquoi certaines personnes sont mieux à même d’affronter les tensions psychiques et physiques, le stress ou les expériences traumatisantes, et pourquoi d’autres plongent dans le désespoir, les maladies psychiques ou les pathologies chroniques? Le phénomène de la résilience ne cesse de surprendre. Ce terme désigne la capacité de «prospérer malgré des circonstances défavorables», comme le figure un pissenlit qui fleurit sur la chaussée, perçant son revêtement de part en part.
Fréquemment citée, une étude à long terme réalisée par Emmy Werner est considérée comme le début de la recherche scientifique sur la résilience. Sur une période de trois décennies, cette chercheuse américaine a étudié le développement d’environ 700 enfants hawaïens, nés en 1955. Environ un tiers d’entre eux ont grandi dans des conditions précaires. Ils ont souffert de faim, de négligence ou de maltraitance, et cela a contribué à façonner leur vie d’adulte. Comme leurs parents, ils ont présenté des problèmes d’alcoolisme, des troubles du comportement ou un désengagement scolaire. Mais pas tous, justement. Il est surprenant de constater que près d’un tiers de ces enfants ont réussi à devenir des adultes bien portants et responsables, faisant preuve d’assurance malgré leur vécu familial chargé. Emmy Werner a qualifié ces enfants de résilients, ce qu’évoque notre devise «vulnérable mais combatif».
Quelles en étaient les raisons? Voici les conclusions de l’étude d’Emmy Werner, qui ont en outre reçu confirmation par la suite. Dans leur vie, ces enfants résilients ont toujours été soutenus par au moins une personne – un parent, un enseignant, un frère ou une sœur – qui n’a cessé de les encourager, de leur faire prendre conscience de leur propre valeur. Si une personne de référence fiable et un réseau social solide constituent des facteurs essentiels à notre capacité de résistance, d’autres éléments renforcent la résilience, comme l’optimisme face à la vie ou la confiance qu’une crise peut trouver un dénouement favorable. Mais, ce n’est pas tout. Etre ouvert à la discussion, avoir la capacité d’établir et de maintenir des liens sociaux, et connaître ses propres besoins et limites y contribuent également.
Quelle en est alors l’implication pour nous, médecins? On pourrait déclarer avec fatalisme que c’est tout bonnement ainsi: certains font mieux face à leur maladie et d’autres moins bien. Cela signifierait qu’une patiente ou un patient, ou un membre de sa famille présentent une bonne capacité de résilience – ou pas. La résilience serait alors à considérer comme un trait de personnalité. Néanmoins, la recherche scientifique révèle autre chose: on peut apprendre, voire entraîner la résilience. Il est également possible de l’influencer de l’extérieur; et c’est notre rôle particulier, à nous, médecins. Exa­minons d’abord ce facteur de première importance: la personne de référence fiable. Nous, médecins, ne sommes-nous pas ce référent important pour une personne malade? Nous devons donc être des partenaires fiables pour elle et pour ses proches. Cette responsabilité n’incombe pas qu’aux généralistes, mais à tous les médecins. Il convient de ne pas nous dérober quand les choses deviennent difficiles. Le soutien et la fiabilité sont source de confiance. Pour le traitement médical, il est aussi primordial que nous encouragions nos patientes et nos patients afin qu’ils croient en leurs capacités de surmonter les épreuves de la maladie. Le médecin peut renforcer l’esprit d’initiative de ses patients, leur estime de soi et leur efficacité personnelle. Il augmente ainsi leur propension à agir pour eux et pour leur guérison. Par ailleurs, les études nous l’ont démontré depuis longtemps, l’espoir constitue un facteur primordial pour aller au-devant de la maladie. La conviction profonde du sens de la vie permet de surmonter les crises et de se projeter dans l’avenir.
Cette année, le thème de la Journée des malades nous donne l’occasion de nous octroyer une pause et de nous demander si nous faisons également preuve de résilience en tant que médecins. Qu’en est-il de notre optimisme, avons-nous toujours le courage de répondre aux impromptus de notre quotidien médical? Pouvons-nous reconnaître et accepter nos limites, et abordons-nous les problèmes ouvertement et sans préjugés? Afin de rester en bonne santé même dans des moments difficiles comme la période actuelle, il est essen­tiel de bien savoir gérer le stress, d’être attentifs à nos propres besoins et de s’accorder des temps de régénération. Mais nous devons aussi prendre soin de notre personnel. En manifestant de la résilience, le personnel infirmier ou les assistantes médicales communiquent à leur tour leur capacité de résistance aux patie­nts. C’est à nous, médecins, de veiller à ce que nos équipes disposent de ce dont elles ont besoin pour se sentir protégées et fortes. L’estime de soi, pouvoir aborder ouvertement les problèmes, avoir le courage de prendre des initiatives, éprouver la confiance et la fiabilité – et bien plus encore – contribuent à renforcer notre résilience et celle de tout notre entourage.
Les conséquences de la pandémie de COVID-19 sur le plan psychosocial sont tout autant considérables que les répercussions médicales et économiques. Ces contrecoups nous occuperont de plus en plus durant les années à venir. Nous devons commencer à réfléchir dès maintenant à la manière dont nous pouvons ensemble avoir raison de cette situation exceptionnelle. Les résultats de la recherche sur la résilience fournissent des indications précieuses sur ce qui est finalement important: soutien social solide, confiance en soi renforcée, évaluation positive et espoir quant à la situation stressante actuelle et recours à l’aide proposée. La Journée des malades peut nous inspirer – ainsi que les personnes que nous traitons – à envisager l’avenir avec espoir et courage, même s’il sera différent de ce qui nous semblait familier jusqu’à présent.

Journée des malades

La «Journée des malades» est une association d’utilité publique fondée en 1939. Différentes organisations en font partie, dont la FMH, qui assure la vice-présidence au sein du comité de l’association. La Journée des malades a toujours lieu début mars.
Références et informations complémentaires:
Dr méd. Hans Kurt
Spécialiste en psychiatrie et psychothérapie
Bielstrasse 109
CH-4500 Soleure
kurt[at]solnet.ch