Une ode à la trêve hivernale

Zu guter Letzt
Édition
2021/06
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2021.18674
Bull Med Suisses. 2021;102(06):228

Affiliations
Dr méd., ancien secrétaire général de l’ASSM, Bâle

Publié le 10.02.2021

Il y a peu de jours dans l’année que j’attends avec autant d’impatience que le 21 mars, qui marque la fin de l’hiver et l’avènement officiel du printemps. Les jours rallongent et les nuits se font plus courtes. Je fais partie de ces personnes à qui l’hiver ne convient pas. Dans mon enfance, le brouillard argovien qui enveloppait mes journées affectait déjà mon humeur et maintenant, ce sont le froid et l’obscurité qui font chuter mon moral.
Quand j’étais jeune, je ne comprenais pas pourquoi les personnes âgées étaient attirées par l’Espagne, la Floride ou la Thaïlande, alors qu’aujourd’hui cela me paraît évident. Dans les pays du Sud, la nuit aussi tombe rapidement, mais les températures y sont si clémentes que l’on s’attarde volontiers à l’extérieur à la nuit tombée. Sous nos latitudes en revanche, je souhaiterais plutôt me retirer dans une grotte et entrer en hibernation comme les marmottes à la fin de l’automne pour ne repointer le bout de mon nez qu’au printemps. Or, cela n’est pas possible et peut-être que ce n’est pas plus mal.
Il est dit de Los Angeles qu’il y règne dix mois d’été et deux mois de plein été; une vraie invitation à s’y installer. Le peintre anglais David Hockney s’est d’ailleurs laissé séduire et a emménagé dans le sud de la Californie dans les années 1960. Mais après quelques années, il rentrait de plus en plus souvent en Angleterre au ­motif que les saisons, qu’il a d’ailleurs magnifiquement peintes, lui manquaient.
En vivant dans un perpétuel été, on n’en remarque plus le caractère exceptionnel et il en va de même pour la santé. Celui ou celle qui n’est jamais malade ne connaît pas son bonheur, et ce n’est qu’après avoir traversé le plus profond de l’hiver que nous apprécions à leur juste valeur les longues et chaudes soirées d’été, l’exubérance de la nature et l’explosion des couleurs. Un miracle sans cesse renouvelé.

L’hiver en tant que «Memento mori»

L’hiver nous rapproche non seulement de l’enfance mais aussi de la mort. L’hiver est source de joie pour les enfants. La plupart d’entre nous se souviennent des ­batailles de boules de neige, des premières sorties à ski, des périodes de l’Avent et de Noël, de l’odeur des bougies, des cadeaux tant attendus et du faste de Carnaval.
Mais l’hiver nous rappelle aussi que nous sommes mortels. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les saisons sont souvent comparées aux âges de la vie. Le printemps et ses éclosions marquent l’enfance et la jeunesse, l’été la fleur de l’âge, et l’automne, à l’image des récoltes et des feuilles mortes, symbolise l’âge d’or de la vie. Viennent ensuite l’hiver et la mort. La saison froide nous remémore l’aspect éphémère des éléments de la nature dont nous faisons également partie.

La possibilité de faire une pause

«Vue de l’intérieur, la roue du hamster ressemble aux échelons professionnels»; je pense souvent à cette petite phrase lorsque je m’esquinte au travail, comme tant d’autres avec moi. A l’instar de la nature qui se repose en hiver, cette saison peut aussi nous apprendre à ralentir. Pourquoi ne pas en profiter pour jouir des ­aspects plaisants de l’existence, prendre le temps de se couler un bain, de boire un bon verre de vin ou une tasse de thé à la lumière des bougies?
En étant attentifs, nous saurons voir l’incomparable lumière du soleil en janvier. Et même si le caractère austère de l’hiver nous permet ensuite de mieux apprécier la beauté des autres saisons, l’hiver n’est pas dénué de charme. Il suffit de penser à la magie qui règne au petit matin lorsqu’il a neigé toute la nuit et que la lumière du soleil rend paysage et humains féériques.
Ces quelques pensées ne changeront rien au froid et à l’obscurité, sources de mélancolie. Mais l’autosuggestion m’aide à affronter l’hiver et à me réjouir dès maintenant du faste de l’été.
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