Traitement des données et informatique médicale

FMH
Édition
2020/50
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.19451
Bull Med Suisses. 2020;101(50):1673

Affiliations
Dre méd., membre du Comité central de la FMH, responsable du département Numérisation / eHealth

Publié le 08.12.2020

L’OFSP a commandité cet été un rapport d’expert concernant la mise en œuvre de la loi sur les épidémies. Au chapitre de la déclaration obligatoire, les auteurs du rapport estiment que le retard accumulé dans la déclaration électronique par rapport aux objectifs que l’OFSP s’est lui-même fixés est si important qu’il faut conclure à un réel retard dans l’exécution [1]. Ils recommandent à l’OFSP de clarifier le rôle de la science et des études scientifiques dans le contexte de la mise en œuvre de la loi, notamment en ce qui concerne la transmission des données à des tiers et les données de laboratoires.
Début novembre, on a pu lire dans la presse alémanique que la Confédération était à la traîne en matière de numérisation depuis 15 ans [2]. L’OFSP a certes prévu la possibilité d’annoncer les cas de Covid par voie numérique mais cela s’est avéré trop compliqué pour la pratique clinique quotidienne, et nombre de collègues l’ont abandonnée. Il y aurait également, à en croire les experts, des doutes quant à la qualité des données, qui est pourtant un prérequis essentiel pour la recherche.
Pour nous rendre compte du travail que représente le traitement des données, il suffit de regarder du côté de nos voisins allemands, et de leur initiative sur l’informatique médicale [3]. Le projet MIRACUM [4], mené dans le cadre de cette initiative, a passé en revue les données rétrospectives (2004–2016) de 3 millions de patients, avec plus de 70 millions de points de données empiriques tirés de procédés diagnostiques par imagerie médicale et d’analyses génétiques ou moléculaires. Ce type d’études permet par exemple de proposer des options thérapeutiques optimales aux tumor boards et d’améliorer ainsi l’efficacité des traitements. Les données sont rassemblées et évaluées dans les centres de compétence informatique des dix hôpitaux universitaires affiliés au projet, qui ont tous adhéré à une convention cadre sur la qualité des données et la gouvernance. Il faut bien entendu faire appel à l’intelligence artificielle et au traitement automatique du langage naturel si l’on veut pouvoir exploiter utilement ce type de corpus de données cliniques complexes, hétérogènes et le plus souvent non standardisées tirées de la pratique clinique.
L’initiative allemande met en évidence la nécessité d’un rapprochement entre la recherche et la pratique clinique. Les opportunités offertes par la numérisation en médecine doivent être exploitées pour renforcer la recherche médicale et améliorer la prise en charge des patients. Une initiative comparable est en cours en Suisse, mandatée par la Confédération et intitulée Swiss Personalized Health Network (SPHN) [5]. Elle vise le développement, l’implémentation et la validation d’infrastructures coordonnées avec lesquelles les données de santé peuvent être utilisées pour la recherche. Ce qui manque, c’est la «connexion» avec d’autres projets d’infrastructures, par exemple le dossier électronique du patient, les registres médicaux comme le registre des tumeurs, ou un système de déclaration pour les maladies transmissibles qui fonctionne. L’Allemagne a pour sa part défini ce connecteur en juillet 2020. Les médecins et les laboratoires peuvent déjà communiquer les cas de SARS-CoV-2 aux autorités de santé et à l’Institut Robert Koch en utilisant une interface standardisée (HL7 FHIR). Pour apprécier les avantages qu’offrent les normes d’interopérabilité, il suffit de se rendre chez nos voisins italiens. Leurs prises électriques paraissent identiques aux nôtres, avec leurs trois fiches rondes. Mais elles sont ordonnées de manière légèrement différente et leur compatibilité n’est donc hélas qu’apparente.