Eloge de la vieillesse

Briefe / Mitteilungen
Édition
2020/44
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.19332
Bull Med Suisses. 2020;101(44):1461

Publié le 27.10.2020

Eloge de la vieillesse

Cher Hans,
Je lis toujours avec plaisir tes articles qui sont le reflet de ta bonhomie.
Comme tu l’indiques, le temps s’accélère avec l’âge de façon exponentielle ou logarithmi­que. Un moyen pratique de l’illustrer est de se référer à une règle à calcul Aristo que nous avons utilisée dans notre adolescence (bien avant l’arrivée de la calculatrice électronique): on voit clairement que les espaces entre les dizaines de 10 à 100, qui pourraient représenter des années, diminuent de façon impressionnante avec l’âge. L’accélération est inévitable.
Tu signales que tout prend plus de temps avec l’âge. Est-ce un handicap? Quand j’avais 30 ans, avec les copains, on dévalait, presque sans s’arrêter, les 1000 mètres de dénivellation des pistes du Grand-Saint-Bernard, et on faisait 10 descentes par jour. A la fin de la journée, on se disait: c’est davantage que si on était descendu l’Everest! Maintenant, je dois m’arrêter plus souvent pour reprendre mon souffle et permettre à mes muscles de récupérer. Mais j’apprécie le paysage, je discute avec des inconnus. Autres temps, autres plaisirs.
La règle à calcul et la télécabine du Grand- Saint-Bernard ont disparu. C’était un autre temps qui me rappelle que je suis vieux, et alors?
L’âge nous autorise d’avoir des activités que notre vie professionnelle ne nous permettait pas d’accomplir. Je marche une heure tous les matins et par n’importe quel temps. Difficile à réaliser quand on a un cabinet.
Avec l’âge, on a le temps, cette valeur inestimable. Ce qu’on ne fait pas aujourd’hui, on le fera demain. On peut laisser libre cours à l’imprévu, nul besoin de tout programmer. En fonction de la météo et de son humeur, on fait une excursion, une croisière à voile sur le ­Léman, on va voir une exposition, on assiste à un concert: il n’y a que des dimanches! On peut suivre des cours passionnants. Pour ma part, j’ai découvert cet univers fascinant que nous révèle l’astrophysique. Un complément à la médecine. Quel privilège – pour autant qu’on ait la santé, bien sûr!
C’est un bonheur que d’être vieux: on prend de la distance, on ne s’énerve plus pour des ­futilités. Comme le dit un de mes amis, on n’a plus rien à prouver. Petit bémol: on apprend que l’âge est un facteur de risque en soi face au SARS-CoV 2. Embêtant!
Bien sûr, on s’approche du terme. Pour rester serein face à cette échéance, je te recommande la lecture du livre d’Adrien Gygax: «Se réjouir de la fin» (Edition Grasset, 2020).
Profitons de la vieillesse!