L’essence même de notre profession

FMH
Édition
2020/3334
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.19118
Bull Med Suisses. 2020;101(3334):965

Affiliations
Vice-président de la FMH, responsable du département Prestations et développement professionnel

Publié le 12.08.2020

La médecine doit être au service de chacune et de chacun. Les inégalités existent, sont présentes dans notre quotidien et nous devons constamment veiller à ce qu’elles ne s’immiscent pas dans nos pratiques.
La mort de George Floyd le 25 mai 2020 à Minneapolis et la vague de colère et d’émotion qui s’en est suivie auront montré une fois de plus l’importance de la lutte contre toute forme de discriminations raciales. Plus récemment, le décès de John Lewis à l’âge de 80 ans, icône américaine des droits civiques, ardent militant de la non-violence et élu à la Chambre des représentants, a souligné combien ce combat contre les préjugés est hautement nécessaire et s’inscrit dans le temps.
La lutte contre les inégalités de genre reste également d’actualité. Gisèle Halimi, grande avocate française de la cause des femmes et des égalités, affirmait: «Quand les femmes comprendront-elles que leur union leur donnerait une force fabuleuse? Seules, elles sont vulnérables. Ensemble, elles ont une force incroyable.» Les thématiques de l’égalité et celle du sexisme en milieu institutionnel sont de plus en plus abordées, sans tabou, grâce à l’impulsion d’une nouvelle génération de soignants qui ose parler, qui ose mettre à jour ce qui était tu. Cette libéralisation de la parole, couplée à la création de nouvelles formes de cours qui touchent à tous les aspects de notre société dans ses bienfaits mais aussi et ouvertement dans ses déviances.
Sous la plume de Sylvie Logean, un article du journal Le Temps du 28 juillet nous apprend que la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne envisage dès la rentrée un enseignement sur le racisme dans la pratique médicale. Ce cours permettra d’aborder directement la question du racisme dans les systèmes de santé sous toutes ses formes. Chacun connaît la Déclaration de Genève, qui engage le médecin à respecter un ensemble de règles qui, bien au-delà de sembler évidentes, sont le socle de ce que représente notre profession. Cet engagement à traiter chacune et chacun sans discriminations met en lumière l’universalité de notre quotidien. Patrick Bodenmann, chef du Département vulnérabilités et médecine sociale d’Unisanté Lausanne, le dit clairement en déclarant que «les soignants ne sont pas à l’abri des préjugés». Les micro-agressions seront abordées, celles qui mises bout à bout peuvent entraîner «l’érosion progressive du bien-être et de la résilience des personnes qui en sont victimes».
Etre là pour toutes et tous, soigner son prochain, en toute équité, voilà le défi colossal rencontré lors de la crise sanitaire du Covid-19: comment arriver à offrir à chaque citoyenne et chaque citoyen les mêmes chances d’accès à l’hôpital, aux soins intensifs et aux soins intermédiaires? Les inégalités dans les soins menacent. Le budget global annoncé et redouté en est l’exemple parfait. Avec lui, la promesse d’une médecine à deux vites­ses où certains auront un accès privilégié aux soins tandis que les autres devront attendre un rendez-vous, une prise en charge ou un traitement. C’est le rationnement des soins contre lequel nous nous élèverons et que nous dénoncerons car être présent pour chacune et chacun ne doit pas être un défi mais doit rester notre norme de base «sans considérations d’âge, de maladie ou d’infirmité, de croyance, d’origine ethnique, de genre, de nationalité, d’affiliation politique, de race, d’orientation sexuelle, de statut social ou tout autre facteur» qui puissent interférer entre le devoir du médecin et son patient. Nous devons garantir l’égalité des chances face au traitement en combattant les discriminations socioéconomiques. C’est là l’essence même de notre profession et c’est cela qui doit être enseigné, partagé, valorisé et protégé.