Réplique à «Combien de santé ou quelle médecine sacrifier à la santé?»

Briefe / Mitteilungen
Édition
2020/2728
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.19038
Bull Med Suisses. 2020;101(2728):849

Publié le 30.06.2020

Réplique à «Combien de santé ou quelle médecine sacrifier à la santé?»

Dans son récent éditorial du BMS, Jürg Schlup me semble vouloir croire que beaucoup de monde, et surtout ceux qui ne consultent pas, va mal pendant le confinement du Covid-19.
D’autre part, dans le même numéro, Eberhard Wolf souligne que «le coronavirus a entraîné une poussée inouïe de médicalisation», alors que «se protéger de l’infection était soudain devenu le seul argument légitime, rendant impossible toute objectivité». Il nous rappelle qu’«il est nécessaire de débattre sans ambages de la valeur de la santé au sein de notre existence»… ou de redéfinir ce que nous comprenons par santé.
La définition de la santé questionne de manière plus insistante du fait que la période Covid a totalement changé les consultations. Alors que l’attention au SARS-Cov-2 prend la place prépondérante, tout le reste n’est que peau de chagrin. Non seulement l’enveloppe molle de la médecine générale (trop accaparée par les prétendues urgences) qui protège le noyau dur de la médecine technique, mais les douleurs thoraciques, les infarctus, les AVC disparaissent! Les accidents et les troubles anxieux se dissolvent (grâce aux directives) pour peut-être faire place à la dépression (secondaire aux privations de libertés).
Ne serait-ce qu’un glissement de l’attention vers l’incertitude naturelle de la vie qui changerait toute la donne et amènerait une plus grande sérénité que quand le système de soins laisse planer l’illusion du contrôle et de l’explication de toutes les maladies, source de ­désillusion dramatique surtout quand toute attention pour notre éternité est sacrifiée au souci pour notre avenir. Les gens ont pu se sentir reconnectés avec le désir de sauvegarder la terre qui nous (sup)porte et le ciel qui nous éclaire maintenant mieux.
N’oublions pas non plus que le fait de ne plus être soumis à toutes sortes d’échéances souvent dérisoires diminue notablement le stress et surtout le besoin de justification d’une possible incompétence, justification que la maladie apporte de manière honorable. Dans de tels cas qui sont fréquents, il faut se garder de «guérir», sous peine de voir surgir une blessure d’amour propre bien plus délétère que la maladie «choisie» par la personne en détresse.
N’est-il pas important d’étudier la «disparition» de ces troubles, plutôt que chercher à saisir un virus qui échappe aux traitements et de prétendre que les gens ont eu peur de consulter alors que beaucoup se sont tout simplement sentis mieux! Ne serait-ce pas le fruit d’une autre attention au prochain tout à coup plus distant? Et que penser de l’atténuation du nombrilisme consumériste en d’autre temps renforcé par cette médecine surtout attentive aux facteurs de risques inquiétants plutôt qu’aux facteurs salutaires valorisant chaque personne. En fait, jusqu’au Covid, c’est comme si la médecine devait lubrifier les rouages du système en mettant de l’huile sur le feu… des maladies silencieuses! Tout cela devient évidemment inutile quand ledit système est à l’arrêt ou ralenti.
En revenant aux critères EAE, ne devrait-on pas trouver ici de quoi les satisfaire puisque moins de soins équivaut souvent à une meilleure santé? Jürg Schlup nous dit que les mesures prises doivent être pondérées à l’aune de leur efficacité et de leurs effets secondaires. Mais que penser lorsque ces derniers sont ­favorables?
Plutôt que sacrifier de la santé, ne faudrait-il pas renoncer à une certaine médecine pour plus de santé?