Vous en prendrez bien un petit peu plus? non merci!

FMH
Édition
2020/1920
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.18921
Bull Med Suisses. 2020;101(1920):606

Affiliations
Dr méd., membre du Comité central, responsable du département Médecine et tarifs hospitaliers

Publié le 06.05.2020

Après une pause d’un an, le TARPSY a été remanié et la version 3.0 est prête à être remise au Conseil fédéral pour approbation (cf. la page 607 de ce numéro). De l’avis de la FMH, cette version présente cependant un défaut: le nouvel instrument introduit pour mesurer les limitations fonctionnelles dans plusieurs groupes de coûts psychiatriques (PCG). Issu de la réadaptation et pratiquement inconnu en psychiatrie, cet instrument de mesure remplace une échelle spécifique, en usage en psychiatrie, répondant aux exigences du TARPSY. Dans les faits toutefois, ce nouvel outil imposé à la psychiatrie coûte cher en termes de formation et de travail administratif. Autant de temps perdu pour les entretiens avec les patients, et une insatisfaction accrue des médecins-assistants face au surcroît de tâches administratives. Ici, c’est le principe de performance qui prévaut. Pour être indemnisée, chaque prestation doit être précisément répertoriée. C’est ce que veulent les milieux politiques et les répondants des coûts. Sur le fond, ce principe répond aux normes actuelles de notre société mais en médecine, il est important d’en nuancer l’application afin de contenir la bureaucratie. La version 3.0 du TARPSY génère des tâches supplémentaires et des coûts importants sans bénéfice pour le patient. Pour la FMH, difficile de justifier l’introduction de ce test de réadaptation au seul prétexte qu’il est un petit peu plus précis que les évaluations ­spécifiques à la psychiatrie. Non merci, sans façon, pas besoin d’en rajouter «un petit peu plus».
Ce printemps 2020, hormis la prise en charge des patients atteints du COVID-19, le système de santé a fourni nolens volens beaucoup moins de prestations ambulatoires ou hospitalières que d’habitude. Par conséquent, seule une part infime du volume usuel de prestations sera facturée pendant cette période, ce qui soulève plusieurs questions passionnantes: en vertu de la LAMal, les coûts augmenteront pour les cantons, car les hôpitaux contraints de réduire leurs activités pour se préparer au COVID-19 ont fourni moins de prestations susceptibles d’être facturées. Dans la logi­que de la LAMal, ces préparatifs et les investissements consentis sont des prestations d’intérêt général, qui relè­vent de la compétence des cantons puisqu’ils sont responsables de la sécurité de l’approvisionnement en soins de leur population. La LAMal sera-t-elle appliquée partout de cette manière? Et quid du fait que ces mesures ont été imposées par la Confédération?
L’évolution des coûts de la santé sur une année est ­déterminante pour les primes des caisses-maladie de l’année à venir. Or, les caisses ayant beaucoup moins de prestations à rembourser hors COVID-19 pour le printemps 2020 pourraient faire des économies sur ­l’ensemble de l’année. Peut-on y voir un espoir pour la prochaine adaptation des primes?
D’après le principe de performance, les prestations fournies doivent être répertoriées précisément pour être indemnisées. Alors que les prestations facturées ces cinq dernières semaines représenteront une fraction du volume habituel et qu’on ne cesse d’exiger des mesures visant à réduire les coûts dès que l’occasion se présente chez les fournisseurs de prestations, à quoi pourra-t-on s’attendre du côté des caisses?
Il est fascinant d’observer comment ce petit virus épineux parvient à faire ce dont on ne peut généralement que rêver en politique de la santé: faire fléchir les dépenses des caisses au printemps 2020. En verrons-nous la couleur cette année, lorsqu’on nous proposera d’en rajouter «un petit peu plus» sur les primes?