Face au burnout, maintenir le sens de l’activité professionnelle

Horizonte
Édition
2020/2122
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.18786
Bull Med Suisses. 2020;101(2122):721

Affiliations
Dr méd., membre de la rédaction

Publié le 20.05.2020

Laurent Seravalli, Pamela Indino-Bambi, Caroline Zosso
Petit guide de (sur)vie à l’usage des soignants
Genève/Chêne-Bourg: RMS Editions/Médecine et Hygiène, 2020. 134 pages.
«Trois soignants-auteurs mettent en commun les fruits de leurs expériences afin de vous aider à garder le cap au sein du relief accidenté du système de santé», peut-on lire sur la quatrième de couverture de l’ouvrage. Laurent Seravalli est spécialiste de médecine ­interne et mène une activité de soutien et coaching de soignants. Pamela Indino est psychiatre, Caroline Zosso interniste générale.
Tous trois ont développé au cours de leur carrière un intérêt pour le bien-être et la santé mentale, notamment des professionnels. Nombre d’entre ceux-ci ne vivent plus au quotidien les raisons pour lesquelles ils et elles ont choisi leur métier, un phénomène dont il importe de se préoccuper.
Mais comment s’y prendre? Un moyen est de demander à la personne touchée d’établir sa feuille de route («une proposition d’étapes à réaliser pour aligner votre voyage de vie avec vos valeurs-clés»). Le propos est illustré par cinq vignettes cliniques présentant des soignants aux prises avec des difficultés voyant, au fil des étapes de leur parcours, leur situation s’améliorer.
La première moitié du livre est utilement consacrée à décrire les moyens d’évaluer sa propre situation et d’avancer en se demandant «comment mieux comprendre les interactions entre mes valeurs et celles des autres et de mon environnement?», «comment faire concorder mes besoins avec un plan de vie professionnelle et privée?». Ceci en s’efforçant d’aligner les besoins des patients, les valeurs des soignants et celles de l’organisation. Mais pas question de mettre de côté ses valeurs, selon les auteurs: «Challengez vos croyances», lit-on. «En cas de conflit insoluble avec vos valeurs-clés, privilégiez ces dernières.»
Il y a également quelques règles à suivre. Il faut tout d’abord mettre les choses en perspective, prendre du recul, élargir l’angle de vision. Les auteurs recommandent ensuite de suivre son intuition: «Ecoutez votre ventre, pas seulement votre cerveau! Cela implique, une fois identifiées vos valeurs-clés et celles du contexte (…), qu’il ne faut pas se lancer dans un itinéraire de vie que vous ne ‘sentez’ pas.»
La troisième règle est de ne faire aucun compromis par rapport à ses valeurs-clés, un conflit de valeurs comptant parmi les situations les plus énergivores et les plus destructrices. La suivante est d’être réaliste, de s’assurer que ses propres ressources sont à la hauteur des buts recherchés. La dernière, interpellante, est de se ­réserver le droit de «slasher», soit de se garder la possibilité de panacher ses choix de vie.
Des obstacles doivent être gérés pour favoriser l’épanouissement recherché. Il s’agit par exemple d’être conscient de ses automatismes et de ses attitudes en rapport avec la réciprocité, le besoin de cohérence, la sympathie et l’autorité. Il est notamment très important de savoir reconnaître et d’éviter, ou contrecarrer, la manipulation par des personnes malveillantes, en cas de double contrainte par exemple.
Le chapitre conclusif apporte des conseils pour traiter les situations de mal-être ou d’épuisement. On y parle de burnout bien sûr, mais aussi de «boreout», syndrome particulier lié à l’ennui, et de «brownout», qu’on peut décrire comme une baisse de motivation dans l’activité professionnelle. En rapport avec la psychologie ­positive et la salutogenèse, trois éléments protègent la santé et contribuent à la guérison: la compréhension de soi et de son environnement, la maîtrise de son itinéraire et la reconnaissance, partant le maintien, du sens de ses actions.
L’ouvrage informe aussi sur les dispositifs auprès desquels il est possible de chercher de l’aide en Suisse (ReMed, www.swiss-remed.ch) et en France, des outils souvent méconnus. Il est conseillé de ne pas trop attendre pour demander de l’aide auprès d’une telle ressource – que ce soit par fierté, par peur du jugement des autres, en minimisant le problème ou en cherchant à le soigner avec des substances psychotropes.
Nous avons ici un ouvrage ramassé qui, grâce à des éléments substantiels de psychologie sociale et des illustrations pratiques, contribue à combler une lacune dans un domaine où les références sont encore rares.
jean.martin[at]saez.ch