Paradoxes et incohérences

Zu guter Letzt
Édition
2020/10
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.18595
Bull Med Suisses. 2020;101(10):354

Affiliations
Prof. Dr. med., Redaktionsmitglied

Publié le 03.03.2020

Vous l’avez certainement lu: Google et al. investissent aux Etats-Unis des millions dans le domaine du transhumanisme. Entre autres, ils espèrent prolonger la vie à 200, voire 1000 ans et rêvent même d’obtenir l’immortalité. N’est-il pas paradoxal qu’en même temps l’espérance de vie aux Etats-Unis diminue d’année en année? Elle est moindre qu’à Cuba. Dans ce ­domaine, il y a chez nous un autre paradoxe, quasi inversé: en Suisse, la durée de vie se prolonge encore, mais les demandes d’assistance au suicide augmentent chaque année et Exit voit s’accroître sa fortune.
En méditant, j’ai trouvé facilement une douzaine de paradoxes et d’incohérences en médecine et dans notre système de santé et je suis sûr que vous en trouverez encore d’autres. En voici quelques exemples:
– L’informatique aurait dû faciliter le travail des internes. Le fait est qu’ils passent plus de la moitié de leur temps derrière l’ordinateur et de moins en moins avec leurs patients.
– Apparemment pour diminuer des coûts, la majorité de nos parlementaires aimerait augmenter les franchises: or, en Suisse la participation aux frais est déjà plus élevée que partout ailleurs et il existe aujourd’hui beaucoup d’évidences en faveur du fait qu’elle augmente les coûts de la santé.
– Les cantons soutiennent un bon tiers de la population pour payer les cotisations de l’assurance obligatoire, ce qui entraîne des frais administratifs considérables. Or, la Suisse reste le seul pays qui n’a pas adopté la solution facile de résoudre ce problème: ajuster les primes au revenu.
– Les DRG auraient dû diminuer les coûts des hospitalisations. Le résultat est qu’ils ont énormément augmenté les frais d’administration.
– Depuis une vingtaine d’années, les cotisations augmentent en moyenne de 3% par an, ce qu’on attribue souvent à l’augmentation de la durée de vie. Or, l’espérance de vie n’augmente pas chaque année de 3%, sinon elle atteindrait actuellement 125 ans.
– Nous devenons donc tous plus âgés, mais les valeurs normales en médecine (cholestérol, tension artérielle, densité osseuse, etc.) correspondent toujours à celles des personnes de vingt ans et il devient de plus en plus rare de trouver une personne âgée «normale».
– Dans une interview (NZZ, 18.2.2019), le recteur de l’UNI Zurich et le vice-recteur de l’ETH prônent avec enthousiasme le nouveau bachelor en techniques médicales de l’ETH, mais leur discussion finit en éloge du médecin généraliste empathique.
– Les prix des médicaments en Suisse sont parmi les plus hauts du monde. Il suffit de passer la frontière pour les obtenir meilleur marché, mais les caisses ne les remboursent pas.
– A propos des médicaments: de nouvelles substances sont introduites, adaptées à un seul patient individuellement et coûtant plusieurs centaines de milliers de francs. En même temps il y a une pénurie de vaccins et d’antibiotiques bon marché prévus pour tout le monde.
– Notre système de santé est souvent considéré comme un des meilleurs sinon le meilleur. Or, un cinquième de la population suisse renonce aux soins médicaux pour des raisons financières.
– Les effets néfastes dus à la fumée sont bien connus, mais la Suisse est incapable de ratifier les recommandations de l’OMS.
– A l’époque, nous avons travaillé comme internes plus de 60 heures hebdomadaires, sans compter les gardes, mais personne ne parlait de burnout – le vocable n’existait même pas.
– Des travaux scientifiques peinent à montrer que la médecine alternative a des effets supérieurs à ceux des placebos. Or, ce sont surtout les personnes de formation universitaire qui s’en servent.
Voici quelques exemples de paradoxes. Il est évident que pour chacun vous trouverez une ou plusieurs explications.
Par ailleurs: beaucoup d’incohérences existent aussi dans d’autres domaines. Par exemple: n’est-il pas paradoxal que nos villes et notre pays en entier veulent être les meilleurs élèves en énergies durables et mènent en même temps des campagnes pour attirer des touristes asiatiques? Pense-t-on qu’ils viennent chez nous à vélo ou à pied? Ou que les remontées mécaniques, les hélicoptères touristiques ou les pompes à neige artificielle ne consomment pas d’énergie?
hans.stalder[at]saez.ch