La place de la médecine palliative et autres sujets

Défis éthiques en néonatologie

Horizonte
Édition
2020/03
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.18549
Bull Med Suisses. 2020;101(03):76

Affiliations
Dr méd., membre de la rédaction

Publié le 15.01.2020

Retour à Bigorio… Il y a trois ans, j’avais fait part des ­enseignements d’une participation au Séminaire ­d’automne, dans un ancien monastère près de Lugano, de la Société suisse d’éthique biomédicale [1]. J’y suis ­retourné en novembre dernier, toujours avec le même ­intérêt.
Une journée a été consacrée aux enjeux éthiques au tout début de la vie. Oswald Hasselmann, neuropédia­tre de Saint-Gall, a discuté «comment faire au mieux dans les ­situations les pires», celles de très jeunes enfants (infants) avec de graves malformations. Avec la si difficile question: «La vie imaginable de cet enfant, à supposer qu’il survive, vaut-elle la peine d’être vécue?» Il s’agit de considérer au premier chef l’intérêt – le bien – de l’enfant, comme tant de textes légaux, de déclarations internationales et de recommandations éthiques le soulignent. Mais on sait aussi que cet intérêt est «à risque» (peut-on dire) d’interprétations divergentes. Sans compter les incertitudes – de quoi l’avenir sera-t-il fait –, cet intérêt est apprécié différemment, en fonction de leurs valeurs et convictions, par les parents, les soignants, voire l’autorité judiciaire. A tel point que, même s’il n’est pas question de contester la primauté de principe de ce critère, certains jugent qu’il n’est guère opérationnel – parce qu’on peut lui faire dire un peu ce qu’on veut…
Pour Oswald Hasselmann, il faut éviter de donner la qualité des données avérées à des impressions ou jugements («Don’t disguise opinions as data»). Il a insisté sur l’importance d’honorer les valeurs des parents et évoqué la notion de futility (pour parler de démarches inutiles); à son avis, ce concept est discutable parce que très difficile à définir et à communiquer aux parents, cas échéant aux patients.
La pédiatre Gudrun Jäger (Saint-Gall) a présenté la problématique de nouveau-nés avec des life-limiting dis­eases. Frappant de voir comment la pratique palliative s’applique aussi au tout début de la vie: dans certains cas, la prise en charge terminale, voire la naissance elle-même (d’enfants condamnés), peut se faire à domicile. Toutefois, la plupart des décès de nouveau-nés très malades ont lieu à l’hôpital.
Dans la foulée, Riccardo Pfister a parlé d’accompagnement de la mortalité néonatale à Genève et relevé les questions (y compris de responsabilité) qui se posent si un médecin hospitalier intervient au domicile du malade. Il existe trois types de parents: les leaders, les décideurs et ceux qui se rallient aux avis des soignants (consenting). Pour l’anthropologue zurichoise Manya Hendriks, la décision la plus difficile pour les parents est d’admettre que la prise en charge ne soit plus à visée curative mais palliative. Les échanges y relatifs ont un impact majeur, car ils resteront avec eux toute leur vie.
Jürg Streuli (Zurich/Saint-Gall) a, lui, traité de cas d’enfants et d’adolescents souffrant de maladies malignes gravissimes. Sur la base d’enquêtes approfondies, il a développé une Shared Optimum Approach dans la prise de décision, combinant shared decision-making et best interest standard.
D’autres thèmes ont été abordés tels que la gestion des comportements addictifs chez les personnes âgées, en particulier celles vivant en établissement médico-­social. Occasion d’un débat substantiel où on a rappelé que l’important alors est d’ajouter de la vie aux années plutôt que des années à la vie, et qu’on manque de données sur les conséquences à l’âge avancé de consommations en principe indésirables – mais jusqu’à quel point veut-on rigidement prescrire des «conduites saines» à ces âges? La bioéthicienne genevoise Samia Hurst a discuté des multiples modalités de filiation, actuelles ou prévisibles, au vu des développements en procréation médicalement assistée. Avec des «constellations» parentales parfois inouïes… Un sujet dont, à n’en pas douter, on parlera encore dans le futur.
jean.martin[at]emh.ch