Etude représentative auprès du corps médical sur mandat de la FMH

Les tâches administratives du corps médical continuent d'augmenter

FMH
Édition
2020/0102
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2020.18482
Bull Med Suisses. 2020;101(0102):4-6

Affiliations
a Dr phil., collaborateur scientifique, division Médecine et tarifs hospitaliers, FMH; b Cheffe de la division Médecine et tarifs hospitaliers, FMH; c Cheffe de ­projet junior gfs.bern; d Directrice des activités opérationnelles gfs.bern; e Co-directeur gfs.bern

Publié le 08.01.2020

Pour les médecins hospitaliers, le travail administratif en lien avec la documentation a progressivement augmenté au fil des ans. Cela pourrait être l’une des raisons pour lesquelles le niveau encore élevé de satisfaction au travail a eu tendance à ­diminuer. Si le corps médical est en principe ouvert aux nouveautés, comme ­l’introduction de nombres minimaux de cas, le regard que portent les médecins sur leur propre hôpital se teint de scepticisme.
Lors d’entretiens personnels, les médecins se montrent souvent inquiets face à l’augmentation des tâches ­administratives qui prennent toujours plus de place par rapport à leur véritable travail médical. Dans les ­médias, en revanche, ce sont plutôt la nature et le niveau de rémunération des médecins spécialistes qui retiennent l’attention. Chaque année depuis 2011, gfs.bern réalise une enquête représentative auprès du corps médical, sur mandat de la FMH, pour aider à clarifier ces questions et d’autres sujets1. Au total, 1572 médecins ont participé à l’enquête la plus ré+ente qui s’est déroulée de juin à juillet 2019.
Figure 1: Comparaison de tendance pour le temps consacré à la «documentation/dossier du patient» (valeur moyenne en %)

Tendance à la hausse des tâches ­administratives depuis des années

En 2019, les médecins en soins somatiques aigus consacrent toujours la part la plus importante de leur temps de travail aux activités médicales proches des patients (34%) suivies, en deuxième position, par les tâches en lien avec la documentation des dossiers des patients (20% de leur temps de travail). En soins somatiques aigus et en réadaptation, le temps dédié à la ­documentation (cf. fig. 1) a enregistré une augmentation particulièrement nette par rapport à la première enquête réalisée en 2011. A cette époque, il était de 86 minutes par jour chez les médecins en soins somatiques aigus, contre 119 minutes aujourd’hui, soit plus d’une demi-heure de plus. En réadaptation, la situation est similaire: si, en 2012, il ne fallait que 82 minutes, ­aujourd’hui, ce sont 118 minutes par jour qui sont ­nécessaires à la documentation des données du patient. Dans le domaine psychiatrique, ce chiffre est passé de 64 minutes par jour en 2011 à 76 minutes aujourd’hui. Si l’on considère la position hiérarchique des médecins interrogés, c’est chez les médecins-assistants en soins somatiques aigus que le temps consacré est de loin le plus élevé, avec 167 minutes par jour; ces derniers passent un peu plus de 27% de leur temps de ­travail à remplir les dossiers des patients et donc presque autant de temps que pour les activités proches du patient.

Légère baisse du niveau élevé 
de ­satisfaction au travail

L’augmentation constante des tâches administratives est probablement l’une des raisons pour lesquelles la satisfaction des médecins au travail n’a cessé de diminuer au cours des neuf dernières années. Cependant, 80% environ des médecins en soins somatiques aigus et en psychiatrie, et près de 70% en réadaptation, sont encore très ou plutôt satisfaits de leur travail. De manière stable, plus de 90% des médecins trouvent leur travail intéressant et varié, et la plupart des médecins interrogés sont aussi très ou plutôt satisfaits de leur salaire. Une nette majorité du corps médical est cependant soumise à une pression forte et constante en termes de performance et de temps. En soins somatiques aigus, près de 80% des médecins indiquent que c’est tout à fait ou plutôt le cas. La proportion de médecins qui déclarent souffrir très souvent ou souvent de stress est également en nette augmentation; en soins somatiques aigus, ce pourcentage est passé de 40% en 2012 à un peu moins de 60% aujourd’hui.

Les médecins sont ouverts aux ­nouveautés et aux réformes

La majorité des médecins interrogés est ouverte à des changements comme les nombres minimaux de cas que les cantons inscrivent de plus en plus dans leurs mandats de prestations hospitalières ou qui s’invitent dans les listes «l’ambulatoire avant le stationnaire».
Ainsi, 55% des médecins travaillant en soins somatiques aigus estiment que les nombres minimaux de cas par hôpital est absolument ou plutôt justifié (cf. fig. 2) tandis qu’ils approuvent de manière encore plus marquée (62%) le nombre minimal de cas par chirurgien. Il faut cependant noter qu’un peu moins d’un cinquième des médecins interrogés ne se sont pas encore fait leur opinion.
Par ailleurs, la liste de l’Office fédéral de la santé publique «l’ambulatoire avant le stationnaire» est en application depuis le début 2019. Elle définit six groupes d’interventions médicales électives qui doivent en principe être effectuées en ambulatoire. En 2019, la majo­rité des médecins en soins somatiques aigus (53%) est plutôt à entièrement d’accord avec l’introduction des listes «l’ambulatoire avant le stationnaire», ce qui ­correspond à une hausse de 6 points par rapport à ­l’année précédente. Un certain scepticisme subsiste partiellement lorsque l’extension de ces listes concerne sa propre discipline, même s’il a tendance à diminuer par rapport à l’année précédente.
Figure 2: Avis personnel sur les nombres de cas minimaux par hôpital et par chirurgien (soins somatiques aigus; en %)

Un regard toujours plus critique sur leur propre hôpital

Si le corps médical est ouvert aux changements, la ­manière dont l’administration de l’hôpital les gère suscite de plus en plus de critiques. Seule une petite moitié des médecins interrogés estime encore que la façon dont les hôpitaux gèrent les changements est très bonne ou plutôt bonne. Cette dynamique se reflète également dans la diminution du nombre de médecins qui pensent que leur hôpital dispose d’une stratégie pour se positionner face à la concurrence. Dans le cas des soins somatiques aigus, la part de ceux qui partagent cet avis est passée d’un pic de 63% en 2015 à 48% en 2019. La proportion de médecins en soins somatiques aigus indiquant une collaboration constructive avec l’administration hospitalière était encore en ­augmentation entre 2011 et 2015 et, depuis, la tendance est à la baisse et la part du «vrai à plutôt vrai» n’est plus que d’environ 40% en 2019. L’organisation générale du travail dans les hôpitaux fait également l’objet d’une évaluation toujours plus négative. En 2019, 39% des ­médecins en soins somatiques aigus considèrent ­l’affirmation selon laquelle l’organisation générale du travail dans leur hôpital est mauvaise comme vraie ou plutôt vraie; en 2011, ils n’étaient que 35%. ­Finalement, au cours des cinq dernières années, le nombre de médecins fiers de leur hôpital a constamment diminué; aujourd’hui, ce chiffre s’élève cependant encore à 74%.
Figure 3: Comparaison de tendance pour les composantes salariales liées à la performance (en %)

Les versements de bonus perdent en ­importance

Les bonus liés aux objectifs peuvent créer de faux in­citatifs, surtout s’il s’agit d’objectifs quantitatifs. C’est pourquoi la FMH recommande depuis longtemps de renoncer à des accords fixant des bonus liés à des objectifs dans les contrats de médecins hospitaliers2.Par rapport à 2015, la proportion de médecins qui perçoivent des bonus est passée de 12 à 8% en soins somatiques aigus et de 14 à 7% en réadaptation, alors qu’elle est restée la même en psychiatrie, avec 10% (cf. fig. 3). De plus, la part des bonus, lorsqu’il y en a dans le salaire total des médecins en soins somatiques aigus, a encore diminué et se situe actuellement à un peu plus de 15% en moyenne. En fonction du niveau hiérarchique, les parts de médecins en soins somatiques aigus qui perçoivent des bonus liés aux objectifs se répartissent comme suit: 7% des chefs de clinique, 17% des médecins adjoints et 16% des médecins-chefs.

Aménager plus de temps pour les patients

Avoir suffisamment de temps pour les patients est non seulement déterminant pour le bien-être des patients, mais aussi pour la satisfaction des médecins. Afin d’éviter que cette dernière ne diminue davantage, il est particulièrement important de diminuer les tâches adminis­tratives et d’améliorer l’organisation du travail dans les hôpitaux, notamment aussi en vue de rester attractif pour les meilleurs talents et la relève3. Afin de positionner les hôpitaux dans un environnement concurrentiel, il est essentiel que les médecins puissent se concentrer en premier lieu sur leurs patients. Après tout, rien ne peut arriver de mieux à l’administration d’un hôpital que d’avoir des médecins fiers de leurs hôpitaux et qu’ils le fassent savoir à leur entourage.
FMH
Division Médecine et tarifs
hospitaliers
Baslerstrasse 47
CH-4600 Olten
Tél. 031 359 11 11
Fax 031 359 11 12
tarife.spital[at]fmh.ch