4e volet d’une série d’articles concernant la loi révisée sur les produits thérapeutiques

Dons destinés à la recherche, à la formation et à des manifestations

FMH
Édition
2019/5152
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2019.18504
Bull Med Suisses. 2019;100(5152):1741-1744

Affiliations
a responsable Affaires publiques de la FMH; b cheffe de la division Communication

Publié le 18.12.2019

Les nouvelles prescriptions sur la manière de gérer les produits thérapeutiques qui entrent en vigueur le 1er janvier 2020 comportent des règles plus strictes et ont un impact direct sur le travail quotidien des médecins. Elles sont définies dans l’ordon­nance sur l’intégrité et la transparence dans le domaine des produits thérapeutiques (OITPTh), qui vise à renforcer l’intégrité et à augmenter la transparence dans la manière de gérer les produits thérapeutiques. Elle règle donc en détail les rabais et compensations de la part des fournisseurs de médicaments. De plus, elle comprend des dispositions relatives aux dons destinés à la recherche et à la formation postgrade et continue. Elle prévoit également des règles strictes pour ce qui concerne l’acceptation de cadeaux et invitations à des repas.
Pour les médecins, cela signifie se familiariser avec les dispositions de la nouvelle ordonnance afin de pouvoir les respecter et les appliquer correctement mais aussi documenter leurs actes de manière systématique et complète. En tant qu’association professionnelle, la FMH considère qu’il est de son devoir de rendre ses membres attentifs à cette réglementation plus stricte et de les informer plus largement des nouvelles dispositions légales. Nous comptons le faire dans le cadre d’une série en quatre volets.
Dans le présent article, nous nous intéressons de plus près aux questions se posant aux médecins dans le contexte des dons destinés à la recherche ainsi qu’à la formation postgrade et continue. L’ordonnance soulève aussi des questions quant à la participation des médecins à des manifestations de formation postgrade et continue. Nous traiterons toutes ces questions à l’aide d’exemples pratiques tels qu’ils peuvent survenir dans le quotidien des médecins.

Dons destinés à la recherche

Question: Une entreprise pharmaceutique verse à un hôpital universitaire un don destiné à la recherche. L’hôpital a-t-il le droit d’accepter ce don?
Réponse: Pour qu’un don versé à un hôpital en faveur de la recherche soit admis, plusieurs conditions doi­vent être remplies.
Premièrement, le don ne doit pas être proposé, promis ou octroyé à un professionnel particulier, mais doit être versé à l’organisation qui l’emploie.
Ensuite, le don doit se fonder sur une convention écrite indiquant l’utilisation prévue. Le don versé doit être ­intégralement utilisé conformément au but prévu.
Le don versé pour la recherche ne doit pas non plus être lié à des conditions ou à des charges concernant ou ayant une influence sur la prescription, la remise, l’utilisation ou l’achat de médicaments déterminés soumis à ordonnance.
Enfin, le don doit être versé sur un compte prévu à cet effet par l’organisation, auquel les professionnels n’ont pas un accès individuel, et figurer dans la comptabilité de l’organisation.

Soutien à la formation postgrade et ­continue

Question: Les entreprises pharmaceutiques pourront-­elles encore soutenir la formation postgrade ou continue de professionnels au 1er janvier 2020?
Réponse: Conformément à l’article 5 OITPTh, les entreprises pharmaceutiques peuvent soutenir les organisations par des dons destinés à tout type et à toute forme de formation postgrade et continue. Les conditions sont les mêmes que pour les dons destinés à soutenir la recherche. Par ailleurs, l’organisation doit décider en toute indépendance du type de formation postgrade ou continue ainsi que des professionnels qui y participent. La question de savoir si un don dans ce sens peut aussi être versé à des cabinets de groupe de petite taille, employant un nombre réduit de professionnels (p. ex. un, deux ou trois médecins), n’est pas encore ­réglée; dans ces petites structures, le choix de la ­personne participant à la manifestation est, en effet, ­prédéterminé.

Soutien à des manifestations de ­formation postgrade et continue

Question: Les entreprises pharmaceutiques pourront-­elles encore soutenir les manifestations de formation postgrade ou continue destinées à des professionnels au 1er janvier 2020?
Réponse: Conformément à l’article 6 OITPTh, il restera possible de soutenir directement des professionnels comme les médecins pour la participation à des manifesta­tions de formation postgrade ou continue pour autant que cela soit convenu par écrit et que les professionnels assument une part des coûts (propre contribution). Les mêmes conditions s’appliquent aux dons versés à des organisations dans le but de permettre à un professionnel de participer à une manifestation.
Le terme de «formation postgrade» employé à l’article 6 OITPTh désigne la formation postgrade des ­professions médicales universitaires au sens de la loi sur les professions médicales. Le terme de «formation continue» désigne quant à lui la formation continue des professions médicales universitaires au sens de la loi sur les professions médicales et la formation continue de tous les autres spécialistes au sens de la loi sur la formation continue.

Propre contribution aux manifestations de formation postgrade ou continue

Question: Un médecin participe à une manifestation de formation postgrade ou continue destinée à des professionnels. Comment sa propre contribution est-elle réglée?
Réponse: Lorsqu’un médecin participe à une manifestation de formation postgrade ou continue en bénéficiant d’un don, il – ou l’organisation qui l’emploie – doit prendre en charge lui-même une partie du coût total (propre contribution). Le coût total comprend non ­seulement les frais de participation directs (p. ex. taxe d’inscription ou de participation) mais aussi les frais de déplacement (aller-retour), d’hébergement et de nourriture, et les frais liés à d’éventuelles activités facultatives (programmes conviviaux) d’importance clairement secondaire. La propre contribution représente, pour chaque participant à une manifestation de ­formation continue, au moins un tiers et, pour chaque participant à une manifestation de formation postgrade, au moins un cinquième de ces coûts. Il est possible de renoncer à cette obligation lorsque la participation n’implique pas de nuitée sur place et que la manifestation ne dure pas plus d’une demi-journée de travail sans compter un éventuel repas à la suite de la partie professionnelle.
Question: Les médecins doivent-ils fournir leur propre contribution sous forme pécuniaire ou d’autres possibilités sont-elles admises?
Réponse: Les professionnels comme les médecins peuvent fournir leur propre contribution soit directement sous forme pécuniaire ou sous la forme d’une prestation équivalente fournie dans le cadre de la ­manifestation (p. ex. exposé ou autre contribution lors du congrès spécialisé concerné). Pour cela, une convention écrite décrivant précisément la nature et l’ampleur de la prestation est requise.
Question: Les dons pour la participation à des manifestations de formation postgrade ou continue peuvent-ils aussi être versés à des organisations?
Réponse: Oui, les entreprises pharmaceutiques peu­vent aussi mettre à la disposition d’organisations une somme destinée aux manifestations de formation postgrade et continue. Dans ce cas, l’organisation décide de la personne (professionnel) qui participe à une manifestation donnée. La propre contribution est alors généralement payée par l’organisation et non par la personne qui participe à la manifestation.

Base légale de l’OITPTh: explication

Le but de la nouvelle ordonnance est d’éviter que la prescription, la remise, l’utilisation ou l’achat de médicaments soumis à ordonnance soient influencés de quelque manière que ce soit. Au lieu d’imposer une ­interdiction totale de toute marque d’attention, la ­nouvelle ordonnance établit une liste des exceptions qui indique de manière exhaustive ce qui est juridiquement encore possible.
Cela inclut les dons destinés à la recherche ainsi qu’à la formation postgrade et continue, à condition qu’ils remplissent certains critères. Les dons destinés à la ­recherche proposés et octroyés sans qu’une contrepartie directe n’ait été convenue sont donc admis. Il en va de même des dons destinés à la formation postgrade et continue au sens de la loi sur les professions médicales. Les critères à remplir sont sensiblement les mêmes pour les dons destinés à la recherche que pour les dons destinés à la formation postgrade et continue; ils figurent à l’article 4 OITPTh. L’article 6 est quant à lui consacré aux congrès et séminaires. Les dons destinés aux manifestations doivent uniquement couvrir les frais dans le cadre de ces manifestations. De ce fait, les dons destinés à financer une activité qui dépasse ce cadre (voyages, nuitées ou séjours supplémentaires, ­escales pendant le voyage aller-retour, «stop-over») ne sauraient être admis. Lors de la participation à des manifestations sponsorisées (de formation postgrade ou continue), une propre contribution est due pour les frais d’inscription, de voyage aller-retour, d’hébergement et de nourriture, et pour la participation à des ­activités facultatives. Il est possible de renoncer à cette propre contribution lorsque la participation n’implique pas de nuitée sur place et que la manifestation ne dure pas plus d’une demi-journée de travail sans compter un éventuel repas à la suite de la partie professionnelle.
Selon l’ordonnance, les activités facultatives (programmes conviviaux) se distinguent du programme de la manifestation proprement dit lorsqu’elles sont d’importance clairement secondaire. Impossible pour l’heure de savoir comment cette disposition sera appliquée; il reviendra aux tribunaux de trancher. Pour les autorités, le programme convivial doit être strictement séparé de la partie professionnelle (programme scientifique) et ne pas être proposé en même temps ni en concurrence avec celle-ci. Ce qui soulève plusieurs questions: une représentation musicale au cours de la manifestation est-elle considérée comme une activité d’importance clairement secondaire? Et qu’en est-il d’un spectacle proposé lors du repas? Impossible d’y répondre de manière claire pour l’instant. Les médecins doivent aussi tenir compte de la politique de l’industrie pharmaceutique; dans ses règles d’autorégulation, ­l’industrie pharmaceutique suisse prévoit en effet de ne pas proposer de programme convivial lors de congrès et de séminaires.

Texte de l’ordonnance

Art. 4 Dons destinés à la recherche, à l’enseignement ou à l’infrastructure

Les dons au sens de l’art. 55, al. 2, let. b, LPTh faits à des organisations en faveur de la recherche, de l’enseignement ou de l’infrastructure sont admis pour autant qu’ils:
a. ne soient pas proposés, promis ou octroyés au professionnel lui-même, mais à l’organisation qui l’emploie;
b. se fondent sur une convention écrite indiquant l’utilisation prévue;
c. soient exclusivement utilisés conformément à leur but;
d. ne soient pas liés à des conditions ou à des charges relatives à la prescription, à la remise, à l’utilisation ou à l’achat de médicaments déterminés soumis à ordonnance;
e. soient virés sur un compte prévu à cet effet par ­l’organisation, auquel les professionnels n’ont pas un accès individuel, et qu’ils
f. figurent dans la comptabilité de l’organisation.

Art. 5 Dons destinés à la formation postgrade ou continue de professionnels

1 Les dons au sens de l’art. 55, al. 2, let. b, LPTh destinés à la formation postgrade ou continue de professionnels sont admis pour autant qu’ils remplissent les conditions énoncées à l’art. 4, let. a à f.
2 L’organisation doit décider en toute indépendance du type et du choix des formations postgrades ou continues ainsi que des professionnels qui y participent.

Art. 6 Dons pour la participation à des mani­festations de formation postgrade ou continue destinées à des professionnels

1 Les dons au sens de l’art. 55, al. 2, let. b, LPTh versés pour la participation à des manifestations de formation postgrade ou continue destinées à des professionnels sont admis pour autant qu’ils aient été convenus par écrit et que les professionnels qui y participent ou les organisations qui les emploient assument une part appropriée du coût de ces formations (propre contribution).
2 La propre contribution représente, pour chaque participant à une manifestation de formation continue, au moins un tiers et, pour chaque participant à une manifestation de formation postgrade, au moins un cinquième des coûts suivants:
a. les frais d’inscription;
b. le voyage aller-retour;
c. l’hébergement et la nourriture, et
d. la participation à des activités facultatives (programmes conviviaux) et d’importance clairement secondaire.
3 Il est possible de renoncer à exiger une propre contribution lorsque:
a. le professionnel fournit durant la manifestation une prestation équivalente selon l’art. 7;
b. la participation n’implique pas une nuitée sur place et que la manifestation ne dure pas plus d’une demi-journée de travail sans compter un éventuel repas à la suite de la partie professionnelle.
4 Ne sont pas admis:
a. le remboursement de tout ou partie de la propre contribution;
b. la prise en charge de coûts de participation in­directs, tels que ceux de l’absence au travail ou la perte de revenu;
c. la prise en charge des coûts de programmes conviviaux qui ne sont pas d’importance clairement secondaire par rapport à la partie professionnelle de la manifestation;
d. la prise en charge des coûts de voyage, d’hébergement, de repas ou des programmes conviviaux pour les personnes qui accompagnent les professionnels participant à la manifestation, même si ces personnes sont elles-mêmes des professionnels.

Note

A titre de précaution, nous recommandons aux médecins de prendre certaines mesures, à savoir:
– Toujours demander une convention écrite lors de manifestations de formation postgrade et continue.
– Consigner et documenter dans une convention écrite la nature et l’ampleur de l’éventuelle prestation fournie en contrepartie (p. ex. exposé), ainsi que son équivalence, lors de ­manifestations de formation postgrade et continue avec participation obligatoire aux coûts (propre contribution).
– Avoir conscience, en participant à des manifestations de formation postgraduée et continue, que toutes les questions en lien avec la prise en charge des coûts des programmes conviviaux ne sont pas réglées.