Une chose est sûre, l'avenir viendra

FMH
Édition
2019/49
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2019.18475
Bull Med Suisses. 2019;100(49):1645

Affiliations
Dr méd., président de l’Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM)

Publié le 03.12.2019

«L’avenir de la profession médicale dans la tourmente des tendances de fond»: tel est le titre du premier exposé du symposium MedEd de cette année dont Bruno Kesseli nous parle dans le présent numéro du BMS (p. 1646–1649). Son auteur, Daniel Dettling, fondateur et directeur du bureau berlinois de l’Institut pour la politique de demain, ne reprend pas en chœur les risques, les problèmes non résolus, l’horizon obscur ou les évolutions inquiétantes que de nombreux pronostiqueurs ne cessent de répéter à leurs auditoires. Non, il a souligné que beaucoup de personnes tendent à rendre le monde plus mauvais et l’avenir plus sombre qu’ils ne le sont, pour la simple raison qu’être vigilant face aux dangers a été un gage de survie dans histoire de l’évolution.
Lorsque nous réfléchissons à l’avenir du système de santé et surtout du métier de médecin, nous devons donc procéder, c’est du moins ce que notre orateur a expressément recommandé, par estimations sobres et sensées sans nous laisser emporter dans une spirale négative. Pas mal de choses ont déjà changé, et ce changement va encore se poursuivre: le profil du médecin doit être actualisé. S’il est exact que la transformation numérique de nombreux processus et avant tout l’intelligence artificielle soulèvent une pléthore de questions, la solution n’est certainement pas de réagir comme si on voulait «se prémunir d’un danger», ce serait même contre-productif. L’intelligence artificielle ne sert à rien si elle vise le superflu, elle a du sens si elle vient étoffer l’intelligence humaine. Il y a beaucoup de raisons de penser que c’est aussi ce qui se produira.
Malgré tous les transferts d’activités, malgré l’utilisation accrue d’outils électroniques, de la robotique et de la technologie de simulation, malgré le développement de téléphones hyper-connectés prêts à devenir des ­médecins personnels virtuels et malgré un déroulement totalement différent des consultations, le métier de médecin ne sera pas dévalorisé. Il n’est pas encore ­possible de prévoir concrètement où le progrès le ­mènera mais les médecins conserveront leurs fonctions ­centrales tout en en assumant de nouvelles: ­communiquer et interpréter, prendre des décisions et coordonner (malgré les algorithmes), enseigner les compétences en santé et apporter une contribution ­capitale à l’évolution de la médecine.
Pendant le symposium MedEd, dédié comme chacun sait aux perspectives de la formation médicale, l’exposé de Daniel Dettling n’a pas été le seul à se pencher sur l’avenir. Un autre a par exemple évoqué que les aspects du genre devraient être davantage pris en compte dans la formation prégraduée et postgraduée. Un autre s’est attaqué aux nouvelles méthodes de formation, comme les Entrustable Professional Activities, et a analysé leur potentiel en vue d’un meilleur enseignement des compétences médicales. Comment garantir la qualité de la formation postgraduée dans les établissements malgré des ressources limitées et la pression de la productivité? Un médecin-chef engagé a partagé ses recettes qui consistent à se mettre à l’écoute. La discussion finale, très vivante, a traité la question un peu ­provocatrice de savoir si la formation postgraduée se trouvait à un tournant.
Comment maîtriser au mieux les exigences de demain? Lire le marc de café, extrapoler les données ­existantes, accumuler les inquiétudes et les réserves, enfiler un corset de régulations remplies de méfiance, faire les beaux yeux à un retour en arrière. Tout cela est impossible. En réalité, deux recommandations au moins sont raisonnables et substantielles: tout d’abord, la curiosité, l’ouverture et le fait d’éviter ­l’awfulizing, c’est-à-dire la tendance à surestimer les ­aspects négatifs d’un développement. Enfin, et entre-temps ce point est devenu pour moi un ceterum censeo, il est important pour nous, médecins, de ne pas ­attendre passivement que demain arrive mais de nous impliquer activement dans les processus de développement et de façonner notre avenir de manière proactive et créative. Car une chose est sûre, l’avenir viendra.