2e volet d’une série d’articles concernant la loi révisée sur les produits thérapeutiques

Quelle attitude adopter face aux rabais

FMH
Édition
2019/48
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2019.18432
Bull Med Suisses. 2019;100(48):1601-1604

Affiliations
a Responsable Affaires publiques, FMH; b Cheffe de la division Communication, FMH

Publié le 26.11.2019

Les nouvelles prescriptions sur l’utilisation des produits thérapeutiques qui entrent en vigueur le 1er janvier 2020 comportent des règles plus strictes et ont un impact direct sur le travail quotidien des médecins. Elles sont définies dans l’ordonnance sur l’intégrité et la transparence dans le domaine des produits thérapeutiques (OITPTh), qui vise à renforcer l’intégrité et à augmenter la transparence dans la manière de gérer les produits thérapeutiques. Elle règle donc en détail les rabais et compensations de la part des fournisseurs de médicaments. De plus, elle comprend des dispositions relatives aux dons destinés à la recherche et à la formation postgraduée et continue. Elle prévoit également des règles strictes pour ce qui concerne l’acceptation de cadeaux et invitations à des repas.
Pour les médecins, cela signifie se familiariser avec les dispositions de la nouvelle ordonnance afin de pouvoir les respecter et les appliquer correctement mais aussi documenter leurs actes de manière systématique et complète. En tant qu’association professionnelle, la FMH considère qu’il est de son devoir de rendre ses membres attentifs à cette réglementation plus stricte et de les informer plus largement des nouvelles dis­positions légales. Nous comptons le faire dans le cadre d’une série en quatre volets.
Dans le présent article, nous nous intéressons de plus près aux questions se posant dans le contexte des rabais accordés. Nous les traitons à l’aide d’exemples pratiques tels qu’ils peuvent survenir dans le quotidien des médecins.

Livraison au prix de fabrique, ­transport inclus

Question: Un médecin reçoit une livraison de médicaments au prix de fabrique. Le transport n’est pas facturé. Est-ce légal?
Réponse: Une livraison de médicaments au prix de fabrique sans facturation des frais de transport correspond à un rabais. Pour se conformer aux règles lors de prestations relevant de la LAMal, le médecin devrait convertir ce rabais (les frais logistiques) sur chaque boîte et puis le répercuter sur les patients. C’est-à-dire leur facturer moins et documenter cet avantage répercuté. Cette solution n’est pas praticable pour les médecins, étant donné qu’elle s’accompagne d’une charge administrative importante. L’autre possibilité serait que le médecin paie le transport des médicaments au fournisseur. Dans ce cas, le fournisseur devrait être informé et inscrire les frais logistiques sur la facture.

Rabais généraux

Question: Lors d’une commande, le fournisseur de médicaments accorde un rabais général de 5% sur le prix de fabrique. Comment le médecin doit-il réagir?
Réponse: Il s’agit ici très vraisemblablement d’un avantage qu’il est obligé de répercuter, étant donné que le rabais ne se fonde sur aucune prestation accordée en contrepartie par le médecin. Le médecin n’a pas le droit de s’octroyer ces avantages (rabais), c’est-à-dire qu’il doit les répercuter sur l’assurance-maladie ou le patient. La réponse à la question ci-dessus concernant la «livraison au prix de fabrique, y compris le transport» s’applique également ici. Lors de la facturation de médicaments figurant sur la liste des spécialités, le rabais de 5% sur le prix de fabrique doit par ailleurs être déduit du prix public.

Rabais en nature

Question: A supposer qu’un professionnel obtienne des rabais en nature. Quelle attitude doit-il adopter? Ces rabais en nature doivent-ils être traités comme des échantillons? Leur répercussion gratuite doit-elle être documentée?
Réponse: Il n’est pas admis qu’une entreprise pharmaceutique livre une quantité supérieure de médicaments à celle commandée. Les médicaments livrés en plus doivent être renvoyés à l’entreprise pharmaceutique. En effet, ils ne peuvent pas être considérés comme des échantillons. La livraison d’échantillons présuppose que la demande émane du professionnel. Comme les échantillons n’ont pas le droit d’être vendus, il serait plus prudent de documenter tout ce qu’on redonne gratuitement.

Base légale de l’OITPTh: explication

Le but de la nouvelle ordonnance est d’éviter que la prescription, la remise, l’utilisation ou l’achat de médicaments soumis à ordonnance soient influencés de quelque manière que ce soit. Au lieu d’imposer une interdiction totale de toute marque d’attention, la nouvelle ordonnance établit une liste des exceptions qui indique de manière exhaustive ce qui est juridiquement encore possible.
Ces exceptions incluent aussi les rabais ou ristournes accordés lors de l’achat de produits thérapeutiques, à condition qu’ils n’influencent pas le choix du traitement. La caractéristique principale d’un rabais est d’être sans condition, c’est-à-dire sans prestation accordée en contrepartie par le professionnel. Dans ce contexte, le droit de l’assurance-maladie emploie la notion d’avantage. Les avantages sont des réductions de prix octroyées sans contrepartie du professionnel. Le terme «avantage» utilisé dans le droit de l’assurance-maladie correspond donc à celui de «rabais» dans la législation sur les produits thérapeutiques. Les avantages sont soumis à l’obligation de répercuter les avantages en vertu du droit de l’assurance-maladie. Cela veut dire qu’ils doivent être répercutés sur le prix public, pour en faire bénéficier les assurances-maladies et les patients.
Pour les médicaments de la liste des spécialités, l’OFSP a fixé deux prix: le prix de fabrique (prix ex factory) et le prix public. Le prix de fabrique est celui que ­l’entreprise pharmaceutique peut facturer pour un ­médicament lorsqu’il quitte la fabrique. Le prix public est le prix maximum qu’un professionnel peut ­facturer au patient ou à l’assurance-maladie. D’après ­l’ordonnance, toute réduction de prix accordée sur le prix de fabrique est un rabais. Comme le prix de ­fabrique n’inclut pas les frais logistiques, la livraison de médicaments, y compris le transport, au prix de ­fabrique ou légèrement en dessous de celui-ci sans facturation des frais de transport, représente aussi un rabais. Les prix de la liste des spécialités peuvent être contrôlés sur http://www.listedesspecialites.ch. Il est donc facile de déterminer si on est en présence d’un rabais ou non.
La situation est différente pour les médicaments qui ne figurent pas sur la liste des spécialités. Dans ce cas, on est toujours en présence d’un rabais puisqu’il y a une différence entre le prix standard (prix de vente habituel) d’un produit et le prix effectivement payé à l’achat. Si le fournisseur ne propose aucun rabais sur le prix de vente habituel ou ne l’indique pas sur le formulaire de commande, il peut s’avérer difficile, voire impossible, de reconnaître un rabais.

Convention relative au rabais

La législation sur les produits thérapeutiques définit dans quelles circonstances un professionnel peut accepter un avantage de la part d’une entreprise pharmaceutique. On entend par avantages par exemple les rabais et ­ristournes, les compensations accordées en contrepartie de prestations (p. ex. rabais sur la quantité) ainsi que les dons destinés à la recherche, à l’enseignement, à l’infrastructure ou à la formation postgraduée et ­continue. Pour sa part, la législation sur l’assurance-maladie définit si un éventuel avantage, c’est-à-dire un rabais, doit être répercuté sur l’assurance-maladie ou le patient.
Question: Existe-t-il des conventions qui permettent aux professionnels de ne pas répercuter intégralement les rabais généraux obtenus sans contrepartie?
Réponse: L’ordonnance prévoit la possibilité pour les professionnels de conserver une partie des avantages c.-à-d. des rabais sans contrepartie. Pour cela, il faut, premièrement, que ces avantages soient majoritairement répercutés sur les patients ou l’assurance-maladie. Deuxièmement, la part non répercutée doit être utilisée pour améliorer la qualité des traitements. La FMH négocie actuellement une convention-cadre pour ses membres répondant aux exigences minimales, respectivement aux obligations légales applicables à ce type de conventions entre fournisseurs de prestations et assureurs-maladie. La question se pose cependant de savoir à partir de quelle taille et de quel degré d’organisation il pourrait être judicieux pour les cabinets médicaux d’y participer.

Base légale de l’OITPTh: explication

Les assureurs et fournisseurs de prestations peuvent désormais convenir de ne pas répercuter intégralement les avantages accordés pour les médicaments ou les moyens et appareils. Si les assureurs et les fournisseurs de prestations concluent une convention dans ce sens, il est important qu’ils veillent à ce que plus de 50% de l’avantage accordé soit effectivement répercuté sur le débiteur de la rémunération. La convention doit être conclue par écrit. Il doit par ailleurs être prouvé que la part de l’avantage non répercuté a été utilisée pour améliorer la qualité du traitement. Dans les conventions, les parties doivent présenter de quelle manière et à quel moment ils montreront dans quelle mesure l’utilisation de l’avantage non répercuté a conduit à une amélioration mesurable de la qualité du traitement.

Transparence

Question: Un médecin a touché des rabais ou des ristournes admis. Doit-il les documenter et les consigner par écrit?
Réponse: Oui, la loi sur les produits thérapeutiques prévoit que la personne effectuant les achats doit justifier les rabais et ristournes dans les comptes, les justificatifs et les factures et, sur demande, les communiquer à l’OFSP. Il est important de respecter la disposition en matière de transparence, faute de quoi on s’expose à des sanctions pénales.

Base légale OITPTh: explication

Les rabais et ristournes accordés lors de l’achat de produits thérapeutiques doivent être clairement justifiés, tant dans la facture et les comptes des acheteurs – p. ex. les médecins – que dans ceux des fabricants et fournisseurs. Sur demande, ils doivent être communiqués à l’OFSP.

Ordonnance sur l’intégrité et la transparence dans le domaine des produits thérapeutiques (OITPTh)

Art. 8 Rabais

1 Un rabais correspond à la différence entre le prix standard d’un produit et le prix effectivement payé dans le cadre d’une transaction. S’agissant des médicaments figurant sur la liste des spécialités, il y a rabais en particulier si le prix effectivement payé est inférieur au prix de fabrique.
2 La livraison de quantités supérieures à celles commandées et facturées n’est pas admise.

Section 3 Transparence

Art. 10

1 Tous les rabais et ristournes accordés lors de l’achat de produits thérapeutiques à des personnes ou à des organisations qui prescrivent, remettent, utilisent des produits thérapeutiques ou en achètent à ces fins doivent, sur demande, être communiqués à l’Office fédéral de la santé publique.
2 L’obligation de transparence au sens de l’art. 56 LPTh ne s’applique pas à l’achat de médicaments en vente libre (catégorie de remise E) ni aux dispositifs médicaux classiques de la classe I au sens de l’annexe IX de la directive 93/42/CEE relative aux dispositifs médicaux.

2. Ordonnance du 27 juin 1995 sur ­l’assurance-maladie

Art. 76a Répercussion des avantages

1 Conformément à l’art. 42 de la loi, le fournisseur de prestations doit indiquer dans la facture l’avantage visé à l’art. 56, al. 3, de la loi et le répercuter sur le débiteur de la rémunération.
2 Si les avantages sont déjà intégrés dans le calcul des tarifs et des prix des prestations correspondantes sous la forme de coûts plus bas, il n’est pas nécessaire de les indiquer séparément dans la facture.

Art. 76b Convention relative à la répercussion 
non intégrale des avantages

1 En premier lieu, les conventions visées à l’art. 56, al. 3bis, de la loi sont conclues entre les organisations des fournisseurs de prestations et celles des assureurs.
2 Les conventions relatives à la répercussion non intégrale des avantages visées à l’art. 56, al. 3bis, de la loi doivent être conclues par écrit et contenir notamment les indications suivantes:
a. la nature et l’ampleur de l’avantage ainsi que les modalités pour assurer la transparence dans les justificatifs et les comptes;
b. l’utilisation prévue de l’avantage non répercuté, y compris le but poursuivi en matière d’amélioration de la qualité des traitements;
c. les modalités pour prouver l’amélioration de la qualité des traitements;
3 Les moyens non répercutés sont utilisés en premier lieu pour des programmes nationaux d’amélioration de la qualité des traitements.
4 Les assureurs et les fournisseurs de prestations qui concluent une convention en informent sans tarder l’OFSP.

Art. 76c Rapport à l’OFSP

1 Les assureurs établissent à l’attention de l’OFSP des rapports attestant du respect de la convention visée à l’art. 76b. Ils lui présentent le rapport immédiatement après l’échéance de la convention. Dans le cas de projets pluriannuels, ils présentent chaque année des rapports intermédiaires.
2 Chaque rapport et chaque rapport intermédiaire contient au moins les indications suivantes:
a. la preuve que les avantages non répercutés ont été utilisés pour améliorer la qualité des traitements;
b. l’évaluation de l’amélioration de la qualité des traitements obtenue grâce à la convention.
3 L’évaluation doit être effectuée par une organisation indépendante, selon des méthodes scientifiques conformes aux normes ou directives reconnues.
Nous recommandons aux médecins de prendre des mesures de précaution. Il est notamment recommandé:
– de déterminer si les frais de transport ont été déduits et accordés en rabais lors de livraisons de médicaments et, si c’est le cas, de faire en sorte que le fournisseur facture les frais de transport au professionnel;
– de vérifier s’il existe une contrepartie en cas de rabais ou d’avantage. Si ce n’est pas le cas lors de prestations relevant de la LAMal, le bénéficiaire a l’obligation de répercuter les avantages;
– de s’assurer que les médicaments livrés en trop sont renvoyés au fournisseur;
– de s’assurer que les rabais et ristournes sont inscrits dans les comptes.
kommunikation[at]fmh.ch