Plaidoyer bis

Briefe / Mitteilungen
Édition
2019/38
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2019.18183
Bull Med Suisses. 2019;100(38):1261-1264

Publié le 18.09.2019

Plaidoyer bis

Les assureurs et leur faîtière santésuisse, suite aux prérogatives de la LAMal, «auscultent» l’économicité de la médecine suisse depuis plus de vingt ans.
Depuis longtemps, l’indice RSS par le TFA a été utilisé comme moyen de preuve pour la polypragmasie. Dès 2003, santésuisse commence à appliquer de manière agressive l’indice Anova sans l’annoncer, malgré qu’il n’ait pas été validé.
En 2018, le Tribunal fédéral (TF) homologue un nouvel outil de statistiques, l’analyse de régression (AR) élaborée par un groupe de ­travail de la FMH en collaboration avec les ­assureurs. Même que dans les travaux de ce groupe, le contrat signé présenté au TF ne parle que de l’AR, la Haute instance homologue aussi dans la foulée l’indice Anova?!? L’AR est un outil statistique large qui peut traiter plusieurs autres analyses [1].Ceci ne veut pas dire que l’AR et l’Anova sont une seule entité indissociable.
Pour calculer tous ces trois indices, une condition sine qua non devrait être respectée: la présence des lots témoins de référence qui doivent englober des médecins qui ont la même pratique médicale classifiés dans des groupes bien distincts.
Cela est-il vrai? Nous sommes en possession du lot témoin, 2016, de 268 médecins praticiens de Vaud. A l’examen minutieux de ce lot nominal et celui de revenus anonymisés, de curieuses anomalies apparaissent. Sur l’ensemble des 268 médecins, plus de 96 personnes n’ont pas leur place dans ce lot, car soit elles exercent une spécialité différente, soit elles sont décédées, soit elles travaillent dans d’autres cantons, soit elles exercent sans un cabinet ­médical.
Si on tient compte de ces inexactitudes sur la liste nominale, il résulte que ce groupe de référence de 268 médecins se réduit à 172 personnes.
A l’examen du listing des coûts, il y a 32 médecins qui ont moins de 10 patients par année, 39 cellules sont libres sans aucun médecin et il y a 7 millionnaires! Sur les 268 médecins ­cités, le lot témoin est réduit à 190 membres valables. Donc, les deux listes amènent au résultat d’une baisse de plus de 30%!
Les indices d’économicité émis par santésuisse changent en profondeur, car on dilue les lots de référence en faisant part des médecins qui ont des coûts d’affaires sensiblement plus bas! Ces chiffres inexacts sont injectés dans les trois outils statistiques, à savoir RCC, Anova et l’AR, et à la fin, des indices erronés sortent de cette «chaîne de fabrication». ­Devons-nous mandater des hautes écoles pour savoir si on fait une addition de pommes et de cerises et que le résultat soit probant?!?
Anova… qui a été fortement critiqué par d’éminents spécialistes, citons Valérie Junod [2], Marcel Moillen [3] et, récemment, Me François Tabin [4].
En 2010, le groupe de travail FMH (EAE) a ­publié un papier de positionnement concernant les procédures relatives à l’économicité sous la LAMal, art. 59 [5].Dans le chapitre 3.2, «Les erreurs de la méthode moyenne concernant Anova», il note noir sur blanc que: Ces ­critères n’ont toutefois qu’une pertinence de 3% pour les purs coûts médicaux, de 1% pour les coûts pharmaceutiques et de 7% pour les coûts globaux. Ces critères sont insuffisants pour ­évaluer l’économicité. Peut-on croire que ce groupe de travail, en 2018, a donné son aval à la validation d’Anova, tandis que son cahier des charges concernait seulement l’AR?! Cette ­validation de l’indice Anova prête beaucoup de doutes et, dans un futur proche, pourra être révisée juridiquement lors d’un éventuel recours au Tribunal fédéral.
Je rejoins mes confrères dans leurs plaidoyers. Si le but est d’obtenir une médecine Efficace, Adéquate et Economique (EAE), les outils ­statistiques doivent avoir à leur base des lots témoins de référence uniformes, «nettoyés» de tout pollution des données SASIS inexactes.
Un conseil s’impose: tout médecin attaqué par une procédure de rétrocession doit demander son lot de comparaison avant d’être déféré aux commissions paritaires et aux ­tribunaux. Ceci est un de ses droits et la ­justice l’a légiféré comme tel.