Programme national de lutte contre le VIH, les IST et l’hépatite virale

Programme national de lutte contre le VIH, les IST et l’hépatite virale: Unir les forces contre le VIH et les hépatites virales

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Édition
2019/37
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2019.18119
Bull Med Suisses. 2019;100(37):1219-1221

Affiliations
a Arud Center for Addiction Medicine, Zurich; b Epatocentro, Lugano; c Gastroentérologie et hépatologie, Hôpital universitaire de Lausanne; d Association Hépatite C Suisse AHCS, Zurich; e Institut de santé globale, Université de Genève; f Consultant, Denges; g Direction, Hépatite Suisse, Zurich; h Service de gastro-entérologie et hépatologie, Hôpital universitaire de Genève; i Clinique universitaire d’infectiologie, Hôpital universitaire de Berne, Université de Berne; j Cabinet privé, Bâle; k UVCM, Hépatologie, Hôpital universitaire de Berne

Publié le 10.09.2019

La Stratégie suisse contre l’hépatite a – tout comme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) – pour objectif d’éliminer l’hépatite B et C d’ici 2030. Cela signifie que les taux de nouvelles infections et des séquelles doivent être ramenés à proche de zéro. Tous les instruments d’élimination, c’est-à-dire les mesures préventives, les thérapies et les vaccinations, sont disponibles. Il s’agit maintenant de combler les lacunes en matière d’éducation, de dépistage et d’accès à la thérapie à bas seuil.
L’hépatite virale peut causer de graves maladies du foie. L’hépatite C augmente également le risque d’autres ­maladies chroniques comme le diabète ou les cancers extra-hépatiques, indépendamment de toute lésion hépatique. Les patients souffrent souvent de fatigue et de troubles de concentration, qui peuvent nuire à leur performance et à leur capacité de travail. Le virus est hautement contagieux lorsqu’il est transmis par le sang, y compris lorsque les lames de rasoir et les brosses à dents sont partagées. En même temps, nous avons des lacunes considérables en matière d’éducation, de dépistage, de vaccination et de traitement (voir fig. 1). Et ce, malgré le fait que l’hépatite C est facile à détecter et guérissable depuis quelques années, et que l’hépatite B peut être efficacement évitée par la vaccination.
Au moins 200 personnes meurent chaque année de l’hépatite virale en Suisse, soit à peu près le même nombre que les victimes de la circulation routière (voir fig. 2). Le nombre de cas non déclarés est considérable et le taux de mortalité réel est probablement beaucoup plus élevé [1]. Le fardeau de l’hépatite virale en Suisse est comparable à celui causé par le VIH/sida et nécessite donc des ressources appropriées en matière de santé publique.
Figure 1: La cascade des soins de l’hépatite C en Suisse: des lacunes considérables dans le dépistage et la prestation des traitements (source: Hépatite Suisse).

Une occasion unique

L’hépatite B et l’hépatite C pourraient être éliminées. Cela nous donne une occasion unique de contenir efficacement ces maladies infectieuses et leurs conséquences. En 2016, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’est fixé comme objectif d’éliminer l’hépatite virale comme fardeau pour la santé publique d’ici 2030 [2]. En Suisse, l’initiative de la société civile de la Stratégie suisse contre l’hépatite a élaboré une stratégie d’élimination basée sur les objectifs de l’OMS et travaille à sa mise en œuvre [3].
Or la Suisse n’est actuellement pas en bonne voie pour atteindre cet objectif [4]. Le nombre de nouveaux diag­nostics et de traitements est en baisse. Ceux-ci devraient au contraire augmenter d’environ 30% dans les années à venir afin d’éliminer l’hépatite virale et ses conséquences d’ici 2030 [4]. Les taux de vaccination contre l’hépatite B varient considérablement d’une région à l’autre, mais ils sont encore insuffisants dans tout le pays.
Des efforts supplémentaires sont nécessaires: il faut améliorer l’information sur l’hépatite virale à tous les niveaux, en accordant une attention particulière aux groupes à risque, à la population en général et aux médecins généralistes. Sont aussi nécessaires des mesures supplémentaires pour le dépistage et un traitement plus cohérent des patients. Pour l’hépatite B, des lacunes en matière de vaccination restent à combler.
Figure 2: Hépatite C et mortalité liée au VIH: alors que le nombre de décès dus au VIH continue de baisser en Suisse, le nombre de décès dus à l’hépatite C stagne (source: adapté selon [1]).

Peu de ressources pour la lutte contre l’hépatite virale

Selon la réponse du Conseil fédéral à une interpellation au Conseil des États, la Confédération dépense actuellement 300 000 francs suisses par an pour lutter contre l’hépatite. Elle s’est concentrée sur la population des consommateurs de drogues. L’hépatite C est ancrée dans la stratégie de lutte contre la toxicomanie et l’hépatite B dans la stratégie de vaccination [5].
Cependant, des lacunes persistent: selon une étude du canton d’Argovie, il existe une insuffisance de l’offre de médicaments contre l’hépatite C dans le secteur de la drogue, et ce, malgré de grands succès en matière de prévention [6]. En outre, selon les chiffres de l’OFSP, seulement la moitié des personnes atteintes d’hépatite C sont infectées en consommant de la drogue. L’autre moitié n’a pas encore fait l’objet de contrôle en Suisse.

Accent sur les maladies secondaires et les séquelles

Le fardeau de l’hépatite sur le système de santé d’aujourd’hui est moins causé par les nouvelles infections que par les maladies secondaires causées par les hépatites virales. Dans le domaine de la prévention primaire, la Confédération et d’autres parties prenantes ont accompli un travail fructueux. Afin de réduire la morbidité et la mortalité d’une manière pertinente, il est maintenant nécessaire d’élargir la portée et de se concentrer sur les séquelles des maladies infectieuses et les patients non traités et non diagnostiqués. Nous pensons qu’il est impossible de lutter contre une épidémie d’hépatite B et C à hauteur de 300 000 francs par an. Sans un programme national doté d’un budget correspondant, la Suisse ne sera pas en mesure d’éliminer l’hépatite et ses conséquences. La Stratégie mondiale du secteur de la santé de l’OMS pour l’hépatite virale, ratifiée par la Suisse, et la Société européenne pour les maladies du foie (EASL) incitent les pays à combattre l’hépatite par le biais d’un programme national [7, 8].

De grandes similitudes avec le VIH

Notre pays est un leader international dans la lutte contre le VIH. Les similitudes entre le VIH et l’hépatite sont grandes. Ces deux infections doivent être éliminées à l’échelle mondiale: les groupes cibles se recoupent fortement, les acteurs impliqués sont souvent les mêmes. Afin d’atteindre les objectifs d’élimination de manière efficace et sans trop d’efforts, l’hépatite devrait être intégrée dans les structures et programmes existants qui servent aujourd’hui à combattre le VIH/sida et les infections sexuellement transmissibles (IST). Cela permettra d’exploiter au mieux les synergies. Un combat commun est une situation ­gagnant-gagnant. Il n’est donc pas surprenant que ­l’intégration de l’hépatite dans les structures et ­programmes VIH corresponde à une tendance inter­nationale [8–10].

L’essentiel en bref

• Au moins 200 personnes meurent chaque année de l’hépatite virale en Suisse.
• En 2016, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) s’est fixé comme objectif d’éliminer l’hépatite virale comme fardeau pour la santé publique d’ici 2030.
• La Suisse n’est actuellement pas en bonne voie pour atteindre l’objectif d’élimination.
• Hépatite Suisse se félicite de la motion ­émanant du Conseil des États, dont l’adoption a été recommandée par le Conseil fédéral à la fin du mois d’août, de mettre en place un programme de suivi commun pour le VIH, les IST et les hépatites.
Le «Programme national VIH et autres infections sexuellement transmissibles», qui existe depuis 2011, expire en 2021. Les travaux préparatoires pour le ­programme subséquent sont en cours. Les résultats des dernières années concernant la charge de morbidité des hépatites B et C et les similitudes entre les deux maladies infectieuses nécessitent l’intégration de l’hépatite dans ce programme subséquent. C’est ­pourquoi Hépatite Suisse se félicite de la motion ­émanant du Conseil des États, dont l’adoption a été recommandée par le Conseil fédéral à la fin du mois d’août, de mettre en place un programme de suivi commun pour le VIH, les IST et les hépatites et est disposée à coopérer activement à l’élaboration d’un tel programme [11].

L’hépatite C est mortelle – l’hépatite C est guérissable

Le 9 septembre, la nouvelle campagne de Hépatite Suisse commence. Elle veut attirer l’attention sur les dangers de l’hépatite C – et en même temps faire connaître la bonne nouvelle que l’hépatite C est guérissable. La campagne réagit ainsi au fait que trop de patients – même ceux qui ont été diagnostiqués – n’ont pas été traités (voir fig. 1).
La campagne sera visible en ligne et dans les centres de traitement dans toute la Suisse pendant une semaine en septembre et une deuxième vague début 2020. Au début de la campagne, les personnes touchées et les bénévoles distribueront des fleurs aux passants dans les gares de cinq villes, apportant ainsi la bonne nouvelle au public.
PD Dr méd. Philip Bruggmann
Président Hépatite Suisse
Schützengasse 31
CH-8001 Zurich
Tél. 058 360 50 00
p.bruggmann[at]arud.ch
 1 Keiser O, Giudici F, Mullhaupt B, Junker C, Dufour JF, Moradpour D, et al. Trends in hepatitis C-related mortality in Switzerland. J Viral Hepat. 2018;25(2):152–60.
 2 OMS. Global Health Sector Strategy on Viral Hepatitis 2016–2021. Genève: Organisation mondiale de la Santé, 2016. Contrat n°: OMS/HIV/2016.06.
 3 Réseau SHS. Stratégie suisse contre l’hépatite 2014–2030: Il est temps d’agir maintenant. Process Paper – A Living Document. ­Zurich: Hépatite Suisse, 2019.
 4 Mullhaupt B, Bruggmann P, Bihl F, Blach S, Lavanchy D, Razavi H, et al. Progress toward implementing the Swiss Hepatitis Strategy: Is HCV elimination possible by 2030? PLoS One. 2018;13(12):­e0209374.
 5 Müller D. Interpellation 19.3042: Fonds de la Confédération pour la lutte contre les hépatites virales. Berne.
 6 Bregenzer A, Conen A, Knuchel J, Friedl A, Eigenmann F, Naf M, et al. Management of hepatitis C in decentralised versus centralised drug substitution programmes and minimally invasive point-of-care tests to close gaps in the HCV cascade. Swiss Med Wkly. 2017;147:w14544.
 7 Association européenne pour l’étude du foie (EASL). Enoncé de ­politique de l’EASL sur l’élimination de l’hépatite C. 2019. https://easl.eu/wp-content/uploads/2019/04/EASL-Policy-Statement-on-­Hepatitis-C-Elimination.pdf
 8 Plan d’action pour la réponse du secteur de la santé aux hépatites virales dans la Région européenne de l’OMS. Copenhague: Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, 2017.
 9 Ministère fédéral allemand de la Santé. Stratégie intégrée de lutte contre le VIH, l’hépatite B et C et d’autres infections sexuellement transmissibles. Berlin: 2016.
10 ANRS (Agence nationale de Recherche sur le sida et les hépatites virales): le célèbre institut de recherche français ARNS, créé à l’origine pour lutter contre l’épidémie de VIH, a ajouté l’hépatite virale dès 2005.
11 Müller D. Motion 19.3743: Éliminer l’hépatite. Inscription de la maladie dans un programme national de lutte contre les infections transmissibles par le sexe et par le sang.