Sur le «front du climat» et de la problématique climatique en général

Briefe / Mitteilungen
Édition
2019/03
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2019.17455
Bull Med Suisses. 2019;100(03):42

Publié le 16.01.2019

Sur le «front du climat» et de la pro­blématique climatique en général

L’actualité est riche en évènements ces ­derniers jours: réunion de la COP 24 dans quelques jours (dont on ne sait s’il en sortira grand-chose), émission politique de France 2 le 22.11.2018, avec un N. Hulot combatif, épisodes des gilets jaunes, et divers articles polémiques sur le futur du pétrole: consommation de pétrole de 100 Mb/j actuellement, qui devrait continuer à augmenter de 1 Mb/j par an, alors que le taux de CO2 en ppm est déjà de 420. Il était pourtant prévu une baisse des émissions de 50% en 2030 et la neutralité carbone en 2050 pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C selon le GIEC.
Cet objectif paraît aujourd’hui bien lointain comme le souligne notre confrère B. Kiefer dans la Revue Médicale Suisse du 21.10.2018 («Médecine durable, l’oubli majeur»), qui se veut engagé sur les conséquences catas­trophiques du réchauffement climatique, un sujet particulièrement grave: le monde tel que nous le connaissons actuellement, n’existera probablement plus dans quelques années, ce qui sera extrêmement dur à vivre, sans parler de désordres sociétaux majeurs dans notre manière de concevoir le confort et même l’existence, et peut être la fin de l’aventure ­humaine: multiples souffrances humaines, vagues de chaleur, inondations, sécheresse, migrations massives, maladies émergentes…
Nous sommes face à nos responsabilités dès maintenant et personne ne pourra dire plus tard qu’il ne savait pas, ou qu’il n’avait pas été prévenu, tant «le changement climato-éco­logique est d’un niveau evidence-based bien supérieur à tout ce qui est disponible en médecine», avec un degré de preuve jamais atteint. B. Kiefer mentionne l’absence de prises de position claires chez les médecins, fustigeant notre passivité en continuant à se laisser anesthésier par les prévisions des médias et des politiciens. Le silence médical devient intenable, «les médecins ne peuvent se défausser de leur responsabilité de défendre le réel et de ne pas lâcher la science». Enfin, à quoi servirait tout ce que fait la médecine, l’éthique, si les médecins ne s’engageaient pas résolument pour le climat. Pour notre confrère, voici venu le temps du courage, celui de changer en face des intérêts à court terme de l’élite économique qui ne cesse de contrer les décisions visant le long terme, et dont les mensonges, les fake news font disparaître le réel et avec lui l’avenir.
De ce fait, «le système de santé doit faire son coming-out climato-engagé», car une «rupture culturelle» avec le passé est le seul choix alternatif; c’est-à-dire un avenir vers un monde totalement décarboné, sevré de son addiction au pétrole, ce qui signifie aussi un changement de la pensée, permettant à l’humanité de survivre. Les chambres médicales devraient prendre fermement position face à ce sujet grave, afin que chaque confrère ­s’engage dès demain, vers un monde sevré de cette addiction au pétrole: mobilité électrique, production solaire et autres renouvelables, système de stockage énergétique, décarboner toute activité économique. Oui, c’est douloureux (comme tout sevrage!), mais laisser dormir l’argent en banque ne fait que ­perpétuer le système actuel de l’«élite éco­nomique» et, comme le dit B. Kiefer, probablement nous conduire à notre perte, ce qu’il souligne en reprenant la phrase de l’astro­physicien A. Barrau: «Les autres combats n’ont aucun sens, si celui-là est perdu.»