Un vrai document de santé publique

Zu guter Letzt
Édition
2019/04
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2019.17374
Bull Med Suisses. 2019;100(04):104

Affiliations
Dr méd., membre de la rédaction

Publié le 23.01.2019

«L’accès au meilleur soin a toujours et partout été inégal et inéquitable, pour des raisons économiques, géographiques, culturelles, idéologiques. Les besoins de santé des personnes et des populations ont toujours et partout été inégaux et inéquitables, pour des raisons génétiques, sociales, comportementales, environnementales…»
Well… Fortes paroles, qui toutefois résument la situation constante qui est la raison d’être, le primum movens de la santé publique – à savoir de l’ensemble des actions qui ont pour but la meilleure santé d’une collectivité. Et on peut ici rappeler, sans aucune intention péjorative, que la contribution du système de soins à la santé des gens est de l’ordre de 15–20% – que la grande majorité des facteurs qui influencent la santé, de manière favorable ou nuisible, ressortissent à d’autres domaines de la vie, publique comme privée.
La citation ci-dessus est tirée du «Rapport sur la politique de santé – 2018–2022» (à son champ d’action 5 – «Valeurs en santé publique») que vient d’émettre le Conseil d’Etat vaudois [1, 2]. Lecture recommandée pour qui se préoccupe des enjeux liés à notre avenir médico-sanitaire – notamment en termes de durabilité et financement du système, de convivialité et de freinage d’une tendance à la désolidarisation. Quelques points forts.
Puissance et limites de la médecine. «Alors que la médecine apparaît plus puissante que jamais grâce aux technologies, l’adéquation entre accès au soin et besoins de santé reste un défi majeur. Ceci concerne également l’équilibre des investissements en santé par rapport aux autres investissements. Le développement durable du système est menacé par les limites sans cesse repoussées des capacités diagnostiques et thérapeutiques. Tant que ces limites étaient supportables économiquement et incontestables éthiquement, les questions de limitation de prestations ne se posaient pas. Aujourd’hui la question se pose de savoir si tout ce qui est possible est forcément souhaitable.»
Politique publique saine – intersectorielle. Dans l’introduction au rapport, le ministre / chef du Département de la santé écrit: «Pour atteindre ces objectifs, il conviendra de développer des liens avec les autres stratégies du Conseil d’Etat qui se révèlent aussi être déterminantes pour la santé de la population.» Cela me rappelle cette formule notée il y a longtemps déjà – qui dans aucun pays n’est adéquatement mise en œuvre: «We don’t need a public health policy, we essentially need a healthy public policy» (plus que d’une politique de santé publique, nous avons besoin d’une politique publique saine). Nécessité d’une vue d’ensemble, de stratégies et potentialisations «interministérielles» –dans toute l’action gouvernementale. Et, idéalement, dans l’économie en général, pour promouvoir la santé plutôt que lui nuire. Le champ d’action 1 parle de «consolider les collaborations interdépartementales pour réduire les risques d’exposition aux polluants», et de «mettre à disposition des entreprises des outils pour mieux comprendre les enjeux de la santé au travail». Ailleurs est souligné le besoin d’«articuler le dispositif santé dans le cadre de la politique [générale] de l’enfance et de la jeunesse».
Autonomie des patients/personnes. Le rapport s’engage fortement dans ce sens. «Chacun de nous doit ­rester sujet et non objet de soins, doit pouvoir être et rester autonome, tout en étant accompagné. Cette autonomie est un droit fondamental qui doit non seulement être protégé mais favorisé.» Ceci vaut aussi pour les enfants et les jeunes: «renforcer la prise en compte de leurs droits à l’autodétermination, du respect de leurs valeurs, et favoriser leur implication». 
«Le soin juste». «Le soin juste est équitable, car il ­répond au risque d’inégalité sociale et applique un ‘universalisme proportionné’ [définition donnée à la page 14], respectueux du choix éclairé de la personne, autant que possible exercé dans son cadre de vie. Il ne dépend d’aucun préjugé de condition sociale, de genre, de culture. Le soin juste est d’abord un acte relationnel et secondairement une prestation.»
La qualité des soins. L’espace ne permet pas de l’évoquer en détail, mais le champ d’action 7 en traite, avec six dimensions principales: sécurité, réactivité, efficacité, efficience, équité et «centré-patient» – ou adéquation. Liée à cela, une intention pédagogique: «Déve­lopper chez les professionnels des compétences en matière d’éthique, au plan clinique, social et de la responsabilité publique.»  
jean.martin[at]saez.ch