Complément aux directives ­médico-éthiques de l’ASSM

Prise en charge médicale de personnes suspectées de bodypacking

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Édition
2018/5152
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.17422
Bull Med Suisses. 2018;99(5152):1828-1829

Affiliations
a Prof. Dr méd., membre de la Commission Centrale d’Ethique (CCE) de l’ASSM, Vice-président de la Conférence des médecins pénitentiaires suisses (CMPS)
b lic. iur. MAE, Secrétaire générale adjointe ASSM, responsable du ressort Ethique
c Dr méd., membre de la Commission Centrale d’Ethique (CCE) de l’ASSM, membre du Comité central de la FMH

Publié le 19.12.2018

Les médecins en charge de personnes suspectées de dissimulation intracorporelle de substances illicites (bodypacking) sont confrontés à des attentes contradictoi­res. En concertation avec la Conférence des médecins pénitentiaires suisses (CMPS), la Commission Centrale d’Ethique de l’ASSM a complété les directives «Exercice de la médecine auprès de personnes détenues» par une nouvelle annexe qui clarifie le rôle des médecins impliqués.
Les personnes qui transportent, par-delà les frontières, des drogues dissimulées dans leur corps courent un risque majeur pour leur santé. Les drogues – généralement de la cocaïne – sont réparties en portions de 10 à 20 grammes et avalées (lesdits bodypacks1). Lorsqu’un bodypack éclate, la personne est en danger de mort immi­nente. En cas de soupçons, les garde-frontières peuvent exiger une hospitalisation pour vérifier la présence de bodypacks à l’aide d’une tomographie (CT). La personne suspectée peut néanmoins refuser cet examen, car la CT expose à des radiations. Un tel refus doit être respecté. La surveillance de l’expulsion des paquets jusqu’à la confirmation ou l’infirmation des soupçons est une alternative à la CT.
Les médecins impliqués se retrouvent face à un dilemme, lorsqu’ils sont simultanément chargés de la ­vérification des soupçons de bodypacking et de la surveillance médicale de la personne concernée pour assurer en toute sécurité l’expulsion des produits dangereux. Les rôles d’expert et de thérapeute ne peuvent pas être assumés par le même médecin.

Critique de la Commission nationale de prévention de la torture

Le 3 avril 2017, des médecins du Centre hospitalier du Haut-Valais avaient prié la Commission Centrale d’Ethique (CCE) de l’ASSM de rédiger une prise de position concernant l’attitude à adopter avec les personnes suspectées de bodypacking. Ceux-ci avaient reçu l’ordre de soumettre toutes les personnes suspectées à des examens d’imagerie. Ces mesures avaient été ordonnées sans leur laisser aucune marge de décision. Elles ignoraient également si – et comment – les personnes suspectées avaient été informées de la procédure.
En 2018, la Commission nationale de prévention de la torture a publié un rapport, dans lequel elle a critiqué l’exposition exagérée aux radiations des personnes suspectées de bodypacking, dans le cadre de la procédure de la police des frontières valaisanne.2 Seules 9% des CT réalisées sur les personnes suspectées étaient positives, cela signifie que 91% des personnes examinées ont été exposées inutilement à des radiations. De surcroît, des femmes enceintes auraient subi ces examens, en dépit des risques pour l’enfant à naître. Le rapport stipulait, par ailleurs, que des cliniques de divers cantons envisageaient la possibilité de réaliser des examens radiologiques même en cas d’opposition de la personne suspectée.
D’un point de vue médico-éthique, les circonstances décrites ci-dessus sont inacceptables. Les personnes suspectées de bodypacking qui refusent d’être exposées aux radiations peuvent être prises en charge sans qu’une CT ne soit ordonnée et réalisée sous la contrainte. L’objectif de la nouvelle annexe H des directives «Exercice de la médecine auprès de personnes détenues» de l’ASSM est de soutenir les médecins dans de telles situations et de clarifier leurs rôles en séparant clairement les missions d’experts (preuve de l’existence de bodypacks) et les missions de thérapeutes (surveillance et intervention médicales). Elle aborde également d’importants aspects anamnestiques et thérapeutiques à prendre en compte chez les patients asymptomatiques et symptomatiques. L’annexe souligne, en outre, le risque élevé de suicide dans ces situations et la nécessité d’une surveillance médicale.
L’ASSM recommande aux hôpitaux suisses et aux institutions concernées par le bodypacking d’appliquer les directives médico-éthiques complétées. Les directives et la nouvelle annexe H peuvent être téléchargées sur le site web de l’ASSM: assm.ch/fr/bodypacking.
lic. iur. Michelle Salathé
Secrétaire générale adjointe de l’ASSM
m.salathe[at]samw.ch