L'interprofessionnalité ou l'éloge d'une culture commune

FMH
Édition
2018/44
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.17312
Bull Med Suisses. 2018;99(44):1521

Affiliations
Dr méd., responsable du département Prestations et développement professionnel

Publié le 31.10.2018

L’interprofessionnalité, dans la définition proposée par l’OMS, est «un apprentissage et une activité qui se concrétisent lorsque des spécialistes issus d’au moins deux professions travaillent conjointement et appren­nent les uns des autres au sens d’une collaboration effective qui améliore les résultats en matière de santé» sachant «qu’aucune profession ne peut fournir à elle seule une gamme complète de soins». Chaque mot est pesé. L’interprofessionnalité reste un défi immense car elle correspond à la fin des silos professionnels clos, cela dans une prise en charge collaborative et globale du pati­ent. Les clivages ne disparaîtront pas en quelques jours et la fragmentation des soins persistera encore tant qu’une promotion proactive des soins interprofessionnels ne sera instaurée pour une médecine de haute qualité basée sur une culture commune tournée vers l’efficience des soins et la sécurité du patient.
Développer une culture commune signifie aller au-delà des préjugés, des malentendus, de la simple union des compétences et des prises de position politiquement étroites où chaque profession ne recherche que ses propres intérêts. Les professionnels de la santé doivent tendre à s’allier dans le seul but d’améliorer le bien-être du patient. Il est temps de développer une culture du dialogue constructif, de la coordination des soins, du travail en équipe, d’outils informatiques communs, de la reconnaissance des qualités professionnelles de l’autre et de son expertise, de s’ouvrir à un même langage amenant à la transparence, au respect et à la compréhension mutuelle. Cela devra se faire dans une clarification des rôles autour d’une volonté commune où la notion fondamentale de la responsabilité est essentielle.
Avoir une culture commune implique d’avoir un vécu partagé et des bases communes. Ainsi de nombreux projets voient le jour dans les universités et hôpitaux suisses comme le CAIPE à Berne, le CIS à Genève ou le Careum Center à Zurich. L’organisation et la concep­tualisation du développement d’une éducation inter­professionnelle s’inscrit dans une volonté de trans­parence, de communication, de travail en équipe, de définition du leadership, de soutien mutuel avec un haut contrôle de la qualité basé sur les analyses comparatives des données et des processus de soins. Ces modèles éducatifs reçoivent une forte acceptation par les étudiants. L’interprofessionnalité se doit de développer le «learn with, from and about each other». Cet apprentissage, véritable curriculum interprofessionnel, doit amener à des bases de connaissances communes dans des modèles de bonnes pratiques.
Il ne peut y avoir de développement et d’intégration dans les soins directs au patient sans un financement clair de projets innovants dans le domaine de l’interprofessionnalité, mais aussi de positions tarifaires qui permettent la rémunération des collaborations interprofessionnelles entre experts de domaines respectifs. Cette impulsion doit également s’accompagner de la création d’espaces de temps et de places dans le cursus de formation médicale universitaire dédiés à l’interprofessionnalité. C’est un défi qui doit être rapidement relevé dans une période proche où la pénurie de professionnels de la santé est annoncée. L’interprofessionnalité permet selon plusieurs études d’éviter des départs anticipés en raison d’une satisfaction augmentée du personnel, d’un nombre de conflits diminué dans un cadre de travail basé sur l’efficience où les ressources à disposition sont utilisées au mieux.
L’interprofessionnalité tend au cœur de tous les métiers de la santé: la prise en charge optimale et globale du patient complexe dans une culture commune.