ÂME et DOULEUR

Horizonte
Édition
2018/38
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.17134
Bull Med Suisses. 2018;99(38):1298-1299

Affiliations
Dr méd., Spécialiste en Médecine générale, expert SIM, ancien titulaire pour l’homéopathie à la faculté de médecine de Berne, membre de la FMH

Publié le 19.09.2018

Introduction

Au cours des dernières semaines cinq articles publiés dans le Bulletin des Médecins Suisses m’ont porté aux réflexions suivantes, et en particulier sur la question concernant une nouvelle image de l’homme ainsi que sur la discussion dialectique entre la douleur et la souffrance.
– Piet van Spijk. Die Medizin: Auf der Suche nach ­einem neuen Menschenbild [1].
– Roland Schreiber. Chronische Schmerzen und Arbeitsfähgkeit [2].
– Walter Kissel. Das somatoforme Schmerzsyndrom [3].
– Rolf H. Adler. Nicht jedes Leiden braucht eine Diagnose [4].
– Hedi Meierhans. Quantenphysik – Basis für ein neues Weltbild [5].

Douleur – Souffrance

Avant d’aborder cette discussion dialectique il importe de mettre au clair le terme de la santé : les dernières années la définition d’un bien-être bio-psycho-social a été majoritairement reconnu. A mon avis cette défi­nition me paraît insuffisante et je préfère décrire la santé comme la capacité d’un organisme vivant à se main­tenir dans un équilibre bio-psycho-social, car il s’agit en fait d’une performance dynamique, active et permanente à accomplir face aux exigences de la vie quo­tidienne (telles que le clima, l’alimentation, les in­fections, blessures, soucis, agressions, humiliations, déracinement, etc.).
Si cet équilibre dynamique ne peut plus être maintenu (grâce aux forces d’auto-guérison encore inconnues), l’organisme nous communique à l’aide de nos forces ­vitales innées par des symptômes qu’il y a un problème non résolu.
La douleur est un de ces symptômes qui, en situation aiguë, se manifestera de manière plus ou moins loca­lisée, ce qui permet souvent de l’associer à une structure corporelle perturbée. Ceci nous amène en général vers un diagnostic qui, comme nous l’avons tous appris, est à poser avant de prendre une décision thérapeutique. En cas d’une blessure physique, d’une fracture, d’une colique ou d’une inflammation, l’évidence ne pose guère de problèmes et le traitement approprié peut être mis en route.
Mais nous savons également tous, comme l’ont d’ailleurs décrit et discuté les confrères Schreiber [2], Kissel [3] et Adler [4], que la douleur peut se chronifier, qu’elle peut perdre son lien avec la lésion initiale et qu’elle peut devenir autonome, une situation qui a été mis en évidence par les récentes recherches neurophysiologiques. La douleur a perdu son caractère de signal aigu d’alarme, elle se transforme en souffrance. Malheureusement elle peut néanmoins maintenir sa localisation à l’endroit de la lésion initiale pourtant guérie, ce qui, pour la personne concernée, rend difficile, voire impossible, d’établir un lien avec une cause plus profonde, immatérielle.
Le confrère Kissel [3] a bien décrit une différence de ces douleurs chroniques en primaires (= dépressives) et ­secondaires (= musculaires) dont je confirme l’importance, mais dans mon expérience en tant qu’expert SIM j’ai pu constater que les mélanges et recoupements sont très fréquents et complexes. Ceci rend aussi les expertises de ces patients si difficiles comme l’ont bien décrit les confrères Schreiber [2] et Kissel [3].
Ces patients nous mettent en face à une souffrance qui est ressentie et manifestée de manière individuelle et unique. Elle ne peut donc pas être forcée dans un diagnostic (CIM-10 F45.4) [4], un cadre, une entité mesurable ou un pourcentage.
La perception d’une telle souffrance, d’une telle situation, a toujours été, est, et restera un travail et devoir médical. Il s’agit de cerner cette personne en souffrance avec toutes ses facettes, soucis, conflits et humiliations d’une part, sa condition corporelle [3] d’autre part, de la comprendre, de la ressentir et ainsi lui ­garantir le ­respect hippocratique et la rassurer dans sa dignité.
La méthode bio-psycho-sociale, l’homéopathie, la médecine traditionnelle chinoise MTC, la médecine ayurvédique ont développé et formulé ce genre d’approche. Il n’y a donc pas besoin de définir une nouvelle image de l’homme, mais de se servir d’un bon sens, de l’empathie et d’élargir sa façon de regarder.
Le Tribunal fédéral dans son jugement de juin 2015 a entrepris une tentative juridique dans cette direction. Je souhaiterais que l’AI puisse agir dans ce respect de ces individus en souffrance en attribuant des rentes partielles (éventuellement limitées dans le temps). Cette reconnaissance «officielle» d’une souffrance inca­pacitante aurait un effet indéniable sur la dignité de la personne en question et lui permettrait de garder un espoir en vue d’une existence gardant un sens, tout en ayant une influence positive sur la réceptivité thé­rapeutique et la motivation participative [2]. Il s’agit d’interrompre le cercle vicieux fatal établi ou au mieux en empêcher son installation.

Conclusions

J’aimerais revenir à la question de l’image de l’homme [1] et le thème de son âme. Nous savons aujourd’hui que les plantes ont une conscience, que les arbres communiquent entre eux, que les animaux ont des capa­cités de perceptions et de communications presque inimaginables. R. Sheldrake a postulé et décrit les champs morphogénétiques, C.G. Jung a analysé les phénomènes de synchronicité. Il existe d’innombrables récits et descriptions de transferts d’informations chez/par des organismes vivants qui nous obligent à évaluer, accepter et même utiliser de nouvelles formes de transferts informatiques.
Souvenez-vous du moment où vous êtes tombé amoureux la première fois: dans l’instant même vous étiez un être totalement transformé. Les 20 minutes de rééquilibrage hormonal ou les 120 m/sec de conduction nerveuse ne suffisent pas à expliquer ce phénomène. C’est par les électrons se servant de la matrix du tissu conjonctif (notre «net» corporel) que l’organisme a été informé instantanément (à la vitesse lumière). De manière générale et simplifiée on peut postuler que l’intensité de nos ressentis (beauté, musique, sentiments) correspond à une forme d’effet de résonance sur la base que tout l’univers n’est que oscillations.
La physique quantique [5] s’approche de cette limite, car le phénomène de l’intrication («entanglement») des particules au delà du temps et de l’espace nous met en rapport avec tout et tous dans notre univers (EPR-Paradoxon).
C’est l’information spirituelle non mesurable et non saisissable de chaque individu unique qui anime et ­pénètre le substrat matériel de notre existence, et qui ainsi incite et utilise ce substrat matériel pour exprimer des symptômes, donc communiquer la présence d’une harmonie perturbée (on peut évoquer l’image d’une «software biologique» agissant sur le «hardware» de notre corps).
Cette entité spirituelle, que l’on peut nommer «âme» ou pas, est indestructible, immortelle et s’enrichit avec chaque expérience de chaque être humain (ou animal ou végétal), c’est-à-dire que cette information acquise au cours d’une existence reste présente après la mort et se joint et contribue à la connaissance collective de l’humanité et de l’univers. Les êtres ayant un don de médiumnité ont accès à cette information.
Chaque être humain est un système ouvert de sous-­systèmes ouverts et en même temps un être unique ­individuel, mais faisant part de l’ensemble, si bien que nous ne serons jamais capable de pouvoir observer le fonctionnement de notre cosmos comme un observateur externe. Les physiciens du CERN le savent bien, car rien qu’en réfléchissant sur leurs expérimentations, ils en influencent et modifient le déroulement.
La source ou forme énergétique qui règle et dirige notre univers reste en dehors de notre perception par notre propre intrication [5].
C’est pour cela que nous n’avons pas besoin d’une nouvelle image de l’homme, il suffit d’élargir notre regard au delà de la pensée cartésienne vers une post-materialistique [6].
Dr A. Thurneysen
Rue Centrale 19
CH-1580 Avenches
a.thurneysen[at]bluewin.ch
1 Van Spijk P. Die Medizin: Auf der Suche nach einem neuen ­Menschenbild. Bull méd suisses. 2018; 99(19-20): 633–4.
2 Schreiber R. Chronische Schmerzen und Arbeitsfähigkeit. Bull méd suisses. 2018; 99(22): 724–6.
3 Kissel W. Das somatoforme Schmerzsyndrom. Bull méd suisses; 2018; 99(23): 768–71.
4 Adler R. Nicht jedes Leiden braucht eine Diagnose. Bull méd ­suisses. 2018; 99(24): 814–5.
5 Meierhans H. Quantenphysik – Basis für ein neues Weltbild. Bull méd suisses. 2018; 99(24): 797–8.
6 http://opensciences.org/about/manifesto-for-a-post-materialist-­science