Académie Suisse des Sciences Médicales

Suspensions de prestations: appel à témoignages!

Weitere Organisationen und Institutionen
Édition
2018/35
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.17049
Bull Med Suisses. 2018;99(35):1138-1139

Affiliations
lic. iur. Michelle Salathé, MAE, responsable du ressort Ethique, Secrétaire générale adjointe de l’ASSM

Publié le 29.08.2018

Le cas d’un patient du canton des Grisons a fait la une des médias: atteint du virus HIV, ses médicaments lui ont été refusés, faute de paiement des primes d’assurance. Il est décédé fin 2017 des suites d’une maladie concomitante. Suite à cet événement, la Commission Centrale d’Ethique de l’ASSM (CCE) a été invitée à prendre position sur le thème des suspensions de prestations. Afin d’avoir un aperçu de la pratique, elle a réalisé, en 2018, une enquête non représentative. L’ASSM souhaite approfondir le sujet en recueillant des témoignages de la pratique.
Depuis 2012, les cantons doivent prendre en charge 85% des participations aux coûts et des primes arriérées pour lesquelles un acte de défaut de biens a été délivré.1 Ils peuvent, pour leur décharge, tenir une «liste noire» des mauvais payeurs de primes. Par la suite, la prise en charge des prestations fournies à ces assurés, à l’exception de celles relevant de la médecine d’urgence, est suspendue. Ces «listes noires» font l’objet de débats controversés; de nombreux cantons n’ont pas même introduit une telle liste ou envisagent de l’abandonner.2
La Commission Centrale d’Ethique de l’ASSM (CCE) s’est attachée à ce thème et, afin d’avoir un aperçu de la pratique, a réalisé en 2018 une enquête non représentative. Un questionnaire a été adressé aux médecins-chefs des unités d’urgence des cinq hôpitaux universitaires et de huit hôpitaux cantonaux. Il s’agissait en premier lieu de déterminer si la pratique actuelle est compatible avec le devoir médical de traitement et d’assistance. Dix médecins-chefs (de trois hôpitaux universitaires et de sept hôpitaux cantonaux) ont retourné le questionnaire principal concernant le domaine stationnaire; six d’entre eux ont également répondu aux questions subsidiaires concernant le secteur ambulatoire.
Parmi les dix médecins répondants, six d’entre eux (deux issus d’hôpitaux universitaires, quatre d’hôpitaux cantonaux) ont signalé l’existence d’une telle «liste noire» dans leur canton. La majorité de ces hôpitaux dispose également de directives générales relatives au traitement des patients dont la couverture des frais est imprécise ou insuffisante. Néanmoins, seul un des dix médecins-chefs (hôpital universitaire) a révélé que des suspensions de prestations étaient réellement prononcées. Dans cet hôpital, une mention correspondante est apportée au dossier du patient par l’administration des patients, par le service de garantie des coûts ou par le médecin traitant. Une telle mention n’implique toutefois pas une limitation des prestations en cas de soins médicaux d’urgence ne pouvant pas être reportés (y compris les traitements de longue durée, immédiatement et absolument indispensables). La limi­tation ne concerne que les traitements médicaux pouvant être reportés; à titre d’exemple on peut citer les dosages et les ajustements de médicaments et les suivis de grossesses.
Il a été explicitement demandé aux médecins s’ils avaient vécu personnellement des situations incompatibles avec leur devoir de traitement et d’assistance. Aucun d’entre eux n’a indiqué avoir vécu une telle situa­tion. Le médecin-chef d’un hôpital universitaire a souligné que «en tant que médecins urgentistes, nous allons très loin dans le diagnostic et le traitement des patients qui ne sont pas assurés. Evidemment, cela peut mener à des conflits avec l’administration, mais pour nous, la priorité reste le traitement efficace du patient.» Néanmoins, certaines questions restent ouvertes, telles que la sous-occupation des unités d’urgence, la répartition des charges entre l’hôpital public et l’hôpital privé ou les médecins de famille qui refusent des patients.

Des différences entre les domaines
ambulatoire et stationnaire?

Au vu des réponses, on peut supposer que toutes les patientes et tous les patients ont accès à des soins d’urgence impossibles à différer, parmi lesquels également des traitements de longue durée, immédiatement et absolument indispensables. Dès lors, il est surprenant de constater que sept des personnes interrogées aient néanmoins souhaité que la CCE de l’ASSM s’exprime sur les suspensions des prestations. L’une des réponses à une question subsidiaire concernant le domaine ambulatoire pourrait apporter une explication.
S’agissant de traitements de suivi ambulatoires absolument nécessaires (par exemple traitement oncologi­que), la moitié des répondants ont indiqué que dans leur hôpital, les médicaments, au lieu d’être directement délivrés, sont disponibles sur prescription. «Je ne vois aucun problème important au sein d’un hôpital public. Les patients dont les prestations ont été bloquées obtiennent le traitement nécessaire. Le problème se pose lorsque la pharmacie ne délivre plus de médicaments (exemple vécu d’un patient en défaut de paiement ayant subi une transplantation cardiaque)», dixit le médecin-chef d’un hôpital cantonal.
Même si les résultats de cette enquête non représentative ne sont pas alarmants, il importe de garder à l’œil cette problématique. Il n’y a aucune raison de supposer que le nombre de mauvais payeurs va diminuer. En même temps, les hôpitaux subissent une pression économique croissante. Ceux-ci pourraient alors être tentés de développer des stratégies pour se «débarrasser» des patientes et des patients qui génèrent des coûts qui restent à la charge de l’hôpital.

Des témoignages pour approfondir le sujet

La CCE de l’ASSM est particulièrement intéressée par des témoignages concernant les questions suivantes:
– La délimitation entre les traitements d’urgence et les autres traitements (nécessaires) est-elle clairement réglée?
– Qui, dans la pratique, détermine s’il s’agit d’une urgence devant être traitée ou non?
– Qui décide des traitements devant être appliqués après la situation d’urgence?
– Existe-t-il des groupes de patients pour lesquels l’accès aux soins médicaux d’urgence est compliqué?
– Certaines interfaces (par exemple stationnaire-ambulatoire) risquent-elles de compromettre un traitement de suivi absolument indispensable?
– Est-il souhaitable que la CCE de l’ASSM s’exprime sur le thème des «traitements d’urgence et des suspensions de prestations»?
Les réponses peuvent être adressées à l’adresse ci-contre.
Michelle Salathé
Secrétaire générale ­adjointe de l’ASSM
Laupenstrasse 7
CH-3001 Berne
m.salathe[at]samw.ch