Etude du dossier en l’absence de logique

Zu guter Letzt
Édition
2018/38
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.17029
Bull Med Suisses. 2018;99(38):1302

Affiliations
Prof. Dr méd., Institut de médecine de famille, Université de Fribourg et cabinet médical à Pully

Publié le 19.09.2018

Il semblerait que les médecins passent non seulement trop de temps avec leurs patients, mais surtout sans eux. Et pourtant, j’apprécie la consultation courte, type angine, où l’on ne découvre pas une tension à 180, où le patient ne parle pas de ses douleurs thoraciques ­nouvelles ou d’un rapport non protégé récent. Depuis 2018, la consultation est limitée à 20 minutes en-dessous de 75 ans, sauf pour «les cas exceptionnels», ­notamment les patients multimorbides ou la maladie grave, par exemple la maladie cancéreuse instable. Faudra-t-il justifier la durée plus longue de consultation au nombre de métastases? Et pour une monopathologie complexe, par exemple une sclérose latérale amyotrophique avancée ou une fibromyalgie? C’est la porte ouverte à une médecine simpliste qui limitera le temps accordé aux troubles fonctionnels, alors que ces patients demandent plus d’examens s’ils se sentent peu entendus. Et le besoin de plus de temps en raison d’une différence de langue ou de culture? Examiner un patient avec une bronchite ­aiguë, puis le convaincre de l’inutilité des antibiotiques m’a souvent pris plus de 20 minutes. Les médecins qui voient de nombreux patients par jour font plus de prescriptions inappropriées d’antibiotiques, probablement par manque de temps pour informer [1]. Comme une étude du Commonwealth montre que la consul­tation dure en moyenne 15 minutes [2] en Suisse, les «20 minutes de la consultation de base couvrent ce ­besoin» selon l’OFSP [3]. Toutefois, cette étude montre que 24% des consultations durent 25 minutes ou plus. Heureusement que notre moyenne n’est pas la même qu’au Bangladesh [4], car nous serions limités à 48 secondes... Et la limitation des examens cliniques chez un patient instable, par exemple un insuffisant cardiaque?
La position en absence du patient est désormais limitée, vu qu’elle serait aussi facturée pour des activités sans contact avec le patient, par exemple les pauses légales ou les trajets à l’intérieur du cabinet [5]. Combien de médecins, au retour d’un jour de congé, inscrivent des prestations d’absences à des patients tirés au ­hasard? Par ailleurs, d’un unique libellé, on passe à 15, censés mieux décrire au patient cette période obscure de l’activité des médecins. Un réseau récent en l’absence du patient, pour lequel existait donc précédemment une seule position, a donné le résultat suivant: lorsque j’ai parlé du patient, j’ai facturé la position 00.0144. Le curateur n’étant pas soignant, c’est la position «obtention d’informations» pour mes questions et «renseignements donnés à d’autres personnes» pour mes réponses. Tout ceci à la minute près (à quand à la seconde?), sachant qu’après 60 minutes de réseau, j’avais épuisé mon quota pour 3 mois. Est-ce bien utile? L’augmentation des prestations en absence ne serait-elle pas surtout liée au vieillissement de la population, à la plus grande complexité des patients, au développement de l’interprofessionnalité ou aux séjours hospitaliers plus courts?
Le monitoring de cette régulation ne sera-t-il que finan­cier? Si le temps passé à éviter des prescriptions et examens inutiles n’est plus rémunéré, cela risque d’influencer d’autres coûts. Concernant le fondement de notre activité que sont l’anamnèse et le status, la tarification au temps est probablement le moyen le plus juste et le plus contrôlable de l’activité médicale, mais elle doit être adaptée à l’individu plutôt que régulée de manière absurde.
pierre-yves.rodondi[at]unifr.ch
1 Cadieux G, et al. Predictors of inappropriate antibiotic prescrib­ing among primary care physicians. CMAJ 2007;177(8):877–83.
2 Primary Care Physicians in Ten Countries Report Challenges Caring for Patients with Complex Health Needs. https://www.commonwealthfund.org/publications/journal-article/2015/dec/primary-care-physicians-ten-countries-report-challenges; ­Zugriff am 7.7.2018
3 «Der Kontakt zwischen Arzt und Patient ist nicht auf 20 Minuten beschränkt.» https://www.bag.admin.ch/bag/de/home/aktuell/news/news-09-01-20182.html; Zugriff am 7.7.2018
4 Irving G, et al. International variations in primary care physician consultation time: a systematic review of 67 countries. http://dx.doi.org/10.1136/bmjopen-2017-017902
5 Änderung der Verordnung über die Festlegung und die Anpassung von Tarifstrukturen in der Krankenversicherung. https://www.bag.admin.ch/bag/de/home/themen/versicherungen/krankenversicherung/krankenversicherung-revisionsprojekte/aenderung-verordnung-festlegung-anpassung-tarifstrukturen-krankenversicherung.html; Zugriff am 20.7.18