Réponse à l’éditorial intitulé « Back to Bedside! »

Briefe / Mitteilungen
Édition
2018/22
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.06794
Bull Med Suisses. 2018;99(22):708

Publié le 30.05.2018

Réponse à l’éditorial intitulé 
«Back to Bedside!»

Cher Confrère,
Votre éditorial témoigne de votre préoccupation marquée pour la formation postgraduée et nous relevons votre intérêt concernant les résultats de notre étude publiée en 2017 [1].
Votre interprétation des résultats de l’étude nous semble malheureusement incomplète ce qui peut conduire le lecteur à tirer des conclusions erronées qui ne permettent pas d’élaborer des propositions constructives d’amélioration de la formation postgraduée.
Cette étude n’avait pas pour objectif d’évaluer l’offre en formation postgraduée au sein de notre service. Le but de l’étude était de mesurer le temps consacré quotidiennement par les médecins assistant-e-s à des activités spécifiques sur une courte durée d’observation.
L’offre de formation décrite dans le concept de formation de notre service est strictement ­appliquée et dépasse les exigences ISFM. Nous avons instauré des après-midis de formation postgraduée portant sur des compétences cliniques, de communication ou sur des aspects de professionnalisme et de gestion de l’erreur. De telles journées de formation ont volon­tairement été exclues de l’observation dans notre étude, car elles n’étaient pas représen­tatives du quotidien de médecin assistant-e. Citons également la formation hebdomadaire par e-learning basée sur l’interprétation d’images cliniques, radiologiques ou tests fonc­tionnels [2] ou encore les nombreux ateliers spécifiques pour les médecins assistant-e-s plus seniors: ateliers de simulation pour les gestes invasifs ou d’ultrasonographie au lit du malade (POCUS). Cette liste ne comprend pas l’ensemble des formations dites «non structurées», qui sont données par un chef de clinique ou par les médecins cadres en l’absence du patient, les temps de transmission, les discussions dans les colloques multidisciplinaires, les interactions avec les consultants et les multiples procédures cliniques sous super­vision directe.
Ensuite, votre interprétation superficielle des résultats de notre article peut suggérer que le temps de contact direct avec les patients – soit 1,7 heure par jour – dans un secteur hospitalier est court. Toutefois, c’est méconnaître la littérature médicale qui montre que ce temps est similaire à celui des études publiées dans les années 60–70 [3, 4]. Notre étude présente donc la réalité dans la plupart des hôpitaux suisses. Les mêmes résultats ont été reproduits à l’hôpital de Baden avec une méthodologie similaire.
La vraie gageure de la formation postgraduée d’un-e médecin en 2018 est d’être capable d’intégrer tous les impératifs de professionnalisme, d’efficience et de gestion complexe des patients de plus en plus âgés admis dans nos hôpitaux. Les aspects interprofessionnels et interdisciplinaires sont prioritaires sans oublier les dimensions familiales, sociales, économiques, ainsi que la gestion des données biologiques, radiologiques, informatiques et bientôt génétiques à disposition.
Nous sommes tous convaincus de la valeur centrale de la clinique accomplie au lit du ­malade («bedside»). Cependant, force est de constater que le temps où le médecin s’assoyait auprès d’un malade pour poser un diag­nostic en se fondant sur la seule clinique est révolu. La médecine actuelle se base sur une approche intégrative incluant des données cliniques, biologiques, sociales et interdisciplinaires.
Pleinement conscients des défis que cette évolution constitue, nous nous efforçons d’y répondre, en adaptant cette nouvelle organisation du travail à l’augmentation des demandes de postes à temps partiel et aux 46 heures par semaine de travail dès 2019 dans le canton de Vaud. Faisant suite aux résultats de notre étude [1], le Département de Médecine du CHUV a entrepris des réformes profondes et si tous nos objectifs sont encore loin d’être atteints, nous aurions préféré lire un éditorial avec des propositions innovantes sur le défi que constitue l’organisation de la formation postgraduée du futur.
Nous espérons que l’ISFM saura donner des lignes directrices innovantes pour mieux former les médecins en intégrant la complexité des prises en charge modernes et les modi­fications profondes de notre société, où nos jeunes médecins sauront travailler avec efficience, professionnalisme et empathie avec des horaires permettant un épanouissement professionnel et personnel plus approprié que celui les générations précédentes.
En nous réjouissant de partager nos visions et nos engagements dans la formation pré- et postgraduée de nos médecins assistant-e-s lors d’une prochaine rencontre avec l’ISFM, nous vous prions de recevoir, cher Confrère, nos respectueuses salutations.