Publication de l’itinéraire clinique des patients atteints du cancer colorectal

Publication de l’itinéraire clinique des patients atteints du cancer colorectal: une étape importante a été franchie

FMH
Édition
2018/07
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2018.06435
Bull Med Suisses. 2018;99(07):198-201

Affiliations
a lic. rer. oec., cheffe de la division DDQ/ASQM, Berne; b Dr, oncologie médicale et médecine interne générale, MAE, Past President SSOM et SFSM, Dielsdorf; c Dr, médecine interne générale, FACP, Past President SSMIG, Affoltern a. A.

Publié le 14.02.2018

Le projet pilote «Itinéraire clinique des patients atteints du cancer colorectal» a permis à 20 organisations concernées (sociétés de discipline médicale et autres groupes professionnels) de suivre une approche structurée de bas en haut (bottom-up) pour élaborer et adopter des standards minimaux permettant aux patients de bénéficier de soins de qualité élevée, quel que soit leur lieu de résidence, sur la base de directives (inter)nationales fondées sur l’évidence scientifique. Le schéma clinique ­publié s’applique à tous les patients atteints d’un cancer colorectal. Il tient compte aussi bien des aspects liés à la tumeur primaire qu’à la comorbidité et à l’espérance de vie. Une évaluation approfondie devrait permettre de déterminer si ce schéma générique peut être transposé au plan national à d’autres maladies onco­logiques ou non oncologiques.

Contexte

Suite à la spécialisation et aux progrès de la prise en charge médicale, de plus en plus de professionnels sont associés aux investigations et aux traitements des patients. De ce fait, les patients sont suivis de manière séquentielle ou parallèle par différents médecins spécialistes et professionnels de santé sur la base de guides de pratique (guidelines) qui, dans l’idéal, sont au niveau actuel des connaissances. Cependant, une coordination efficace des processus thérapeutiques complexes doit être mise en place pour assurer un accompagnement compétent des patients et éviter des doublons ainsi que des retards de traitement inutiles. Les patients ont besoin d’une collaboration interdisciplinaire et interprofessionnelle optimale parce que le traitement de nombreux cancers implique l’intervention de médecins spécialistes de différentes disciplines et d’experts d’autres groupes professionnels.

Focus sur le cancer colorectal

Même si l’élaboration d’itinéraires cliniques/thérapeutiques est au cœur de la «Stratégie nationale contre le cancer 2014–2020», la Suisse manque encore de données sur les coûts et sur la valeur ajoutée de l’implémentation de tels itinéraires cliniques. Pour répondre à ces questions, l’ASQM a lancé en 2013 le projet pilote «Itinéraire clinique des patients atteints du cancer colorectal». Le choix du cancer colorectal s’est imposé naturellement car ce tableau clinique exige une collaboration interdisciplinaire et interprofessionnelle. De plus, le projet s’étend du dépistage aux soins de fin de vie, en passant par les soins primaires curatifs. Il traverse tout l’éventail de prise en charge ambulatoire et hospitalière, du cabinet médical lors de la détection de sang dans les selles par un généraliste à la chirurgie hautement spécialisée avec l’ablation des métastases hépatiques.
Figure 1: Concept (à court et long terme).

Objectifs du projet

Les représentants des 20 organisations concernées ont élaboré ensemble des standards minimaux permettant à un patient atteint du cancer colorectal de béné­ficier d’un traitement standardisé de haute qualité et parfaitement coordonné, fondé sur des guides de pratiques (inter)nationaux reconnus, quel que soit son lieu de résidence.
Le projet vise à structurer le contenu de l’itinéraire clinique mais aussi à déterminer les coûts de sa mise en place et la valeur ajoutée de son implémentation (interface ambulatoire/hospitalier) et à recueillir et analyser les expériences liées à la collaboration interprofessionnelle.

Un large soutien

20 organisations ont participé à l’élaboration et à l’adoption de l’itinéraire clinique des patients atteints du cancer colorectal. Le tableau 1 liste les disciplines médicales et les différentes professions de santé impliquées dans le traitement du cancer colorectal, citons notamment les soins oncologiques, la stomathérapie ou les conseils diététiques. Comme les membres de l’équipe de projet (voir encadré) ont été officiellement délégués par leur organisation professionnelle respective, le projet pilote a bénéficié dès le départ d’un soutien professionnel et politique. Nous en profitons pour remercier infiniment les membres de l’équipe de projet pour leur engagement sans faille sans lequel ce projet n’aurait pas vu le jour.
Tableau 1: Liste des spécialisations impliquées.

Itinéraire clinique du cancer colorectal: méthode et résultat

Le projet a suivi une approche structurée et multidisciplinaire de type bottom-up. Toutes les décisions au sein de l’équipe de projet englobant les 20 organisations ont été prises par consensus. La gestion globale du projet a été soumise à une planification stricte car ce projet de l’ASQM et des 20 organisations s’attaquait à un domaine encore jamais abordé en Suisse ni dans le monde.
Les 20 organisations ont adopté les recommandations ci-dessus pour le schéma en trois étapes s’appliquant aux patients atteints du cancer colorectal (www.fmh.ch/files/pdf18/00_Schma_de_litinraire_clinique1.pdf).
Dans un premier temps, les 20 organisations ont défini les différentes interventions-clés2 associées à chaque étape de l’itinéraire clinique pour leur propre domaine de spécialisation. Dans un second temps, elles ont convenu d’un set d’interventions-clés commun. L’évidence scientifique de ces interventions est indiquée de manière transparente. Au cours des travaux, elles ont décidé de fonder leur itinéraire clinique sur les guides de pratique du National Comprehensive Cancer Network (NCCN) car ceux-ci présentent la meilleure documentation de l’évidence scientifique et font l’objet de mises à jour régulières (NCCN, www.nccn.-org). Cependant, dans les domaines où il existe des recommandations / directives nationales reconnues, ces dernières ont priorité sur les guidelines du NCCN. Dans le schéma d’itinéraire clinique (fig. 2), chaque nouvelle étape de la maladie exige des mesures-clés de diagnostic/staging et des examens de base. Ces mesures sont indispensables pour déterminer les stades «potentiellement curables», «probablement incurables» et les «situations de fin de vie» si on veut établir un itinéraire clinique interdisciplinaire adapté à la situation. Des critères minimum ont été définis pour les discussions de cas interdisciplinaires (tumorboards) afin de maximiser leur utilité.
Figure 2: Recommandations de l’itinéraire clinique des patients atteints du cancer colorectal.
L’itinéraire clinique est un instrument d’assurance et de développement qualité pour une prise en charge interdisciplinaire fondée sur l’évidence scientifique. Il ne s’applique qu’aux cas standard et ne sert en aucun cas de mode d’emploi dans toutes les situations. L’équipe de soins tient compte de la situation individuelle du patient (y compris de ses comorbidités) et décide, au cas par cas, si le traitement doit (ou peut) être effectué selon l’itinéraire clinique, et dans quelle mesure. Tout écart par rapport aux guides de pratique doit cependant être justifié.
Le total des coûts (y compris les heures de travail de l’ASQM et des organisations impliquées ainsi que les heures non rémunérées des membres de l’équipe de projet) pour le développement et l’adoption de l’itinéraire clinique présenté ici se montent à CHF 700 000 environ. Ces dépenses ont été intégralement prises en charge par les organisations impliquées.

Prochaines étapes / perspective

Avec l’adoption et la publication de l’itinéraire clinique des patients atteints du cancer colorectal, l’ASQM et les 20 organisations impliquées ont franchi une première étape qui a suscité l’attention en Suisse mais également au niveau international. La prochaine étape du projet consistera à mettre à jour, à évaluer et à adapter régulièrement le présent schéma ainsi que les guides de pratique et les recommandations correspondantes.
Parallèlement, les prestataires médicaux et médico-thérapeutiques devront intégrer le présent schéma dans leur travail quotidien avec les patients. Cela impliquera de définir des régions pilotes dans lesquelles une étude concomitante permettra de déterminer les coûts et la valeur ajoutée. Les résultats de cette recherche concomitante sont essentiels en vue de l’élaboration éventuelle d’autres itinéraires cliniques.
En plus des guides de pratique et des recommandations qui décrivent le traitement standard pour les fournisseurs de prestations, nous développons avec l’Institut Dialog Ethik (avec la participation d’experts internationaux) des critères de qualité pour l’information aux patients afin de faciliter à ces derniers la prise de décision.

Membres de l’équipe de projet

Jürg Pfisterer (co-direction); Jürg Nadig (co-direction); Esther Kraft (co-direction); Varja Meyer (co-direction jusqu’en 2016); Gieri Cathomas (Société suisse de pathologie); Regula Capaul (Société suisse de médecine interne générale); Stephan Vorburger (Société suisse de chirurgie); Peter Bauerfeind (Société suisse de gastroentérologie); Florian Strasser (Société suisse de médecine et de soins palliatifs); Felicitas Hitz (Société suisse d’oncologie médicale); Christoforos Stoupis (Société suisse de radiologie); Stephan Eberhard (Oncoreha); Adrienne Imhof (Société suisse de chirurgie viscérale); Judith Adler (Société suisse de psycho-­oncologie); Annette Ringger (Société suisse de chirurgie générale et traumatologie); Antonio Nocito (Société suisse de chirurgie viscérale); Michael A. Patak (Société suisse de radiologie); Niklaus Schäfer (Société suisse de médecine nucléaire); Martin Hübner (Société suisse de chirurgie viscérale); Frank Zimmermann (Société suisse de radiooncologie SRO); Irène Bachmann-Mettler (Soins en oncologie Suisse); Béatrice Lütolf (Physioswiss); Moni­c­a Rechsteiner (Association suisse des diététicien-ne-s); Yvonne Fent (Association suisse des stomathérapeutes ASS); Maya Zumstein-Shaha (Association suisse pour les sciences infirmières APSI); Nadine Behnke (Société suisse de médecine et de soins palliatifs); Jürg Bernhard (Société suisse de psycho-oncologie); Elisabeth Portmann (Société suisse de travail social dans les hôpitaux).
ASQM / FMH
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