Progrès fulgurants en neurologie (2e partie)
Amélioration des soins médicaux: quels bénéfices en retour des dépenses consenties?

Progrès fulgurants en neurologie (2e partie)

FMH
Édition
2017/44
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.06151
Bull Med Suisses. 2017;98(44):1440–1441

Publié le 31.10.2017

Ces 20 dernières années, la neurologie a connu des changements fondamentaux, parfois révolutionnaires, dans les concepts et les succès thérapeutiques. Des maladies comme la maladie de Parkinson, les épilepsies et les polyneuropathies qui étaient incurables auparavant peuvent désormais être traitées par de nouvelles méthodes thérapeutiques rationnelles. Avec à la clé une nette amélioration de l’espérance et de la qualité de vie, et une réduction des coûts d’invalidité.

Maladie de Parkinson – prolonger ­l’autonomie

Les troubles moteurs concernent en Suisse de nombreux patients. A elle seule, la maladie de Parkinson touche environ 15 000 personnes – un chiffre qui devrait continuer d’augmenter avec l’évolution démographique. Hormis la maladie de Parkinson avec ses symptômes progressifs et fortement invalidants comme l’immobilisme, la rigidité, les tremblements et l’instabilité posturale, il existe beaucoup d’autres troubles moteurs. Par exemple, le tremblement essentiel provoque des tremblements involontaires, les dystonies souvent méconnues se manifestent par des contractures persistantes et invalidantes et par de mauvaises postures et de nombreuses maladies génétiques comme par exemple les maladies du cervelet entraînent des troubles de la coordination.
Un parfait exemple de la forte augmentation des pos­sibilités thérapeutiques des 20 dernières années est 
la stimulation cérébrale profonde (SCP) qui, grâce à ­l’implantation d’un «stimulateur cérébral», permet de normaliser les fonctions cérébrales et de soulager les symptômes. Cette méthode améliore aujourd’hui la qualité de vie de nombreux patients parkinsoniens ou atteints de tremblements ou de dystonies, en préservant en partie leur capacité de travail. Les patients ­parkinsoniens se voient souvent aussi implanter une pompe qui délivre leurs médicaments directement dans l’intestin, afin de garantir une concentration ­médicamenteuse régulière. Cette technique améliore ­notamment le changement rapide de la rigidité à l’hypermobilité, et leur permet une plus grande autonomie. L’injection de toxine botulique pour détendre les muscles hyperactifs s’est également établie et développée, et améliore notamment de manière efficace et ­durable les troubles des patients atteints de dystonie. Grâce à ces progrès et d’autres avancées, les patients souffrant de troubles moteurs bénéficient aujourd’hui d’une qualité de vie inimaginable il y a 20 ans.

Epilepsies – maîtriser la tempête dans 
la tête

Pour les 56 000 personnes en Suisse souffrant d’une épilepsie nécessitant un traitement – un chiffre qui grossit chaque année de quelque 4000 personnes – les chances qu’un traitement soit efficace et bien toléré, ­offrant une bonne qualité de vie, ont nettement augmenté ces 20 dernières années. Une partie de ces avancées est due à la forte augmentation des médicaments anticonvulsifs disponibles. Ils ne sont pas toujours plus efficaces, mais sont beaucoup mieux tolérés que les préparations «classiques». Ils présentent également beaucoup moins d’effets neuropsychologiques secondaires, et sont mieux adaptés aux patientes souhaitant avoir un enfant.
Malgré la mise à disposition de nouveaux médicaments plus efficaces, 30% des patients épileptiques 
ne parviennent toujours pas à un résultat optimal par la voie médicamenteuse. Pour ces patients, il est aujourd’hui beaucoup plus facile de déterminer si les ­régions impliquées dans le déclenchement des crises d’épilepsie peuvent être traitées chirurgicalement. ­Aujourd’hui, les intensités de champ magnétique plus élevées (mesurées en teslas) de l’IRM facilitent la détection de ces foyers: par rapport à 1,5 tesla, 3 teslas per­mettent de détecter 50% de foyers supplémentaires, 
et 7 teslas encore 30% supplémentaires. L’analyse de l’activité cérébrale avec le nouvel électroencéphalo­gramme à haute résolution permet de localiser les foyers épileptogènes avec une plus grande précision. Dans l’ensemble, il est justifié d’opérer plus de patients, qui auront une à dix fois plus de chances de ne plus présenter de crise épileptique après l’intervention. Si une ablation chirurgicale des structures cérébrales concernées était impossible, on peut recourir à des traitements comme la SCP décrite plus haut ou une ­stimulation du nerf vague par l’implantation d’un stimulateur. Ces thérapies n’éliminent pas complètement les crises, mais réduisent fortement leur fréquence ou ­intensité.

Polyneuropathie – mieux vivre grâce 
à un traitement sur mesure

Les maladies neuromusculaires englobent à la fois des maladies des muscles (myopathies) et des maladies affectant l’innervation des muscles par les nerfs. Cette dernière catégorie regroupe les maladies des nerfs ­périphériques (neuropathies) et les maladies des neurones moteurs qui commandent les muscles (comme par exemple la sclérose latérale amyotrophique). Les maladies neuromusculaires touchent de nombreuses personnes. On estime ainsi que les polyneuropathies touchent à elles seules 3% des plus de 60 ans.
Les polyneuropathies inflammatoires comme le syndrome de Guillain-Barré aigu (SGB) commencent le plus souvent par des paralysies des jambes pour s’étendre en quelques jours à tout le corps, immobilisant dans son lit un patient pleinement conscient, mais complètement dépendant. Sans traitement, cet état peut se prolonger pendant des mois, voire des années. Dans les formes plus chroniques comme la polyneuropathie ­inflammatoire démyélinisante chronique (PIDC), les paralysies apparaissent plus lentement, mais provo­quent aussi à long terme invalidité et perte d’autonomie. Suite aux immenses progrès accomplis ces deux dernières décennies en matière de diagnostic et de traitement, ces formes de maladies neuromusculaires peuvent aujourd’hui être traitées de manière ciblée et efficace. Des examens électrophysiologiques et sanguins ainsi que l’IRM et les ultrasons permettent de distinguer des sous-types de polyneuropathies et de mieux cibler leur traitement. Ainsi, pour le SGB, l’échange de plasma sanguin ou l’apport d’anticorps concentrés (immunoglobuline intraveineuse, IgIV) permet de stopper la progression des paralysies et souvent d’obtenir une régression des symptômes, voire une guérison. Alors que les patients atteints de SGB subissaient autrefois une longue hospitalisation sans jamais récupérer véritablement, ils quittent aujourd’hui l’hôpital au bout de quelques jours et retrouvent rapidement leur capacité de travail. Concernant la PIDC, la progression autrefois redoutée peut aujourd’hui être souvent stoppée. Grâce aux examens cliniques et électrophysiologiques, les patients bénéficient de thérapies personnalisées en termes de durée et de fréquence.

Bilan: des progrès fulgurants

Les progrès réalisés ces dernières années en neurologie clinique – comme l’illustrent ici les exemples de la maladie de Parkinson, des épilepsies et des polyneuropathies – sont le résultat d’une recherche intensive et constituent un apport inestimable pour les patients. On peut s’attendre à disposer à l’avenir de méthodes thérapeutiques spécifiques pour de nombreuses maladies neurologiques jusqu’ici incurables, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA), la démence ou les maladies neurologiques et neuromusculaires d’origine génétique. Le coût de cette évolution est élevé, mais doit être apprécié dans son ensemble et tenir compte d’une nette amélioration de la qualité de vie et d’une prolongation de la durée de vie. En plus de ces bénéfices pour les patients et leurs proches, les nouvelles thérapies présentent un intérêt économique puis­qu’elles permettent souvent d’éviter ou de retarder le ­handicap et les rentes ou bien de réduire les besoins en soins.

Résumé

Même si les progrès de la neurologie ont accru les coûts de traitement ces 20 dernières années, ils ont apporté une plus-value considérable pour les patients. Les patients atteints de troubles moteurs bénéficient ainsi aujourd’hui d’une qualité de vie bien meilleure. Les ­patients épileptiques voient même leurs crises dis­paraître ou reçoivent un traitement mieux toléré; les personnes souffrant de polyneuropathies inflammatoires assistent à une régression rapide des symptômes ou du moins à l’arrêt de leur progression, là où une invalidité à long terme était auparavant inévitable. Ces avancées sont synonymes de meilleure qualité de vie et de durée de vie, et épargnent à la société les coûts élevés de l’invalidité.
Société suisse de
neurologie (SSN)
c/o IMK
Münsterberg 1
CH-4001 Bâle

Adresses des coauteurs responsables:

Prof. Hans H. Jung
Vice-président SSN
Clinique de neurologie
Hôpital universitaire de ­Zurich
Frauenklinikstrasse 26
CH-8091 Zurich
hans.jung[at]usz.ch

Prof. Alain Kälin
Neurocentro della Svizzera Italiana
Ospedale Regionale di ­Lugano
Via Tesserete 46
CH-6900 Lugano
alain.kaelin[at]eoc.ch

Prof. Andrea Rossetti
Service de neurologie
CHUV, BH07
Rue du Bugnon 46
CH-1011 Lausanne
andrea.rossetti[at]chuv.ch

Prof. Kai Rösler
Clinique universitaire de neurologie
Hôpital de l’Ile
Freiburgstrasse 8
CH-3010 Berne
kai.roesler[at]insel.ch