L’idée de manifester sur la Place fédérale est-elle une bonne idée?

Briefe / Mitteilungen
Édition
2017/41
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.06103
Bull Med Suisses. 2017;98(41):1328

Publié le 11.10.2017

L’idée de manifester sur la Place fédérale est-elle une bonne idée?

Lettre concernant: Debétaz LF. Révision du TARMED: 
allons en masse sur la Place fédérale, et vite. Bull Méd Suisses. 2017;98(38):1218–9.
«Manifester sous la bannière de la FMH» pour «se mettre en position de force en vue des négociations futures avec les assureurs et avec les autorités politiques»: est-ce crédible?
Le Dr Louis-François Debétaz décrit avec acuité et pertinence la situation dans laquelle le corps médical s’est manifestement laissé entraîner: une situation de contre-production, dangereuse, injuste qui touche au fondement même de notre pratique. A qui la faute? Les politiciens et les assureurs ne sont pas les responsables dont il est question: les assureurs ont perdu en grande partie leur liberté; l’Etat est, dirons-nous, représenté par les politiciens élus, de plus en plus dépassés par la spirale infernale du «toujours plus» inadapté.
A qui donc incombe cette responsabilité? Qu’avons-nous fait de la responsabilité individuelle et de l’initiative privée? Qu’avons-nous fait de la possibilité de dénoncer ce qui est certes légal, mais illégitime? Comme nous imposer des règlementations de plus en plus outrancières et inadéquates, dites européennes, dont une nomenklatura tire parti, paralysant l’échange spontané et la véritable valeur marchande de nos services et conduisant aux pénuries que nous subissons et dont nos patients sont victimes?
Il est temps que nous considérions la LaMal comme une erreur politique fondamentale. Il faut un vrai changement. Contrairement aux idées reçues, c’est une législation libérale, qui honore le médecin entrepreneur, qui va faire le lit de la solidarité véritable que tous souhaitent et dont la LaMal est l’antithèse.
C’est à nous de définir prioritairement nos besoins et donc consécutivement ceux de nos patients: ce n’est ni le rôle premier des assureurs, ni celui des politiciens. Pourquoi ne pas réfléchir à ce qui nous lèse actuellement au quotidien?
1. Une priorité donnée au bien des systèmes en lieu et place d’une priorité aux patients
2. Une obligation de coopération avec le plus fort (souvent l’Etat) à la place du libre choix d’une coopération et d’un partenariat win-win en tout temps librement consentis
3. Une performance moyenne pour de l’égalité au détriment de l’excellence
4. L’absence de reconnaissance des talents individuels
5. De multiples barrières à la protection et à la promotion du médecin entrepreneur
Dans notre spécialité, nous connaissons depuis cinq ans maintenant la pénurie d’outils diag­nostiques et thérapeutiques directement en lien avec les points 1 et 2. L’ensemble des médecins connaît une diminution égalitaire des revenus pour tous depuis 2014, directement reliée aux points 3 et 4 et qui sera aggravée en 2018.
Reste le point 5. Que nous manque-t-il? En premier lieu la confiance en nous-mêmes pour construire dans nos rôles de concepteurs et de producteurs: concepteurs de processus individualisés, producteurs d’idées novatrices et de diagnostics adaptés pour le succès de la prise en charge de nos patients. Une priorité serait donc de savoir nous protéger du fait que l’on fasse comme si nos productions ne nous appartiennent plus. Et ceci n’a rien à voir avec un protectionnisme corporatiste, mais avec un droit de propriété que chacun est en droit d’exercer et de faire fructifier.
Ces cinq points compromettent aujourd’hui le succès de la médecine suisse tant sur le plan de l’excellence et de la liberté des soins que sur le plan financier. Si nous renversons ces cinq points, nous gagnerons et nous irons «à l’essentiel»: appliquer les cinq ingrédients du succès connus depuis les débuts de la médecine. Reprendre notre droit nous rendra notre crédibilité.
La santé est un service dans un mandat accepté et donc respectable de part et d’autre, y compris dans le domaine de la charité et de la formation scientifique, dans le cadre de notre mission et de nos valeurs. Or ce service n’est plus acceptable, car il n’est pas respectable. Alors agissons et entamons de vraies discussions avec des partenaires convaincus d’une libéralisation du système pouvant agir à la fois aux niveaux local, national et européen: une libéra­lisation tarifaire, une simplification des règlementations respectant une politique de décentralisation, bref une politique à la fois d’autonomie et de prévoyance.
Tout droit n’est pas bon à prendre, comme d’ailleurs toute bannière de protection. Le véritable combat que souligne le Dr Debétaz est bien celui de la crédibilité. Ce qui veut dire celui de la confiance et de son corollaire: le droit de propriété sur nous-mêmes et la responsabilité bien comprise qui en découle.