Amélioration des soins médicaux: quels bénéfices en retour des dépenses consenties?

Progrès fulgurants en neurologie (1re partie)

FMH
Édition
2017/43
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.06102
Bull Med Suisses. 2017;98(43):1394–1395

Publié le 25.10.2017

Ces 20 dernières années, la neurologie a connu des changements fondamentaux, parfois révolutionnaires, dans les concepts et les succès thérapeutiques. Des maladies comme l’AVC, la sclérose en plaques et les tumeurs du cerveau, incurables auparavant, font aujourd’hui l’objet de nouvelles méthodes de traitement. Avec à la clé une nette amélioration de l’espérance et de la qualité de vie, et une réduction des coûts d’invalidité.

De réelles chances de mener une vie «normale» malgré un AVC

Chaque année en Suisse, l’accident vasculaire cérébral touche environ 16 000 personnes, dont un tiers encore à l’âge actif. Même si les AVC sont une des causes les plus fréquentes de décès et de handicap, les chances de survie avec peu ou sans séquelles ont considérablement augmenté ces dernières décennies.
Une sexagénaire comateuse est admise dans une unité neurovasculaire où on lui détecte un caillot de sang dans une artère cérébrale (thrombose basilaire). Après lui avoir administré des médicaments pour dissoudre le caillot (thrombolyse systémique), on la transfère au centre AVC où l’on procède à l’ablation du thrombus (thrombectomie endovasculaire) à l’aide d’un cathéter introduit à l’intérieur du vaisseau jusqu’à l’occlusion. La patiente quitte l’hôpital peu de temps après sans séquelles.
Cette situation qui aurait été très probablement fatale il y a 20 ans illustre parfaitement les progrès réalisés dans le traitement de l’AVC: la thrombolyse systémique s’est généralisée; (2) la thrombectomie endovasculaire est proposée 24 h sur 24 dans des centres d’AVC répartis dans toute la Suisse, et (3) l’organisation en réseaux AVC permet à davantage de patients de bénéficier d’un traitement spécialisé. Ainsi, la thrombolyse systémi­que combinée à une thérapie endovasculaire permet chez la moitié des patients ayant subi un AVC sévère de mener une vie sans handicap au quotidien.

Mener une vie normale pendant des décennies malgré la sclérose en plaques

En Suisse, 10 000 à 15 000 personnes sont touchées par la sclérose en plaques, une maladie qui atteint plus souvent les femmes que les hommes et dont les premiers symptômes apparaissent en général entre 20 et 40 ans. Les symptômes tels que les troubles de la vision, les problèmes locomoteurs ou de coordination, les douleurs et limitations psychiques ou cognitives peuvent apparaître selon l’endroit du système nerveux central touché, les attaques se produisant le plus souvent par poussées au niveau des foyers d’inflammation.
La sclérose en plaques demeure un diagnostic très angoissant et les personnes concernées s’imaginent très vite en fauteuil roulant. Mais cette vision ne correspond pas à la réalité. Même si la sclérose en plaques reste incurable, les possibilités thérapeutiques ont beaucoup progressé ces dernières années. Grâce à une douzaine de nouveaux traitements, on est aujourd’hui en mesure de ralentir considérablement l’évolution de cette maladie, permettant ainsi à une très grande majorité de patients de mener une vie complètement normale pendant des décennies, d’élever des enfants et de travailler à temps plein. Cette évolution n’est pas seulement une grande satisfaction pour les personnes concernées et leurs neurologues. Ces avancées thérapeutiques spectaculaires ont également des conséquences économiques très positives puisqu’elles permettent aux patien­ts souvent jeunes de mener une vie autonome et d’exercer une profession. Ils sollicitent ainsi moins de soins, de moyens auxiliaires et de rentes. Même si les nouveaux traitements sont coûteux, ils permettent largement d’économiser des coûts indirects.

Traitements mieux ciblés des tumeurs cérébrales

En Suisse, les tumeurs du cerveau touchent quelque 600 personnes chaque année et s’avèrent fatales dans de nombreux cas. Apparaissant souvent dès le plus jeune âge, elles font partie des cancers entraînant le plus grand nombre d’années potentielles de vie perdues.
Au cours des dix à vingt dernières années, de nouvelles méthodes de diagnostic à haute performance ont radicalement modifié la compréhension de la pathogenèse moléculaire des maladies, et donc la classification des tumeurs du cerveau. Cela permet d’évaluer si un traitement est prometteur pour un patient et de lui éviter ainsi des essais thérapeutiques et effets secondaires contraignants comme la nausée, des altérations de la formule sanguine ou un risque d’infection. Une meilleure connaissance de la biologie tumorale permet aussi de détecter plus rapidement des tumeurs agressives et de mieux les traiter de manière ciblée. Des progrès importants ont également été réalisés dans le domaine de la sécurité et de la précision du traitement neurochirurgical et radio-oncologique. Aujourd’hui, le recours à la thérapie médicamenteuse mène à une guérison – p. ex. pour les tumeurs cérébelleuses chez les enfants ou les tumeurs lymphatiques du système nerveux central – du moins pour certaines sous-catégories de patients, ce qui aurait été inconcevable il y a encore quelques années. Le nombre de survivants à long terme a également augmenté pour d’autres maladies incurables comme le glioblastome, la forme la plus fréquente de tumeur maligne du cerveau chez l’adulte. Une étape importante dans l’amélioration du pronostic et de la qualité de vie des patients atteints d’une tumeur du cerveau a été l’introduction de structures multidisciplinaires visant à optimiser le diagnostic et le traitement.

Bilan: des progrès fulgurants

Les progrès réalisés ces dernières années en neurologie clinique – comme l’illustrent ici les exemples de l’AVC, de la sclérose en plaques et des tumeurs du cerveau – sont le résultat d’une recherche intensive et constituent un apport inestimable pour les patients. On peut s’attendre à disposer à l’avenir de méthodes thérapeutiques spécifiques pour de nombreuses maladies neurologiques jusqu’ici incurables, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA), la démence ou les maladies neurologiques et neuromusculaires d’origine génétique. Le coût de cette évolution est élevé, mais doit être apprécié dans son ensemble et tenir compte d’une nette amélioration de la qualité de vie et d’une prolongation de la durée de vie. En plus de ces bénéfices pour les patients et leurs proches, les nouvelles thérapies présentent un intérêt économique puisqu’elles permettent souvent d’éviter ou de retarder le handicap et les rentes ou bien de réduire les besoins en soins.

Résumé

Même si les progrès de la neurologie ont accru les coûts de traitement ces 20 dernières années, ils ont apporté une plus-value considérable pour les patients. Les traitements de l’AVC permettent ainsi aujourd’hui à un plus grand nombre de personnes de mener au quotidien une vie sans handicap. Les progrès notables réalisés dans le traitement de la sclérose en plaques permettent à de nombreux patients de vivre normalement pendant des décennies. Les décisions thérapeutiques concernant les patients atteints d’une tumeur du cerveau peuvent aujourd’hui être prises sur une meilleure base, avec parfois des chances de guérison. Ces avancées sont synonymes de meilleure qualité de vie et de durée de vie, et épargnent à la société les coûts élevés de l’invalidité.
Société suisse de neurologie (SSN)
c/o IMK
Münsterberg 1
CH-4001 Bâle

Adresses des co-auteurs responsables:
Prof. Hans H. Jung
Vice-président SSN
Clinique de neurologie
Hôpital universitaire de ­Zurich
Frauenklinikstrasse 26
CH-8091 Zurich
hans.jung[at]usz.ch
Dr Georg Kägi
Clinique de neurologie
Hôpital cantonal ­de ­Saint-Gall
Rorschacher Strasse 95
CH-9007 Saint-Gall
georg.kaegi[at]kssg.ch
Prof. Renaud Du Pasquier
Service de neurologie
CHUV, BH07
Rue du Bugnon 46
CH-1001 Lausanne
renaud.du-pasquier[at]
chuv.ch
Prof. Michael Weller
Clinique de neurologie
Hôpital universitaire de ­Zurich
Frauenklinikstrasse 26
CH-8091 Zurich
michael.weller[at]usz.ch