Médecins cadres des hôpitaux suisses

Evolution des conditions d’embauche

Organisationen der Ärzteschaft
Édition
2017/40
DOI:
https://doi.org/10.4414/bms.2017.05938
Bull Med Suisses. 2017;98(40):1289–1292

Affiliations
Docteur en droit, directeur administratif VLSS

Publié le 04.10.2017

VLSS est l’organisation de base des médecins-chefs et des médecins adjoints d’hôpitaux travaillant en Suisse au sein de la FMH. En 2003, 2011 et 2016, VLSS a ­interrogé ses membres sur leurs conditions d’embauches.
A l’automne 2003, la Private Hochschule Wirtschaft PHW (qui fait aujourd’hui partie de la Kalaidos Haute Ecole Spécialisée, qui propose notamment un Executive MBA en management médical) a réalisé et analysé au nom de la CDAS (aujourd’hui CDS) et de VLSS un grand sondage auprès des médecins-cadres suisses et de quelques hôpitaux publics suisses (cf. Bull méd suisses 2004;85(51/52):2754 et suivantes). 638 à 2838 questionnaires ont pu être analysés, ce qui a permis d’obtenir des résultats probants. En 2011, seule une ­enquête très simplifiée sur les salaires a été réalisée par voie électronique auprès du même public. Les résultats n’étaient pas assez pertinents pour faire l’objet d’une publication. Enfin, en 2016, un nouveau sondage a été réalisé par voie électronique dans le but d’en comparer les résultats avec ceux obtenus lors des ­enquêtes pré­cédentes, notamment en 2003. Ce sondage a été mené ­exclusivement auprès des membres de VLSS. 268 personnes ont participé, ce qui correspond à un taux de réponse de 25% (cf. VLSS info 1 2017: www.vlss.ch).
VLSS ne prétend pas fournir de données scientifi­quement fondées concernant les salaires et les conditions d’embauche des médecins-cadres en Suisse. Ces enquêtes ont avant tout été réalisées dans le but d’être utilisées en interne ou par le groupe-cible des médecins-cadres. Par conséquent, nous nous contentons d’informer de certaines tendances que nous considérons significatives. Cela est évidemment aussi dû à la longue expérience du signataire en matière de conseils en conditions contractuelles et d’affaires judiciaires.
Dans la mesure où les trois sondages mentionnés présentaient une formulation et des questions similaires, nous avons pu analyser en profondeur les points suivants et ainsi définir une évolution dans le temps. De plus, nous avons examiné de plus près le sujet des primes perçues par les médecins (cf. l’émission «ECO» de la Radio Télévision Suisse du 3 octobre 2016, qui établit un lien entre les primes des médecins et le nombre d’opérations).
– Le revenu global des médecins-chefs a-t-il augmenté?
– Certains éléments du revenu / des primes ont-ils augmenté?
– Les conditions de travail ont-elles changé?
– Qu’en est-il des compétences des médecins-cadres en matière de management?
– Etes-vous satisfait de votre emploi?

Evolution du revenu global des médecins-chefs / médecins adjoints

VLSS a relevé les revenus des médecins-cadres en Suisse, indépendamment de leur spécialité. Si l’on analyse les revenus au niveau fédéral, on note une évo­lution stable entre 2002 et 2016. Les revenus par tête n’ont presque pas changé. Cela concerne aussi bien les médecins-chefs que les médecins adjoints. Par contre, les revenus des co-médecins-chefs ont plutôt ­diminué, mais nous tenons à préciser que nous ne disposons pas d’une banque de données suffisante pour évaluer précisément ce point.
Graphique 1: Evolution des revenus des médecins-chefs et médecins adjoints en Suisse.
Toutefois, en classant les revenus des médecins-cadres par régions, on distingue d’autres modèles d’évolution (cf. graphique 2). Alors que le revenu global a augmenté dans la région 2 (cantons FR, GE, JU, NE, TI, VD et VS) entre 2002 et 2016, il a diminué dans la région 3 (GR, AI, AR, GL, SG, SH, TG et ZH) sur cette même période. Dans les régions 1 et 4, cependant, les revenus sont restés ­relativement stables sur toute la période. En 2016, toutes les régions se situaient dans une même fourchette autour de la moyenne fédérale.
Graphique 2: Evolution des revenus des médecins-cadres par régions.
Les réserves émises ci-dessus concernent évidemment également cette section et nous ne sommes pas en mesure de classer les revenus en fonction des spécia­lités.
56% des membres de VLSS interrogés en 2016 ont indiqué que leur salaire n’avait pas changé, tandis que 24% ont mentionné une diminution et 20%, une augmen­tation.
Les revenus moyens des médecins-cadres suisses n’ont certes pas augmenté entre 2002 et 2016, mais une uniformisation régionale a eu lieu. Sans émettre de jugement, nous supposons que les hôpitaux font appel à des médecins-cadres sur le marché fédéral, et que ce marché fonctionne relativement bien.

Importance des primes accordées 
aux médecins

L’enquête montre que les éléments variables du revenu (honoraires d’activité médicale privée ou primes de ­résultats) ont diminué d’environ 50% à l’origine à 13 ­depuis 2002 et représentent actuellement seulement 10 à 20% du revenu global. La diminution des éléments variables du revenu a pu cependant être inté­gralement compensée par une augmentation pro­portionnelle des salaires fixes. C’est du moins ce qui ressort des moyennes sur lesquelles nous avons dû nous ­appuyer ici.
Graphique 3: Modification des composants du salaire des médecins-chefs et médecins adjoints.
Nous ne pensons pas que dans nos hôpitaux, les médecins-cadres se voient aujourd’hui verser – en plus des 10 
à 20% du revenu global – d’autres éléments variables de salaire susceptibles de faire augmenter le nombre d’opérations (inutiles). VLSS, en accord avec la FMH, a fondamentalement rejeté les modèles de salaire faisant parti­ciper les médecins-cadres aux résultats de l’hôpital ou de la clinique où ils travaillent (ce que l’on appelle des primes). Elle soutient plutôt le maintien des honoraires d’activité médicale privée, car cela permet aux patients privés et semi-privés de bénéficier à l’hôpital d’un suivi personnalisé par le médecin-cadre de leur choix. Cette ­démarche, contrairement à la distribution de primes, ­représente une réelle plus-value, car selon nous, dans le cadre du traitement de patients privés, la relation entre le médecin et le patient n’est pas déshumanisée et le traitement du patient est réalisée dans les meilleures conditions possibles.
Graphique 4: Modifications des conditions de travail.

Modification des conditions de travail

Etonnamment, 41% des médecins-cadres interrogés ont indiqué que leurs conditions de travail s’étaient ­détériorées, tandis que 14% ont déclaré que les conditions générales s’étaient améliorées. 45% des inter­rogés n’ont noté aucun changement.
Selon les interrogés, les trois principales causes de la dégradation sont:
– la nouvelle structure organisationnelle (29%)
– l’augmentation du travail administratif (29%)
– la nouvelle direction de l’hôpital (19%).
Seul le temps de travail s’est visiblement amélioré. En 2003, le temps total de travail hebdomadaire était ­estimé à 70 heures et les membres de VLSS interrogés en 2016 ont déclaré travailler 60 heures par semaine.
Par conséquent – malgré un salaire presque identique –, la dégradation des conditions de travail entre 2003 et 2016 n’est en moyenne pas négligeable. Notre analyse, peut-être partiale, qui prend en considération de nombreux cas individuels – et des contentieux que nous connaissons –, laisse supposer un lien étroit entre la luttepour la survie de certains hôpitaux et la dégradation des conditions de travail, car cette dernière s’accom­pagne souvent de modifications personnelles au niveau du conseil d’administration et de la direction, ainsi que de nouvelles structures organisationnelles. Tous les modèles économiques, aussi éprouvés soient-ils, ne sont pas transposables aux hôpitaux. Si les directeurs d’hôpitaux se placent trop en position de force par rapport aux médecins-cadres, ils risquent inéluctablement de détruire des structures de soins construites sur le long terme. Les ­hôpitaux sans bons médecins-cadres vont disparaître à court ou moyen terme.
Graphique 5: Formation Direction/Management.

Formation des médecins-cadres en gestion et management

48% des interrogés déclaraient en 2016 disposer d’une formation en management et 4% avaient prévu de participer à une formation similaire. Il s’agit d’une très bonne nouvelle puisqu’en 2003, seuls 12% des interrogés déclaraient disposer d’une telle formation.
Cette évolution montre qu’aujourd’hui, la plupart 
des médecins-cadres disposent des compétences nécessaires pour siéger au sein de la direction opéra­tionnelle de l’hôpital de façon profitable. Ils devraient également se placer en interlocuteurs du conseil ­d’administration pour les questions stratégiques. Cela est souvent beaucoup moins cher que d’acheter des remèdes miracles issus du secteur de l’industrie ou de la production auprès de sociétés de conseil inter­nationales. Ces soi-disant solutions échouent de toute façon après une longue phase de tentative ­d’implémentation â l’hôpital, car le management d’un hôpital requiert des connaissances très spécifiques.

Projet de changement professionnel

Les évolutions mentionnées ici pourraient en partie expliquer pourquoi 25% des membres de VLSS inter­rogés en 2016 déclaraient prévoir un changement professionnel. Interrogés sur leurs motivations et le type de changement professionnel qu’ils prévoyaient, 26% ont mentionné un changement en cabinet et 24% l’obtention d’un poste de médecin-cadre avec de meilleures conditions de travail. 7% souhaiteraient travailler dans l’administration (sic!) et seuls 4% voudraient interrompre leur carrière universitaire pour une fonction de médecin-cadre sans mandat d’enseignement. 39% des interrogés ont mentionné d’autres raisons.
En conclusion, il semble nécessaire d’agir pour améliorer les conditions de travail générales des médecins-cadres. Si aucune démarche n’est rapidement entreprise dans ce sens, il existe un danger de «brain drain», c’est-à-dire que des médecins-cadres ayant bénéficié d’une formation coûteuse pourraient volontairement s’orienter vers les cabinets médicaux, l’industrie ou l’administration.
Graphique 6: Changement professionnel et motivations.
Médecins cadres des hôpitaux suisses
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